EDans deux arrêts distincts, la Cour de justice de l’Union européenne a accordé à la commissaire Vestager la fin de son mandat qu’elle n’espérait plus. Lorsque la Danoise quittera la scène européenne début novembre, elle aura remporté deux grandes batailles : l’une contre les rescrits fiscaux d’Apple en Irlande, l’autre contre l’abus de position dominante de Google Shopping sur ses concurrents. Deux victoires sans appel.
Pour Apple, la facture est salée. Dans un arrêt définitif, la Cour a confirmé la décision de la Commission européenne de 2016 qualifiant d’illégaux les avantages accordés à la multinationale américaine. La Commission estimait qu’il s’agissait, en réalité, d’aides d’État illégales. Deux filiales d’Apple avaient ainsi bénéficié, entre 1991 et 2007, de décisions fiscales favorables. Le Tribunal de l’UE avait infirmé le raisonnement de la Commission. La CJUE a rétabli la balance de la justice : Apple devra restituer 13 milliards d’euros à l’État irlandais. L’Irlande doit récupérer cette somme colossale. Cela représente 11,3 % de son budget 2023. Une belle victoire pour les contribuables européens.
Les larmes de joie de Vestager
Margrethe Vestager avait perdu espoir. « Sur une échelle de 1 à 100, de l’absence de surprise à la surprise totale, je pense que je suis à 99 », a-t-elle déclaré mardi, en apprenant la décision de justice. « Bien sûr, j’ai trouvé très encourageant que l’avocat général, dans son avis, se soit rangé à nos côtés. Mais, avec les défaites que nous avons subies, tout le monde autour de moi m’a dit de me préparer à un impact négatif. Donc c’est très positif. Je m’étais préparée à rester stoïque face à une éventuelle défaite. Mais c’est la victoire qui m’a fait pleurer. C’est très important de montrer aux contribuables européens que, de temps en temps, la justice fiscale peut être rendue. (…) Cela montre aux grandes entreprises qu’elles ne sont pas non plus au-dessus des lois en matière d’impôts. »
L’autre décision est tout aussi stratégique pour la commissaire à la concurrence, qui tirera sa révérence en novembre : les pratiques d’exclusion de Google Shopping ont également été condamnées par la Cour de justice de l’Union européenne. La commissaire Vestager avait justement infligé, au nom de la Commission, une amende de 2,42 milliards d’euros à Google.
La Commission a plus de liberté
La portée de l’arrêt est peut-être plus théorique. Les juges européens ont rejeté l’appel de Google dans son intégralité, confirmant le jugement du Tribunal de l’UE et la décision initiale de la Commission européenne. Le cabinet de Margareth Vestager avait établi que Google avait abusé de sa position dominante sur le marché des services de recherche générale sur Internet dans 13 pays de l’Espace économique européen (EEE), en favorisant son propre service de comparaison de produits par rapport aux services concurrents.
Cet arrêt renforce l’approche de la Commission en matière de lutte contre les abus de position dominante dans le secteur numérique et apporte des précisions importantes sur l’application de l’article 102 du TFUE (traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) dans les affaires complexes impliquant des plateformes en ligne. L’arrêt souligne l’importance d’évaluer le contexte spécifique et les effets globaux des pratiques qui, combinées, peuvent conduire à des effets anticoncurrentiels. Il réaffirme la flexibilité dont dispose la Commission pour analyser et démontrer les abus de position dominante, confirmant qu’il n’existe pas d’approche unique applicable à tous les cas. En bref, l’arrêt élargit les actions possibles de la Commission dans ce domaine.
Cette décision est susceptible d’avoir un impact significatif sur les futures enquêtes de la Commission sur des pratiques complexes susceptibles de nuire à la concurrence sur les marchés en ligne.