L’islamologue suisse Tariq Ramadan, accusé par plusieurs femmes en Suisse et en France, a été condamné une première fois pour le viol d’une femme par la justice genevoise, à une peine de trois ans de prison, dont un ferme, qu’il contestera devant le Tribunal fédéral.
“Il appartiendra au Tribunal fédéral d’arbitrer cette affaire, de remettre la justice dans le droit chemin et de rétablir l’innocence d’un homme”, ont déclaré mardi ses avocats suisses, Me Yaël Hayat et Me Guerric Canonica, dans une déclaration à l’AFP.
Acquitté l’an dernier par le tribunal correctionnel, Tariq Ramadan, 62 ans, a été reconnu “coupable de viol et de contrainte sexuelle” dans la nuit du 28 au 29 octobre 2008 dans un hôtel de Genève, par la chambre criminelle d’appel et de révision, et condamné à “une peine privative de liberté de trois ans, sans un an avec sursis”, a indiqué la justice genevoise dans un communiqué.
Il a également été condamné à verser au plaignant “25.000 francs suisses (environ 27.700 euros, NDLR) avec intérêts à 5% à compter du 29 octobre 2008” en réparation du préjudice moral, selon le jugement dont l’AFP a obtenu une copie.
Ce jugement, daté du 28 août, a été notifié par courrier aux parties, qui avaient renoncé à une lecture publique.
“Notre cliente est bien sûr soulagée et comprend ce qu’elle a dû endurer pour que la vérité éclate”, ont déclaré à l’AFP les avocats suisses de la plaignante, Véronique Fontana et Robert Assaël.
Un recours au Tribunal fédéral, juridiction suprême de la Confédération, pourrait avoir un effet suspensif sur la peine, mais la justice genevoise n’a pas souhaité indiquer si elle avait demandé sa détention.
– Contrôle judiciaire –
La plaignante, « Brigitte », qui porte ce nom pour se protéger des menaces, a déposé plainte dix ans après les faits, motivée par le fait que des femmes avaient porté plainte en France en 2017 contre l’islamologue.
Il avait bénéficié d’une remise en liberté sous contrôle judiciaire en France en novembre 2018. Sa défense a déposé un recours contre la décision de la cour d’appel de Paris de le renvoyer en jugement pour les viols de trois femmes, prétendument commis entre 2009 et 2016. L’appel doit être examiné en octobre.
Selon Me Assaël, le Tribunal fédéral « a un pouvoir de contrôle très limité : ce n’est pas un nouveau recours, ce n’est pas un nouveau procès. Tout se fait par écrit, et le Tribunal fédéral vérifie seulement si la cour d’appel a commis une erreur grossière ».
Les avocats suisses de M. Ramadan s’attendent à ce que «comme les premiers juges, le Tribunal fédéral traite cette affaire de manière impersonnelle et prenne simplement la juste mesure des éléments du dossier».
“Ce ne sont clairement pas les faits qui ont conduit à la condamnation de Tariq Ramadan. C’est son nom. Cette affaire, jugée anonymement, n’aurait jamais conduit à ce que cet homme soit renvoyé en jugement, encore moins à sa condamnation”, ont-ils déclaré.
– “Plusieurs témoignages” –
Lors de son procès en appel, le procureur genevois avait requis trois ans de prison, dont la moitié ferme, et évoqué la notion de “contrôle” exercé par Tariq Ramadan, comparé au “syndrome de Stockholm” chez le plaignant.
Tariq Ramadan, figure charismatique et controversée de l’islam européen, nie tout acte sexuel et avait plaidé pour l’acquittement.
Convertie à l’islam, la plaignante, « Brigitte », qui se fait appeler ainsi pour se protéger des menaces, affirme qu’il lui a fait subir des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d’insultes dans la chambre de l’hôtel genevois où il séjournait, dans la nuit du 28 octobre 2008.
Les deux protagonistes ont affirmé avoir passé la nuit ensemble. Il a affirmé s’être laissé embrasser avant de mettre fin à l’échange et a accusé la plaignante de vouloir se venger.
En mai 2023, à l’issue de son procès en première instance, les juges avaient estimé qu’il n’y avait aucune preuve contre lui et mis en avant les témoignages contradictoires et les “messages d’amour” envoyés par la plaignante.
La chambre d’appel et de révision a toutefois estimé que « plusieurs témoignages, certificats, notes médicales et avis d’experts privés concordent avec les faits rapportés par le plaignant ».
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