« Dors ton sommeil de brute », de Carole Martinez, Gallimard, 398 p., 22 âŹ, numĂ©rique 15 âŹ.
Les enfants ne veulent pas dormir. Ils rĂ©clament des histoires pour repousser le temps. Encore un peu, une page de plus, avant que ce sommeil qu’ils redoutent ne les emporte, ne les emporte et ne les laisse, abandonnĂ©s Ă eux-mĂȘmes, aux confins d’un espace inconnu. Les yeux clos, ils se jettent dans le vide. Mais Ă la terreur de la chute succĂšde (qui ne s’en souvient pas ?) une lĂ©gĂšretĂ© aĂ©rienne. Les voilĂ qui planent, qui volent. Et s’ils touchent le sol ne serait-ce qu’un peu, un simple coup de talon les fait remonter dans les cieux. Cette ivresse est pourtant bien fragile. Il suffit d’un rien, d’un souffle inconnu, d’une couleur, d’une vision soudaine, pour que l’enchantement se transforme en cauchemar.
Le nouveau roman de Carole Martinez explore les rĂȘves des enfants. Dors ton sommeil de bruteElle avance dans le dĂ©sert d’un long rĂ©cit inquiĂ©tant oĂč les repĂšres s’estompent, oĂč la rĂ©alitĂ© s’Ă©chappe, oĂč les pires dangers menacent. De quel cĂŽtĂ© du monde se dĂ©roule cette aventure ? Dans quel revers, dans quel reflet, a-t-elle commencĂ© ?
Eva est neurologue, spĂ©cialiste du sommeil. Elle s’est enfuie, quittant Paris et son poste de chercheuse avec Lucie, sa fille de 8 ans. Pierre, son mari, devenait de plus en plus violent, surtout avec la petite fille. Elle a trouvĂ© refuge dans une petite maison perdue au milieu de nulle part, en Camargue. LĂ , elle retrouve peu Ă peu son calme. Elle peut respirer. Personne autour. Sauf un voisin lointain, une sorte de solitaire bourru qu’ils ont rencontrĂ© un jour dans les roseliĂšres alors qu’il venait de sauver une oie sauvage blessĂ©e par un chasseur. Lucie, qui depuis son arrivĂ©e, vit au rythme de la nature, a appris le nom des plantes et des oiseaux, et s’est immĂ©diatement attachĂ©e au bonhomme. Eva, mĂ©fiante, prĂ©fĂ©rerait qu’il garde ses distances. Une nuit, la petite fille se met Ă hurler horriblement. Quelle bĂȘte noire a traversĂ© son sommeil ? Ce que sa mĂšre ne sait pas encore, c’est que, portĂ©e par la peur, elle a Ă©tĂ© prise d’une terrible douleur. « Ă la vitesse de la rotation de la Terre »le mĂȘme cri, semblable Ă une clameur terrible, fut poussĂ©, Ă l’unisson, par tous les enfants du monde.
EnchevĂȘtrer le surnaturel avec des secrets
De Coeur coususon premier roman, Roses fauves (Gallimard, 2007 et 2020), Carole Martinez n’en finit pas d’enchevĂȘtrer le surnaturel avec des secrets, des abandons, des troubles et des angoisses sourdes que dissipent parfois d’Ă©tonnantes fioritures. La terre qui s’incline (Gallimard, 2015), une petite fille morte au XIVe siĂšcleet Le siĂšcle a continuĂ© d’exister dans les souvenirs brumeux de son vieux fantĂŽme. Ici, c’est l’humanitĂ© entiĂšre qui semble livrĂ©e aux spectres dans un poltergeist planĂ©taire. Le long cri dĂ©chirant Ă©tait un prĂ©ambule. PortĂ©es crescendo par les rĂȘves des enfants, des catastrophes apocalyptiques surviennent. Les dix plaies d’Ăgypte frappent Ă nouveau. Il faut rompre le sort. Et s’Ă©lever de ce rĂȘve effrayant.
