EEn dix jours, au moins vingt personnes ont perdu la vie dans la Manche en tentant de rejoindre le Royaume-Uni à bord d’embarcations de fortune. Le mardi 3 septembre, douze personnes, dont dix femmes, sont mortes ; dix jours plus tard, dans la nuit du 14 au 15 septembre, huit personnes ont péri lors d’une tentative de traversée. Quant aux survivants, parfois proches des victimes, ils ont dans les deux cas fait l’objet d’un abandon institutionnel complet.
Ces tragédies se répètent inlassablement depuis des années. Depuis le début de l’année 2024, 52 personnes sont décédées, et au moins 446 depuis 1999 – sans compter le nombre important de personnes disparues. Toutes ces personnes sont victimes des politiques migratoires imposées par les États membres de l’Union européenne (UE) et par le gouvernement britannique.
Depuis une dizaine d’années, nous constatons une augmentation significative du nombre de décès de personnes tentant de franchir la frontière franco-britannique. Les politiques publiques à cette frontière sont de plus en plus meurtrières : les nombreux accords bilatéraux entre la France et le Royaume-Uni, et les politiques mises en œuvre par les gouvernements de ces deux pays, n’ont pour seul objectif qu’une militarisation toujours plus grande de la frontière et une répression continue des populations exilées qui y survivent.
En maintenant les personnes exilées dans des conditions de précarité absolue alors qu’elles se retrouvent sans perspective ailleurs en Europe, les autorités les poussent à quitter le territoire français à tout prix. En cherchant à fermer la frontière, elles les poussent à prendre des risques toujours plus grands.
Scénario indigne
A l’intolérable, les autorités ajoutent l’indécent. Au lendemain du naufrage du 3 septembre, l’espace de vie d’un grand nombre de naufragés a été complètement détruit lors d’une expulsion de grande ampleur. Les cent cinquante personnes qui y vivaient, dont de nombreux survivants du naufrage meurtrier de la veille, ont ainsi tout perdu : tentes, bâches, couvertures, ustensiles de cuisine, ainsi que la possibilité d’un espace familier, où ils auraient pu savoir quels proches manquaient à l’appel.
Si quelques rescapés ont pu passer la nuit dans des hébergements d’urgence ou communautaires, ce n’est que grâce à la mobilisation de soutiens (associatif ou non) : la plupart se sont retrouvés à la rue, dans une situation encore plus précaire, et plusieurs ont depuis retenté la traversée.
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