LLe kimchi est un trésor national. Son odeur suit les visiteurs dans les rues de Séoul. Cette préparation à base de chou fermenté accompagne les repas dans tous les foyers et restaurants de Corée du Nord comme du Sud et est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Inutile de dire que c’est avec stupeur et consternation que les Coréens ont appris qu’au premier semestre, le pays avait importé plus de kimchi qu’il n’en avait exporté. Responsable, une fois de plus : la production chinoise, qui inonde le pays de ses choux marinés, s’est vendue six fois moins cher que son équivalent coréen, comme le rapporte le journal Le Financial Times à partir du mardi 17 septembre.
Personne n’est donc à l’abri du rouleau compresseur industriel chinois, même les exportateurs les plus aguerris. Les Allemands en savent quelque chose. Eux aussi, champions de l’exportation, sont confrontés à la même vague qui n’épargne aucun secteur, de l’agroalimentaire à l’acier. Quelle attitude adopter alors : fermer les frontières ou accepter la concurrence ?
Le sujet brûlant en Europe n’est pas le chou, mais les voitures électriques et leur composant de base : la batterie. Pour endiguer le flux de véhicules arrivant dans ses ports, par cargos en provenance de Shanghai, l’Europe a décidé d’imposer des droits de douane pouvant aller jusqu’à 50 % du prix de vente. Une demi-mesure par rapport aux États-Unis et au Canada, qui imposeront des droits de douane de 100 %.
Négociation difficile
Le grand paradoxe de cette affaire est que ces mesures sont prises par des politiques pour protéger leurs industries, mais ces dernières ne sont pas forcément d’accord. Si elles vendent à la Chine, elles craignent un retour de bâton. C’est évidemment le cas en Allemagne, qui s’inquiète des ventes de Volkswagen ou Mercedes dans l’Empire du Milieu, mais aussi, plus récemment, en Espagne, qui produit aussi des voitures et vend du porc aux Chinois.
L’Italie, autre spécialiste de l’automobile, rechigne aussi, d’autant que Rome est en pourparlers avec le constructeur chinois Dongfeng pour implanter une usine dans la péninsule. Sans parler de la Hongrie et de la Suède, elles aussi opposées à cette mesure. La France, qui a moins à perdre en Chine – hormis son cognac –, pousse à la fermeté.
En tournée en Europe, Wang Wentao, le ministre chinois du Commerce, doit rencontrer jeudi 19 septembre la Commission européenne pour tenter des négociations. Ce sera difficile. Qu’il s’agisse des choux ou de l’automobile, l’activisme chinois, combiné à l’agressivité américaine, a réussi au moins une chose : semer la discorde dans le fragile édifice du commerce mondial et au sein de l’Union européenne.