5 choses à savoir sur le quatrième acteur du casting français

Un nouveau chapitre de l’histoire de Système U vient de s’ouvrir. Le quatrième distributeur alimentaire français change de nom pour devenir Coopérative U. L’annonce a été faite ce jeudi 16 mai devant les 1 500 collaborateurs réunis lors d’une conférence par le PDG du groupe Dominique Schelcher. « Le terme ‘système’, introduit en 1983, est très lié à l’esprit des années 80. Aujourd’hui, il y a une ‘méfiance’ envers les systèmes, et ce terme n’avait plus de raison d’exister, nous avons voulu assumer ce que nous sommes. , à savoir une coopérative », a justifié le gérant auprès du JDD. En revanche, les marques Hyper U, Super U, U Express et Utile conservent leur nom.

Fondé en 1894 sous le nom de « Pain Quotidien » avant de devenir Unico puis Sytème U, le groupe tourne la page de quatre décennies de Système U. Quatrième acteur français de la distribution derrière Leclerc, Carrefour et Intermarché avec près de 11 % de parts de marché, l’enseigne vise « 15 % de part de marché d’ici 2030 ». La Coopérative U ambitionne également « d’augmenter sa part de marché dans le secteur du frais » et « d’intensifier sa présence dans le domaine du e-commerce ».

S’il fallait résumer les débuts de l’aventure Système U dans un proverbe, « l’union fait la force » conviendrait parfaitement à la situation. En 1894, Auguste Juhel, épicier nantais, s’associe à d’autres commerçants indépendants de la région pour résister aux premières chaînes et magasins plus imposants, notamment Félix Potin. Déjà à cette époque, les volumes vendus par les grands magasins leur permettaient d’obtenir des remises auprès des fournisseurs et donc de vendre des produits moins chers aux clients.

En quelques mois, Auguste Juhel convainc plusieurs confrères et la vingtaine d’adhérents fondent « Le Pain Quotidien », l’ancêtre du Système U. Son objectif est clair : regrouper les achats pour obtenir de meilleures conditions d’achat face à la concurrence des grands magasins et assurer ainsi la survie des épiciers indépendants. En 1928, le mouvement s’amplifie et 300 commerçants créent la marque Unico. Quarante ans plus tard, le syndicat des commerçants regroupe « plus de 70 coopératives régionales et 10 000 épiciers adhérents ».

En 1975, Unico devient U pour des raisons pratiques et logistiques car l’inscription Super Unico prenait trop de place sur les façades des immeubles et coûtait plus cher. Pour créer une nouvelle dynamique et grandir, le groupe fonde Système U en 1983. Entre-temps, l’enseigne ouvre le premier super U de France à Maizières-lès-Metz, en Moselle, le 6 juillet 1972. Dix-sept ans plus tard, le premier Hyper U est apparu. Aujourd’hui, la coopérative de commerçants, présidée par Dominique Schelcher, regroupe 1 700 points de vente (Hyper U, Super U, U Express et Utile) et emploie 73 000 salariés.

Pour la petite coopérative fondée dans la région nantaise il y a 130 ans, l’année 2019 a une saveur particulière. Cette année-là, le groupe de distributeurs indépendants Système U dépasse un Casino Perdant pour devenir numéro 4 de la grande distribution en France. L’enseigne coopérative a d’ailleurs symboliquement franchi le cap des 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec une part de marché de 10,8%. «Nous grandissons chirurgicalement pour nous adapter à une France qui métropolise et se dirige vers la côte ouest et les régions sud», se félicitait début 2020 son patron Dominique Schelcher.

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Quatre ans après cette belle performance, Système U creuse l’écart avec Casino et conforte sa place au pied du podium derrière Leclerc, leader incontesté du secteur, Carrefour et Intermarché. L’année dernière, la part de marché des magasins U a atteint 11,8 %. Sur 100 euros dépensés en 2023 dans la grande distribution, près de 12 l’ont été dans un supermarché U.

