Depuis jeudi dernier, l’Europe centrale connaît une situation dramatique avec des pluies torrentielles et des inondations meurtrières. Retour sur la configuration météorologique initiale à l’origine de cet événement exceptionnel.
Le bilan est lourd après le passage de la dépression de Boris en Europe centrale, entre l’Autriche, la Slovaquie, la Roumanie, la République tchèque et le sud de la Pologne. Résultat, en l’espace de 72 heures, plus de 400 mm sont tombés par endroits, générant des inondations catastrophiques et plusieurs victimes dans des zones densément peuplées. Malgré la configuration météorologique propice à cette situation, on peut dire que cet événement est d’ores et déjà historique, tant par l’intensité des précipitations que par l’étendue des zones inondées.
Une situation synoptique propice au blocage d’une dépression
Pour comprendre cette situation de blocage dépressionnaire, prenons un peu de recul à l’échelle européenne pour voir que cette dépression était entourée de deux systèmes anticycloniques de part et d’autre de Boris. Le premier anticyclone est celui qui nous concerne actuellement en France avec un centre positionné sur le nord de la France, ce qui nous garantit un temps calme pour le moment. L’autre anticyclone est toujours niché à l’ouest de la Russie et de l’Ukraine.
Entre ces deux systèmes, la dépression de Boris était coincée et n’avait donc d’autre choix que de rester statique, malheureusement sur les mêmes régions pendant plusieurs jours.
Un conflit de masses d’air important en altitude
L’approfondissement de cette dépression de Boris a été provoqué par un fort conflit de masses d’air en altitude. En effet, une advection d’air très froid pour la saison a touché l’ouest de l’Europe en début de semaine dernière, affectant également notre pays avec des anomalies de température parfois inférieures à -5 à -10°C en altitude. A l’est de l’Europe, c’est l’air chaud qui est remonté jusqu’en Russie avec même plus de 25°C à Moscou, soit là aussi des anomalies de +6 à +9°C.
Entre les deux, l’instabilité s’est fortement accrue avec un contraste vertical saisissant des températures au centre de la dépression de Boris, lié à l’air très froid en altitude et à l’air chaud près du sol. Ce fort contraste a permis à cette dépression de se creuser et donc de générer de fortes intempéries pendant une longue période.
Un fort apport de vapeur d’eau
Le point culminant de cet événement exceptionnel est bien sûr lié aux précipitations intenses, parfois historiques, comme dans le sud de la Pologne avec plus de 400 mm tombés en 72 heures et plus de 2 mètres de neige fraîche tombée à plus de 2000 m d’altitude dans les Alpes autrichiennes.
Ces énormes quantités de précipitations s’expliquent par la position statique de la dépression de Boris, qui, grâce à sa rotation, a permis à l’air d’être aspiré au-dessus de la mer Adriatique et de la Méditerranée, dont la température est encore chaude à cette période de l’année. Cet afflux d’air chaud et humide s’est confronté à l’air froid d’altitude, et s’est donc condensé, se bloquant sur les reliefs autrichiens et tchèques. En raison de la topographie très escarpée de la région, ces pluies brutales ont rapidement transformé les rivières en torrents de boue, dévastant de nombreuses installations sur leur passage.
Les événements extrêmes deviennent plus fréquents en raison du changement climatique
Bien qu’il soit actuellement impossible d’attribuer cet événement extrême au réchauffement climatique actuel, la dépression de Boris pourrait avoir été alimentée lors de son passage dans les eaux encore très chaudes de la mer Adriatique au début de la semaine dernière.
Les eaux de la mer Adriatique et de la mer Méditerranée ont été particulièrement hautes cet été, battant parfois des records, comme dans le golfe de Gênes où les 30°C ont parfois été atteints en août. Selon la loi physique établie par Clausius-Clapeyron en 1834 (https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/ed028p428), une augmentation de la température de +1°C provoque une hausse de l’humidité relative de +7%. Dans notre cas, l’eau chaude a fourni du “carburant” à la dépression de Boris, lui permettant de générer des précipitations extrêmes pendant plusieurs jours, grâce à l’apport d’une grande quantité de vapeur d’eau.
Si le blocage de Boris s’explique donc par la configuration météorologique détaillée ci-dessus, l’intensité des précipitations pourrait avoir été augmentée par cet apport colossal de vapeur d’eau. Le réchauffement climatique actuel augmente ainsi le risque de connaître des événements plus intenses dans le futur lorsque la configuration météorologique sera favorable.
Article original publié sur La Chaîne Météo