Coup de théâtre à Bruxelles : le Français Thierry Breton a claqué lundi la porte de la Commission européenne, affirmant avoir été désavoué par la présidente Ursula von der Leyen, avant que l’Elysée ne propose de le remplacer par Stéphane Séjourné.
Le départ dramatique de M. Breton ne remet pas en cause la présentation des futurs commissaires et de leurs portefeuilles prévue mardi, en marge d’une session plénière des députés à Strasbourg.
Emmanuel Macron a choisi l’un de ses plus proches collaborateurs pour le remplacer : le ministre démissionnaire des Affaires étrangères, ancien député européen et ancien chef du groupe centriste Renew, âgé de 39 ans. C’est “un immense honneur”, a réagi Stéphane Séjourné, qui se rendra mercredi au Parlement européen.
La France vise un portefeuille « centré sur les enjeux de souveraineté industrielle et technologique et de compétitivité européenne », a indiqué l’Elysée.
« Je démissionne de mon poste de commissaire européen, avec effet immédiat », a annoncé Thierry Breton dans une lettre adressée à Mme von der Leyen et publiée sur le réseau social X.
Avec une pointe d’humour à laquelle l’ancien ministre français de 69 ans est habitué, il fait précéder son message d’une photo d’un tableau blanc : « mon portrait officiel pour le prochain mandat ».
Mme von der Leyen a sobrement indiqué lundi soir sur X qu’elle avait “pris acte” de la démission de M. Breton et l’avait “acceptée”, le remerciant pour son travail.
Elle a ajouté que la vice-présidente Margrethe Vestager assurerait l’intérim de la présidence.
Commissaire sortant au Marché intérieur, le Français s’était imposé comme une figure de l’exécutif bruxellois en s’attaquant aux abus de pouvoir des géants du numérique. Il avait d’ailleurs été confirmé fin juillet par Emmanuel Macron.
La PDG de X (ex-Twitter), Linda Yaccarino, a salué la démission de celui qui avait ouvert une enquête sur les manquements présumés du réseau social en matière de protection des mineurs. C’est “un grand jour pour la liberté d’expression”, s’est-elle réjouie.
Thierry Breton, dont les relations avec Ursula von der Leyen étaient notoirement tendues, affirme que la cheffe de l’exécutif européen, qui est en train de constituer son équipe pour les cinq prochaines années, a réclamé sa tête.
– “Douteux” –
“Il y a quelques jours, dans la dernière ligne droite des négociations sur la composition du futur Collège, vous avez demandé à la France de retirer mon nom – pour des raisons personnelles que vous n’avez jamais évoquées directement avec moi – et proposé, comme compromis politique, un portefeuille supposé plus influent pour la France au sein du futur Collège” des commissaires, écrit-il dans sa missive.
« Au vu des derniers développements – qui démontrent une fois de plus une gouvernance discutable – je dois conclure que je ne peux plus exercer mes fonctions au sein du Collège », explique M. Breton.
Ursula von der Leyen a accepté sa démission, le remerciant pour le travail accompli depuis cinq ans, par l’intermédiaire d’une porte-parole, Arianna Podesta, se refusant à tout autre commentaire. “C’était le choix de Thierry Breton de rendre cette lettre publique”, a-t-elle souligné.
Au printemps, M. Breton a mené une révolte au sein de l’exécutif bruxellois pour contester le style de leadership du président, jugé autoritaire.
Le Français avait publiquement mis en cause l’éthique de Mme von der Leyen après la nomination fin janvier d’un envoyé pour les petites et moyennes entreprises, un poste très bien rémunéré au sein de la Commission.
Le poste avait été attribué à un eurodéputé allemand issu du Parti populaire européen (droite), la famille politique de Mme von der Leyen. La polémique avait conduit à un vote de défiance à son égard du Parlement européen, en pleine campagne pour les élections européennes de juin, et finalement au retrait de cet élu, Markus Pieper.
– Manque de femmes –
La composition de l’exécutif européen attendue mardi est un exercice d’équilibriste, révélateur du poids des Etats membres, des forces politiques et des orientations de l’UE.
Avant le retrait de M. Breton, la situation était déjà incertaine en raison d’un blocage du côté slovène, où l’on attend l’approbation de la nouvelle candidate Marta Kos par le parlement national.
Le départ de celui qui s’était imposé comme une figure de l’exécutif bruxellois en s’attaquant aux abus de pouvoir des géants du numérique s’est ajouté à l’équation.
Cela fait suite à une polémique que les dirigeants tentent tant bien que mal d’apaiser concernant le manque de femmes dans la nouvelle équipe en formation.
Très peu de temps après la démission surprise de la commissaire française sortante, l’eurodéputée verte Marie Toussaint a appelé Emmanuel Macron à “nommer une femme pour œuvrer à la parité au sein de la Commission”.
En vain puisque c’est Stéphane Séjourné qui a été choisi.
Par ailleurs, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui devait s’exprimer mercredi à Strasbourg dans le cadre de la présidence semestrielle de l’Union européenne, a annoncé lundi qu’il annulait son discours en raison de la tempête Boris qui touche l’Europe centrale.
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