U, le quatrième dans la hiérarchie (Crédit : Delmarty J/Alpaca/Andia/Universal Images Group via Getty Images)U, le quatrième dans la hiérarchie (Crédit : Delmarty J/Alpaca/Andia/Universal Images Group via Getty Images)

U, le quatrième dans la hiérarchie (Crédit : Delmarty J/Alpaca/Andia/Universal Images Group via Getty Images)

Le grand public l’a sûrement découvert lors de la crise du Covid-19. Désigné par ses pairs en 2018 pour succéder au charismatique Serge Papin, Dominique Schelcher est monté au créneau lorsque ses grandes surfaces – comme ses concurrents – ont été pointées du doigt pour avoir vendu des masques au plus fort de la crise sanitaire au printemps 2020. Un domaine auparavant réservé au monde de la santé. « Le 24 avril, le gouvernement nous a autorisé à vendre des masques chirurgicaux à partir du 4 mai. Nous avons fait notre travail pour remplir cette mission. Et maintenant, nous devons nous justifier publiquement», déplorait-il à l’époque sur X. «Pour toutes nos équipes sur le terrain sans relâche, cette polémique sur les masques est insensée et infondée», insistait-il.

Patron multi-tâches, le jeune quinquagénaire est tombé très jeune dans la marmite. Enfant, il travaillait dans le supermarché Unico que ses parents tenaient dans le village de Fessenheim. Avant son trentième anniversaire, cet Alsacien pur rejoint le Super U familial de Fessenheim (Haut-Rhin) avant d’en prendre les rênes six ans plus tard. Aujourd’hui responsable des 1 700 magasins du groupe, il possède toujours son propre Super U chez lui, sur ses terres alsaciennes.

Très actif sur LinkedIn et « Le contraste entre le séduisant Vendéen au teint bronzé et l’Alsacien imberbe tiré à quatre épingles est saisissant », s’amuse Challenges en dressant le portrait de Dominique Schelcher. Le manager a depuis gagné le respect de ses équipes. «Pendant la crise, il a été d’une solidité impressionnante. Il nous a guidés comme un patron », salue un employé. « J’ai trouvé très rassurant de pouvoir discuter souvent avec lui, en toute sincérité, pendant cette période très stressante (Covid, ndlr) », raconte son homologue Michel-Edouard Leclerc. Ecouté des politiques, il a reçu l’Ordre du Mérite des mains de Bruno Le Maire. Pour oublier ses dossiers et s’évader, Dominique Schelcher aime se réfugier dans… les dictionnaires. Le chef d’entreprise en aurait… 500.

Dominique Schelcher, PDG de Système U depuis 2018 (Crédit : Daniel Pier/NurPhoto via Getty Images)Dominique Schelcher, PDG de Système U depuis 2018 (Crédit : Daniel Pier/NurPhoto via Getty Images)

Dominique Schelcher, PDG de Système U depuis 2018 (Crédit : Daniel Pier/NurPhoto via Getty Images)

Le 23 mars 2018, l’expédition meurtrière de Radouane Lakdim au Super U de Trèbes (Aude) a coûté la vie à trois personnes dans le supermarché : le boucher Christian Medvès, 50 ans, Hervé Sosna, client de 65 ans, et le lieutenant -le colonel Arnaud Beltrame, 44 ans, suite à une prise d’otages qui a duré près de quatre heures. Si l’auteur des faits a été neutralisé, sept personnes de son entourage sont jugées lors d’un procès qui doit rendre son verdict ce vendredi 23 février.

Cette date désastreuse a évidemment eu un impact profond sur le groupe de distribution, qui a mis en place les moyens pour accompagner ses salariés lors d’événements traumatisants. « Chez U, il y a un avant et un après le 23 mars 2018, très clairement », a déclaré Dominique Schelcher sur Franceinfo le 16 janvier. Depuis cette date, le groupe a engagé un psychologue qui « immédiatement après un événement traumatisant, par exemple le décès d’un client en magasin, accompagne les collaborateurs ». De nombreux salariés ont évoqué lors du procès le profond traumatisme qui les hante depuis l’attentat. Près de six ans plus tard, seuls deux ou trois salariés de l’époque sont encore employés au Super U de Trèbes et la majorité ont choisi de changer de vie professionnelle.

Le Super U de Trèbes deux semaines après l'attentat (Crédit : ERIC CABANIS/AFP via Getty Images)Le Super U de Trèbes deux semaines après l'attentat (Crédit : ERIC CABANIS/AFP via Getty Images)

Le Super U de Trèbes deux semaines après l’attentat (Crédit : ERIC CABANIS/AFP via Getty Images)