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« Dors ton sommeil de brute », de Carole Martinez, Gallimard, 398 p., 22 âŹ, numĂ©rique 15 âŹ.
Les enfants ne veulent pas dormir. Ils rĂ©clament des histoires pour repousser le temps. Encore un peu, une page de plus, avant que ce sommeil qu’ils redoutent ne les emporte, ne les emporte et ne les laisse, abandonnĂ©s Ă eux-mĂȘmes, aux confins d’un espace inconnu. Les yeux clos, ils se jettent dans le vide. Mais Ă la terreur de la chute succĂšde (qui ne s’en souvient pas ?) une lĂ©gĂšretĂ© aĂ©rienne. Les voilĂ qui planent, qui volent. Et s’ils touchent le sol ne serait-ce qu’un peu, un simple coup de talon les fait remonter dans les cieux. Cette ivresse est pourtant bien fragile. Il suffit d’un rien, d’un souffle inconnu, d’une couleur, d’une vision soudaine, pour que l’enchantement se transforme en cauchemar.
Le nouveau roman de Carole Martinez explore les rĂȘves des enfants. Dors ton sommeil de bruteElle avance dans le dĂ©sert d’un long rĂ©cit inquiĂ©tant oĂč les repĂšres s’estompent, oĂč la rĂ©alitĂ© s’Ă©chappe, oĂč les pires dangers menacent. De quel cĂŽtĂ© du monde se dĂ©roule cette aventure ? Dans quel revers, dans quel reflet, a-t-elle commencĂ© ?
Eva est neurologue, spĂ©cialiste du sommeil. Elle s’est enfuie, quittant Paris et son poste de chercheuse avec Lucie, sa fille de 8 ans. Pierre, son mari, devenait de plus en plus violent, surtout avec la petite fille. Elle a trouvĂ© refuge dans une petite maison perdue au milieu de nulle part, en Camargue. LĂ , elle retrouve peu Ă peu son calme. Elle peut respirer. Personne autour. Sauf un voisin lointain, une sorte de solitaire bourru qu’ils ont rencontrĂ© un jour dans les roseliĂšres alors qu’il venait de sauver une oie sauvage blessĂ©e par un chasseur. Lucie, qui depuis son arrivĂ©e, vit au rythme de la nature, a appris le nom des plantes et des oiseaux, et s’est immĂ©diatement attachĂ©e au bonhomme. Eva, mĂ©fiante, prĂ©fĂ©rerait qu’il garde ses distances. Une nuit, la petite fille se met Ă hurler horriblement. Quelle bĂȘte noire a traversĂ© son sommeil ? Ce que sa mĂšre ne sait pas encore, c’est que, portĂ©e par la peur, elle a Ă©tĂ© prise d’une terrible douleur. « Ă la vitesse de la rotation de la Terre »le mĂȘme cri, semblable Ă une clameur terrible, fut poussĂ©, Ă l’unisson, par tous les enfants du monde.
EnchevĂȘtrer le surnaturel avec des secrets
De Coeur coususon premier roman, Roses fauves (Gallimard, 2007 et 2020), Carole Martinez n’en finit pas d’enchevĂȘtrer le surnaturel avec des secrets, des abandons, des troubles et des angoisses sourdes que dissipent parfois d’Ă©tonnantes fioritures. La terre qui s’incline (Gallimard, 2015), une petite fille morte au XIVe siĂšcleet Le siĂšcle a continuĂ© d’exister dans les souvenirs brumeux de son vieux fantĂŽme. Ici, c’est l’humanitĂ© entiĂšre qui semble livrĂ©e aux spectres dans un poltergeist planĂ©taire. Le long cri dĂ©chirant Ă©tait un prĂ©ambule. PortĂ©es crescendo par les rĂȘves des enfants, des catastrophes apocalyptiques surviennent. Les dix plaies d’Ăgypte frappent Ă nouveau. Il faut rompre le sort. Et s’Ă©lever de ce rĂȘve effrayant.
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