DDimanche 8 septembre, un homme s’adresse à la foule place de la Nation à Paris. Micro en main, il prononce son discours, debout. “Sommes-nous prêts à mener l’intifada à Paris ? Dans nos banlieues ? Dans nos quartiers ?”, demande-t-il en préambule.
« Le chemin de la libération commence à Paris », poursuit-il. « Bientôt, Jérusalem sera libérée et nous pourrons prier à la mosquée al-Aqsa (une mosquée située à Jérusalem) », prédit alors l’orateur, concluant son monologue en déclarant : « Le génocide a des complices. Ils s’appellent Biden, ils s’appellent Macron, Macron le voleur d’élections, n’est-ce pas ? On connaît les voleurs, qui vivent à l’Élysée et à Matignon. On les connaît. Et est-ce qu’on est prêt à les chasser aussi ? »
Europe 1 a révélé lundi que le ministère de l’Intérieur allait signaler au procureur les propos tenus par Elias d’Imzalène, pour la partie qui appelle à “mener une intifada à Paris”. Selon les déclarations d’une source de l’entourage du ministre de l’Intérieur démissionnaire, Gérald Darmanin, cette démarche est “en cours d’écriture”.
La nouvelle a sans doute surpris le militant, leader du collectif Urgence Palestine et du site Islam & Info. Pourquoi maintenant ? Cet appel à importer l’intifada est l’une des figures de style habituelles de leur mouvement. En mai 2024, Omar Alsoumi, une autre figure du collectif Urgence Palestine, avait déjà tenu exactement les mêmes propos lors d’une manifestation à Paris sans être poursuivi. « Nous allons exporter partout la résistance et l’esprit de l’Intifada dans nos quartiers, dans nos universités et dans nos usines », avait-il déclaré. À ses côtés, Elias d’Imzalène a fait le « V » de la victoire.
Eli ou El-Yless Zareli de son vrai nom, est lui aussi un militant pour la Palestine. Son seul combat est l’Islam, un Islam sans compromis, incompatible avec les lois de la République. Pour le mener, il semble prêt à s’allier à n’importe qui et à s’impliquer dans n’importe quelle cause.
Profession, agitateur
Son parcours jusqu’en 2013 reste flou. Il apparaît dans le paysage médiatique en juillet de cette année-là, à Trappes. Le contrôle d’identité d’une femme portant le niqab (voile intégral, interdit) provoque de violentes émeutes. Elias d’Imzalène diffuse alors une vidéo contestant la version officielle du refus d’obtempérer. Elle est vue des centaines de milliers de fois, donnant une certaine notoriété à son site jusque-là confidentiel, Islam et Info, enregistré en novembre 2011.
Moins d’un mois plus tard, en août, on le retrouve à Argenteuil, en train d’attiser les flammes. Le contrôle d’une autre femme en niqab avait provoqué quelques remous, que le militant aimerait visiblement voir aller jusqu’au stade d’un brasier. Il dénonce alors l’islamophobie des élus locaux et des forces de l’ordre. Sa définition de l’islamophobie (formulée dans un entretien filmé en 2024) est particulièrement extensive : « tout ce qui entrave la construction, le développement de la communauté, son expression visible ou politique, ici en France ou ailleurs. »
Toujours en 2013, quelques mois avant les événements de Trappes, Elias d’Imzalène avait donné une conférence au Théâtre de la Main d’Or, dirigé par Dieudonné. Il y était question du « vivre ensemble face au choc des civilisations ». Égalité et Réconciliation, le site d’Alain Soral, en avait fait la publicité. Les deux hommes ne semblent pas avoir donné de conférences communes, mais ils avaient clairement trouvé des points de convergence. La haine d’Israël, au minimum. Alain Soral a été condamné à plusieurs reprises pour antisémitisme.
Classé S depuis plusieurs années
Elias d’Imzalène a été placé sur la liste S assez tôt. Il était surveillé par les services de renseignement dès 2015. Lors de la fermeture de la mosquée intégriste de Torcy en 2017, deux conférences d’Imzalène tenues dans les locaux figuraient parmi les pièces à conviction. Il « tenait des propos comparant la situation en France à l’apartheid », mentionne la note des renseignements territoriaux, « demandant aux fidèles de cesser d’être des Français légalistes, des Français républicains et des Français patriotes ». Il avait déclaré dans la même mosquée : « Un jour, il faudra penser communautaire. Un jour, il faudra voir grand. Un jour, il faudra même penser à avoir nos propres banques, notre propre monnaie locale. »
Ses propres sources de revenus demeurent inconnues. A moitié endormi, le site Islam et Info ne semble pas en mesure de générer des revenus significatifs.
Malgré ce sécessionnisme religieux qui ne s’est jamais démenti, le militant donne l’illusion d’être un défenseur des minorités. En 2019, il a co-organisé la marche contre l’islamophobie, à laquelle s’est jointe la France Insoumise. En mai 2022, il s’est exprimé lors d’une conférence au Parlement européen sur le thème des contradictions « entre les valeurs européennes et la loi confortant le respect des principes de la République française ». Elle était organisée par le Conseil pour la justice, l’égalité et la paix (Cojep, sous influence de la Turquie), avec comme co-invité l’islamologue François Burgat, retraité du CNRS, qui a récemment passé huit heures en garde à vue après avoir tenu des propos favorables au Hamas. En 2023, on retrouve Elias d’Imzalène à Bagnolet avec le sociologue Julien Talpin, pour une nouvelle conférence contre la loi séparatisme (annulée à la dernière minute).
Ces derniers mois, lors des manifestations et congrès pro-palestiniens, on l’a vu aux côtés des députés Insoumis Ersilia Soudais, Thomas Portes, Rima Hassan… L’appel à manifester d’Urgence Palestine place de la Nation, dimanche 8 septembre, avait également été relayé par plusieurs personnalités et organisations de gauche, dont Rima Hassan et Attac. Elles peuvent difficilement ignorer la ligne de conduite d’Elias d’Imzalène. Elle est claire et invariable depuis au moins dix ans : il est inconcevable que la charia cède devant les lois de la République.