LA LISTE DU MATIN
Beaucoup d’émotion cette semaine, avec quatre films aussi différents qu’attendus : le drame de l’Iranien Mohammad Rasoulof, Graines de figuier sauvage ; le film posthume de Sophie Fillières Ma vie mon visage ; la comédie de Julie Delpy Les barbareset le documentaire Rue du Conservatoirepar Valérie Donzelli.
À ne pas manquer
« Graines de figuier sauvage » : une famille iranienne sur les braises
Inauguré en 2002, l’œuvre de Mohammad Rasoulof comprend huit longs métrages de fiction, dont la plupart ont été réalisés clandestinement. Le dernier, Graines de figuier sauvageinaugure ce qui devait hélas arriver : l’exil pur et simple du cinéaste. Cette fois, le cinéaste iranien s’efforce de décrire les rouages d’une pensée totalitaire, une ambition rendue très habilement possible à travers le prisme d’une famille de classe moyenne, mijotant sur les braises d’un conflit intergénérationnel.
Le drame se déroule autour de deux événements simultanés. D’un côté, la nomination d’Iman, le pater familias, au poste redouté de juge au tribunal révolutionnaire de Téhéran. De l’autre, la naissance du mouvement de contestation sociale Femme, Vie, Liberté, né dans la foulée de la mort, en septembre 2022, de la jeune Mahsa Amini, aux mains de la police des mœurs, qui la jugeait indûment voilée. Réduisant l’horreur totalitaire aux dimensions d’un microcosme familial, Mohammad Rasoulof fait preuve d’une redoutable intelligence de mise en scène. Son huis clos, à la fois étouffant et récalcitrant (on y voit des conflits et des femmes en cheveux) semble nous dire : « C’est le maximum que je puisse filmer. » J. Ma.
Film iranien, français et allemand de Mohammad Rasoulof. Avec Missagh Zareh, Soheila Golestani, Mahsa Rostami, Setareh Maleki (2 h 48).
« Ma vie, mon visage » : une femme vaincue
Septième long métrage de Sophie Fillières, Ma vie mon visage nous parvient à titre posthume, concluant l’œuvre parcimonieuse d’un cinéaste atypique, décédé le 31 juillet 2023, à l’âge de 58 ans. Prenant inévitablement une valeur testamentaire, Ma vie mon visage sait aussi parfaitement être autre chose, fidèle à l’exubérance absurde et aux jeux de langage qui caractérisent le réalisateur. C’est-à-dire le portrait attachant d’une femme dérangée, Barberie Bichette, qui, butant contre le mur de la réalité, cherche une issue.
Agnès Jaoui, qui l’interprète, impose d’emblée le personnage avec un régime vocal redoutable : un marmonnement en basse continue, un flux de pensées anarchiques aussitôt verbalisées, secouées de tics et d’onomatopées, qui disent tout du désordre intérieur de cette femme vaincue. Ma vie mon visage réunit ainsi un humour impénétrable à l’idée persistante de la mort. Barberie est sans doute plus qu’un simple alter ego de Sophie Fillières : un masque pour disséminer des signes discrets d’adieu et caresser un au-delà du langage. Mon. Mont.
Il vous reste 74.05% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
LA LISTE DU MATIN
Beaucoup d’émotion cette semaine, avec quatre films aussi différents qu’attendus : le drame de l’Iranien Mohammad Rasoulof, Graines de figuier sauvage ; le film posthume de Sophie Fillières Ma vie mon visage ; la comédie de Julie Delpy Les barbareset le documentaire Rue du Conservatoirepar Valérie Donzelli.
À ne pas manquer
« Graines de figuier sauvage » : une famille iranienne sur les braises
Inauguré en 2002, l’œuvre de Mohammad Rasoulof comprend huit longs métrages de fiction, dont la plupart ont été réalisés clandestinement. Le dernier, Graines de figuier sauvageinaugure ce qui devait hélas arriver : l’exil pur et simple du cinéaste. Cette fois, le cinéaste iranien s’efforce de décrire les rouages d’une pensée totalitaire, une ambition rendue très habilement possible à travers le prisme d’une famille de classe moyenne, mijotant sur les braises d’un conflit intergénérationnel.
Le drame se déroule autour de deux événements simultanés. D’un côté, la nomination d’Iman, le pater familias, au poste redouté de juge au tribunal révolutionnaire de Téhéran. De l’autre, la naissance du mouvement de contestation sociale Femme, Vie, Liberté, né dans la foulée de la mort, en septembre 2022, de la jeune Mahsa Amini, aux mains de la police des mœurs, qui la jugeait indûment voilée. Réduisant l’horreur totalitaire aux dimensions d’un microcosme familial, Mohammad Rasoulof fait preuve d’une redoutable intelligence de mise en scène. Son huis clos, à la fois étouffant et récalcitrant (on y voit des conflits et des femmes en cheveux) semble nous dire : « C’est le maximum que je puisse filmer. » J. Ma.
Film iranien, français et allemand de Mohammad Rasoulof. Avec Missagh Zareh, Soheila Golestani, Mahsa Rostami, Setareh Maleki (2 h 48).
« Ma vie, mon visage » : une femme vaincue
Septième long métrage de Sophie Fillières, Ma vie mon visage nous parvient à titre posthume, concluant l’œuvre parcimonieuse d’un cinéaste atypique, décédé le 31 juillet 2023, à l’âge de 58 ans. Prenant inévitablement une valeur testamentaire, Ma vie mon visage sait aussi parfaitement être autre chose, fidèle à l’exubérance absurde et aux jeux de langage qui caractérisent le réalisateur. C’est-à-dire le portrait attachant d’une femme dérangée, Barberie Bichette, qui, butant contre le mur de la réalité, cherche une issue.
Agnès Jaoui, qui l’interprète, impose d’emblée le personnage avec un régime vocal redoutable : un marmonnement en basse continue, un flux de pensées anarchiques aussitôt verbalisées, secouées de tics et d’onomatopées, qui disent tout du désordre intérieur de cette femme vaincue. Ma vie mon visage réunit ainsi un humour impénétrable à l’idée persistante de la mort. Barberie est sans doute plus qu’un simple alter ego de Sophie Fillières : un masque pour disséminer des signes discrets d’adieu et caresser un au-delà du langage. Mon. Mont.
Il vous reste 74.05% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.