La deuxième division débute ce week-end avant la première la semaine prochaine, les négociations entre la Ligue de football professionnel féminin, les clubs et les joueuses étant actuellement en rupture.
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Le samedi 14 septembre marque une nouvelle page de l’histoire du football français. L’US Saint-Malo et l’US OrlĂ©ans disputent le premier match professionnel fĂ©minin du pays. Le championnat de Seconde Ligue dĂ©bute ce week-end et sa grande sĹ“ur, la Première Ligue Arkema, dĂ©butera le vendredi 20 septembre.
Une rĂ©volution pour le football fĂ©minin français, qui avait jusqu’ici un statut amateur, mĂŞme si certaines joueuses, notamment dans de grands clubs comme l’OL ou le PSG, Ă©voluaient dĂ©jĂ professionnellement. En projet depuis longtemps, mais lancĂ©e officiellement le 1er juillet, la Ligue de football fĂ©minin professionnel (LFFP) gère les deux premières divisions professionnelles. A sa tĂŞte, l’ancien prĂ©sident de l’Olympique lyonnais Jean-Michel Aulas, très impliquĂ© dans le dĂ©veloppement de la section fĂ©minine du club, l’une des meilleures au monde. « Nous voulons en faire la première ligue europĂ©enne. Et pour cela, il faut la structurer maintenant ». Structure, oui, car le travail est colossal, quand on voit la progression exponentielle des championnats fĂ©minins anglais ou espagnol, par exemple. En fĂ©vrier dernier, le choc entre Arsenal et Manchester United avait rĂ©uni 60 000 spectateurs.
Structurer et professionnaliser passe par un meilleur encadrement des conditions de travail des joueurs. Un contrat professionnel, c’est aussi un accord collectif entre la Ligue, les clubs et les joueurs. Et c’est lĂ que les choses coincent. En mars dernier, Jean-Michel Aulas espĂ©rait des avancĂ©es très rapides et des annonces «probablement le 1er mai” de sorte que « les choses sont complètement ratifiĂ©es » avant le lancement du LFFP. Puis l’objectif a Ă©tĂ© reportĂ© au lancement lui-mĂŞme, le 1er juillet : ratĂ© Ă nouveau. “Pour l’instant, c’est le statu quodĂ©plore Fabien Safanjon, vice-prĂ©sident de l’UNFP, le syndicat des footballeurs professionnels. Les nĂ©gociations ont Ă©tĂ© stoppĂ©es et n’ont pas repris car il y a des points forts de dĂ©saccord sur des choses qui nous semblaient Ă©videntes pour se rapprocher le plus possible de la charte du football professionnel. (la convention qui rĂ©git les contrats entre joueurs professionnels)” . “
« Il nous paraĂ®t Ă©vident que pour les joueuses, qui font le mĂŞme mĂ©tier, il doit y avoir une forme d’Ă©quitĂ© avec les hommes. »
Fabien Safanjon, vice-prĂ©sident de l’UNFP, en charge du football fĂ©mininĂ franceinfo
Ce ne sont pas les salaires en tant que tels qui bloquent le dĂ©bat, tous les partis se sont en effet mis d’accord sur une rĂ©munĂ©ration minimale. lĂ©gèrement supĂ©rieur au salaire minimum. Mais les clubs sont, en revanche, inflexibles sur d’autres demandes des joueurs, notamment la mise en place d’un système de retraite, qui leur permettrait de percevoir une certaine somme d’argent au moment de leur retraite, et l’inclusion dans l’accord d’une rĂ©munĂ©ration relative aux droits d’image des joueuses, deux dispositions existant pour les hommes.
Avec cette convention collective, ce qui va surtout changer, c’est un dĂ©but d’uniformisation, mĂŞme s’il y aura toujours des disparitĂ©s, selon Daniel Marques, journaliste indĂ©pendant, rĂ©dacteur du site footofĂ©minin.fr : « Les clubs qui auront plus de moyens pourront faire encore plus. Mais le principe est avant tout de donner un cadre clair, et le mĂŞme pour tout le monde. La LFFP est venue donner les bases aux clubs, la convention collective les donnera aux joueurs. Avant, le championnat Ă©tait gĂ©rĂ© par la FĂ©dĂ©ration française de football, il y avait dĂ©jĂ des règles, mais c’Ă©tait plus gĂ©nĂ©reux. DĂ©sormais, les joueurs seront mieux encadrĂ©s, mieux protĂ©gĂ©s, notamment en ce qui concerne leur salaire, mais aussi en cas de maternitĂ©, et, si les clubs finissent par cĂ©der sur les Ă©conomies, pour prĂ©parer leur retraite. »
« La professionnalisation, c’est un tout. La LFFP demande aux clubs des bases d’infrastructures, la convention collective Ă©tablit des bases contractuelles. »
Daniel Marques, spécialiste du football fémininà franceinfo
Pour Daniel Marques, si les clubs sont si rĂ©ticents Ă s’engager, c’est avant tout une question financière : “Ce qui est inquiĂ©tant, c’est qu’un salaire minimum que l’on accepte de payer, mĂŞme en cas de maternitĂ©, un système d’avantages et de droits Ă l’image, c’est un coĂ»t. Certaines Ă©quipes fĂ©minines fonctionnent dĂ©jĂ avec des budgets très serrĂ©s, et certains clubs ne veulent pas allouer ces ressources, tandis que d’autres n’ont tout simplement pas l’argent. Mais l’avantage de cette rĂ©glementation, c’est qu’Ă long terme, elle ne laissera dans ces ligues professionnelles que les clubs qui ont cette capacitĂ© financière.”
Les championnats – du moins la deuxième division – dĂ©marreront donc en France sans accord, et la situation pourrait s’enliser. En Espagne, en 2019, les joueurs Ă©taient allĂ©s jusqu’à faire grève dans des conditions similaires, les nĂ©gociations piĂ©tinant sur la question des salaires. Ils avaient obtenu gain de cause. Un exemple qui n’est pas d’actualitĂ© actuellement en France, selon Fabien Safanjon : “Ce n’est pas Ă l’ordre du jour, mĂŞme s’il y a une tendance qui se dĂ©gage et qui consiste pour les joueurs Ă dire, s’ils ne veulent pas comprendre, qu’on ne demande pas la lune, mais juste ĂŞtre respectĂ© et considĂ©rĂ©. Pour l’instant, Ă l’UNFP, on les modère parce que ce ne serait profitable pour aucune des deux parties, mais s’il faut aller jusqu’au bout, on ira jusqu’au bout.”
En l’Ă©tat actuel des choses et malgrĂ© ce blocage, la France est donc le cinquième pays après l’Angleterre, l’Espagne, les États-Unis et l’Italie Ă disposer de championnats professionnels de football fĂ©minin.