5 choses à savoir sur le Palais de l’Élysée

Inauguré il y a trois siècles par un bal, le palais de l’Élysée fut construit et financé par Antoine Crozat, un homme d’affaires devenu extrêmement riche grâce à la traite négrière, pour y loger sa fille et son gendre Louis-Henri de la Tour d’Auvergne, comte d’Évreux. Baptisé Hôtel d’Évreux, le bâtiment conçu par l’architecte Armand-Claude Mollet n’était pas prédestiné à devenir l’un des sanctuaires de la République. À la mort du comte d’Évreux, la propriété fut acquise par la favorite de Louis XV, la marquise de Pompadour, qui l’abandonna rapidement après avoir effectué d’importants travaux. À l’époque, les habitants du faubourg surnommaient la demeure la « maison de la putain du roi ».

Puis, c’est au tour d’un riche banquier Nicolas Beaujon d’acquérir l’hôtel en 1773. « Passant de main en main, divisé en appartements, utilisé pour les grands bals, il devient, au début du XIXe siècle, la propriété de Joachim et Caroline Murat, sœur de Napoléon Ier », rapporte Radio France. Pour la première fois, le palais devient une résidence d’État, un lieu de pouvoir. En 1848, l’Élysée devient par décret la résidence du premier président de la République. Louis-Napoléon Bonaparte prend possession des lieux jusqu’à ce que le coup d’État de 1852 le décide à abandonner l’hôtel d’Évreux pour le palais des Tuileries, plus vaste et plus central. Il faudra attendre près de cent ans et la fin de la Seconde Guerre mondiale pour voir un président de la République – Vincent Auriol – habiter l’Élysée.

Impraticable, incommode, caserne… Les présidents de la République qui se succèdent depuis près de 180 ans au 55 rue du Faubourg Saint-Honoré, en plein cœur de Paris, ont souvent eu des mots durs pour ce palais qui isole et contribue à la déconnexion des politiques. Mais si tous les présidents affirment ne pas apprécier les dorures du palais, aucun ne s’est résolu à déménager. De tous les locataires de l’Élysée, Charles de Gaulle fut sûrement le plus critique. « Caserne », « palais construit de la main gauche », « palais des femmes » : c’est ainsi que Charles de Gaulle résumait son lieu de résidence pendant onze ans. Le père fondateur de la Ve République imagina alors transférer le siège du pouvoir au château de Vincennes avant de décider d’y rester. Charles de Gaulle ne fut pas le seul à se plaindre de cette prison dorée. Raymond Poincaré, président de 1913 à 1920, affirmait vivre dans la « maison des morts ». Georges Pompidou confiait son « vertige de n’entendre aucun bruit de la ville si proche » et son épouse, Claude Pompidou, la parlait de la « maison du malheur ».

« Aucun chef d’État en Europe n’a une maison aussi petite. Et la France doit être fière des institutions de la République. Il faut déménager », confie François Mitterrand à Jacques Attali le 21 mai 1981, jour de la passation de pouvoir à l’Elysée. Le président socialiste, lui, pense aux Invalides comme lieu de déménagement avant de faire marche arrière en raison du coût de l’opération. D’ailleurs, ce même jour, Valéry Giscard d’Estaing donne un conseil à son successeur : « Ne vous laissez pas enfermer ici. On est un peu comme des prisonniers ici, vous verrez. »

A l’étroit à l’Élysée, VGE avait pensé s’installer à l’École militaire comme Nicolas Sarkozy trente ans plus tard. De tous les présidents de la Ve République, Jacques Chirac est sûrement celui qui s’est senti le plus à l’aise dans la première maison de France. Finalement, c’est peut-être Gaspard Gantzer, ancien conseiller en communication de François Hollande qui résume le mieux les lieux : « Même si l’immeuble est au cœur de Paris, on n’entend pas les bruits de la ville. On a l’impression d’être assez isolé du reste de la population. »

Parmi les nombreuses histoires entendues entre les murs du « Château », l’une d’entre elles vaut encore plus que les autres le détour. Nous sommes le 16 février 1899, et le président Félix Faure, élu quatre ans plus tôt, succombe à une crise cardiaque dans son bureau de l’Élysée à l’âge de 58 ans. Jusque-là, rien de bien palpitant si ce n’est que le président meurt dans les bras de sa maîtresse, Marguerite Steinheil, au milieu d’une fête endiablée, alors que les deux amants se trouvent dans le salon d’Argent de l’Élysée. « Avant de recevoir ses maîtresses, Félix Faure avait pour habitude d’avaler une pilule à base de phosphure de zinc. Ce médicament – ​​du Viagra à l’époque – avait la vertu d’exciter la virilité défaillante, mais il avait aussi pour effet de bloquer la circulation rénale », précise Radio France.

Cet épisode absurde donnera lieu à une scène comique quelques minutes après l’évanouissement du président Faure lorsqu’un prêtre, appelé en urgence, demandera : “Le président est-il toujours conscient ?” et l’huissier qui le guide répondra : “Non, elle est partie par l’escalier”. Des quatre présidents décédés au cours de leur mandat (Marie-François Sadi-Carnot en 1894, Félix Faure en 1899, Paul Doumer en 1932 et Georges Pompidou en 1974), Félix Faure est le seul à être décédé à l’Élysée.

Le PC Jupiter, un abri antiaérien entré en service sous la présidence d’Albert Lebrun en 1940 dans les sous-sols de l’Élysée, abrite les réunions du Conseil de défense, un conseil restreint des ministres. Le bunker ultra-sécurisé a par exemple été beaucoup utilisé pendant la crise du Covid-19. C’est d’ailleurs depuis cette salle doublement hermétique aux portes blindées que le président en exercice est susceptible de déclencher le feu nucléaire. Il existe très peu d’images du sous-sol où les téléphones portables sont interdits. En 1978, Valéry Giscard d’Estaing avait autorisé la télévision à le filmer dans le PC Jupiter dans un reportage que l’on peut retrouver ici.

En 2018, Emmanuel Macron avait publié une rare photo de ce lieu hautement stratégique lors des frappes occidentales contre la Syrie. Pour l’heure, il n’a jamais été utilisé pour des raisons de sécurité, même si “le 7 décembre 2018, à la veille d’une manifestation jugée à haut risque par les “gilets jaunes”, une visite du bunker avait été organisée pour Brigitte Macron et les conseillers d’Emmanuel Macron. Au cas où”, écrit Le Monde.

Quand on évoque le siège officiel de la présidence française, difficile de ne pas évoquer quelques chiffres qui donnent le vertige. Le palais de l’Élysée, c’est d’abord 365 pièces réparties sur une surface de 11 000 mètres carrés habitables et 6 entrées différentes, dont celle que vous avez l’habitude de voir à la télévision avec le porche et la Cour d’honneur. Pour les Journées du patrimoine, le public entre par la grille du coq située sur l’avenue Gabriel. Derrière les portes de l’Élysée, plus de 800 collaborateurs travaillent au service du chef de l’État et du pays. Ils sont cuisiniers, jardiniers, trésoriers, huissiers, majordomes et participent à la bonne marche du palais.

Cet été, un rapport de la Cour des comptes, passé inaperçu avec les Jeux olympiques et la situation politique du pays, a mis en lumière le train de vie du palais. Les dépenses de la présidence de la République ont atteint 21 millions d’euros l’an dernier contre 13,3 millions en 2022 et 9,87 millions en 2021.