LLa photo a fait le tour des médias et des réseaux chinois. A sa descente d’avion, Jiang Chengjun avait l’air sombre, dans son polo usé, flanqué de deux policiers en uniforme. Le directeur général adjoint de Haitong, l’une des plus grandes banques d’investissement chinoises, a été capturé au Laos et rapatrié manu militari dans son pays, accusé de corruption. Selon la presse chinoise, il avait démissionné en juillet dernier, puis s’était enfui à l’étranger.
Le message est clair : nul n’échappe à la justice chinoise, où que l’on soit, et aucun secteur n’est à l’abri. Et surtout pas les banquiers. C’est le but de l’opération Skynet : traquer la délinquance financière partout dans le monde. Le malheureux directeur de la banque de Shanghai n’est pas le seul visé.
Selon l’agence de presse américaine Bloomberg, au moins trois banquiers ont été arrêtés dans ce secteur stratégique de la haute finance depuis fin août. Ces banques d’investissement voient transiter des sommes considérables lors de fusions, d’acquisitions ou d’introductions en Bourse. Les autorités ont demandé aux entreprises de confisquer les passeports des dirigeants, de soumettre les déplacements à l’étranger et même les démissions à autorisation.
Effondrement de l’investissement privé
La traque des cadres financiers accusés de corruption, lancée en 2021, a débouché sur des peines de prison, voire des condamnations à mort. La victime la plus célèbre de cette purge financière était Bao Fan, cofondateur de la banque China Renaissance et grand financier de la high-tech chinoise. Il a disparu en 2023. Un an plus tard, sa banque a tout simplement annoncé sa démission, sans plus de précisions.
La croisade du gouvernement contre les banquiers d’affaires a un effet collatéral : l’effondrement de l’investissement privé, notamment du capital-risque. Le Financial Timesce chiffre est passé de 51 300 start-ups financées en 2018 à 1 200 en 2023, et devrait empirer en 2024.
En pleine effervescence technologique, en électronique ou en biotechnologie, Pékin, pour éliminer ses excès, prend le risque de briser sa machine d’innovation, qui a démontré son succès. Une épreuve, et une divergence de plus, dans la compétition qui l’oppose à Washington.