Ils sont au crépuscule de leur vie, souvent isolés, malades, et trouvent une bonne âme pour prendre soin d’eux… jusqu’à ce que cette dernière dilapide toutes leurs économies. Les abus et les fraudes envers les personnes âgées se multiplient en France, obligeant la justice à la vigilance.
Plusieurs affaires impliquant des célébrités comme l’acteur Alain Delon, décédé le 18 août et dont l’ancienne compagne est soupçonnée d’abus de faiblesse, ou la résistante Madeleine Riffaud, dont l’ancienne aide à domicile a été condamnée à huit mois de prison avec sursis pour abus de confiance, ont fait la une des journaux ces derniers mois.
Mais ce type de procédure n’a rien d’exceptionnel pour la justice française. “Nous constatons une nette augmentation de ce phénomène : en 2022, il y a eu 283 affaires et, en 2023, 389 nouvelles affaires” dans la capitale, indique Anne Proust, cheffe de section au parquet de Paris, chargée des maltraitances sur personnes vulnérables.
Lundi, une femme de 53 ans, Aïcha M., a été condamnée par le tribunal correctionnel de Paris à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, pour abus de faiblesse, abus de confiance et escroquerie au préjudice d’une personne vulnérable.
Le prévenu, qui a reconnu les faits, avait rencontré sa victime en 2020. Cet homme, aujourd’hui âgé de 81 ans et atteint d’une maladie rénale chronique, était veuf depuis 2009 et avait perdu deux de ses trois enfants, dont un en 2019 qui habitait à proximité et prenait soin de lui.
Une relation fusionnelle se noue rapidement. Aïcha M., qui passe toutes ses journées avec lui, lui promet de s’occuper de lui jusqu’à la fin de ses jours pour lui éviter un séjour en maison de retraite, et de lui donner un rein.
Elle lui demande de lui prêter de l’argent, puis reprend sa carte bancaire et son code PIN. Ses comptes en banque fondent comme neige au soleil, l’obligeant à faire des rachats sur son assurance-vie pour les remplir à nouveau. Elle contracte également neuf prêts à la consommation à son nom. Résultat du préjudice, qu’Aïcha M. doit désormais rembourser à sa victime : 167 620 euros.
– “Déséquilibre” –
Cette relation s’est finalement transformée en “déséquilibre”, en “domination” de l’accusé sur la victime, a décrit le procureur lors de l’audience, soulignant que le vieil homme se sentait “lié par les promesses” qui lui avaient été faites, craignant que celles-ci disparaissent s’il protestait.
Les agissements d’Aïcha M. n’ont pris fin que lorsque la police est arrivée un jour au domicile de la victime, à la recherche du quinquagénaire qui venait d’être condamné dans une autre affaire, pour des faits similaires commis sur un autre retraité, lui aussi veuf.
Très souvent, les personnes âgées « ne se dénoncent pas à la justice car elles ne s’estiment pas victimes », explique Mme Proust.
« Nous avons affaire à des personnes qui ont besoin, en fin de vie, d’un peu de chaleur humaine, analyse-t-elle. Les auteurs de ces délits savent souvent les repérer. Ils leur donnent cette chaleur qui les maintient en vie, puis les isolent et les dévorent. »
Les aînés sont alors victimes d’abus de faiblesse, une infraction qui consiste à amener la personne à commettre un acte à son détriment, dans une relation de contrôle, comme inscrire quelqu’un dans son testament. Ou encore d’abus de confiance, lorsque l’auteur détourne un bien que lui a confié la victime, comme une carte de crédit.
Selon le magistrat, ces actes “se commettent entre eux, discrètement” et surviennent majoritairement “avec des soignants dans le cadre de soins à domicile”, la capacité de contrôle y étant plus forte que dans un hôpital ou un Ehpad où il est moins facile d’isoler une personne.
Des enquêtes sont ouvertes lorsque ces faits sont signalés par des proches ou des institutions.
“En 2023, à Paris, il y a eu 60 signalements de familles et 1.600 signalements d’institutions comme l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), la mairie ou les banques”, précise Laureen Simoes, de la section des affaires civiles du parquet de Paris, chargée notamment de mettre en œuvre des mesures de protection judiciaire pour protéger les personnes âgées de telles infractions.
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