A l’approche des Jeux olympiques, certains syndicats accentuent la pression. Un effet JO sur le dialogue social ? Une question sociale décryptée par le sociologue Jean Viard.
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Grèves, accords, négociations en cours : l’actualité sociale fait souvent la une de l’actualité à 3 mois des Jeux Olympiques. On l’a encore vu cette semaine avec des accords à la RATP, à la SNCF, et chez les contrôleurs aériens.
franceinfo : Peut-on parler d’un effet des JO sur le dialogue social ?
Jean Viard : Oui, cela me semble assez évident. Et en plus, c’était prévisible, on entendait depuis plusieurs mois des gendarmes, des policiers et tout ça demander des primes, ce qui est finalement tout à fait légitime. Et donc, c’est sûr, c’est une sorte d’obstacle à franchir et au fond, on va purger le dialogue social, certainement dans beaucoup d’endroits à cause des JO. A l’époque, il y avait de grosses luttes pour l’augmentation des salaires, et on a augmenté de 5, 10 % pour tout le monde. Or, nous avons des métiers qui détiennent les clés, notamment évidemment les transports, mais cela pourrait aussi être les éboueurs. Et donc, effectivement, ils ferment le robinet, et puis ils se défendent. Ils ne défendent pas le monde du travail, la classe ouvrière, etc.
Ce sont des luttes d’entreprises, c’est vrai aussi, c’est un peu un des problèmes parce qu’il y a des gens qui n’ont pas les clés. Et quand on voit les écarts de rémunération au sein même du monde du travail, de nombreux salariés, par exemple ceux de Casino en ce moment, ou d’autres grandes surfaces, sont plus souvent payés toute leur vie à peine au-dessus du Smic. Donc là, il y a une forme d’inégalité, parce qu’au fond, il n’y a plus de combat de classe contre classe, il y a effectivement ces combats.
Et comment recevez-vous cette idée avancée par Emmanuel Macron, réitérée d’une trêve olympique ? Il y a cet événement majeur, et puis il y a cette volonté des partenaires sociaux, et notamment des syndicats, de saisir les opportunités pour mener leur combat. Comment recevoir cette idée de trêve olympique ?
Donc, il y a deux choses, la trêve olympique, c’est aussi une trêve militaire, donc c’est aussi l’idée que peut-être en Palestine, en Israël, en Ukraine évidemment, cela peut être l’occasion de conclure une trêve qui peut être déguisée en une trêve olympique et qui est en même temps une manière de faire une trêve que nous ne pouvons pas faire, puisque l’idée était que pendant les Jeux Olympiques, dans la Grèce antique, on arrêtait les combats. Après, au sein de notre société, ne nous compliquons pas la vie, car il n’y a jamais de grève en août, ni en juillet… donc ça ne change rien.
Avant le mois d’août, il y a ces avis qui sont déposés en vue des Jeux olympiques, mais il n’y a pas de manifestation sociale majeure en ce moment même, malgré un contexte économique difficile pour toute une partie de la population. Comment l’expliquez-vous ? Le 1er mai, dans quatre jours, sera-t-il un bon thermomètre ?
Premièrement, je pense que nous exagérons la situation de la société. Il y a des gens en grande difficulté, j’en suis sûr, mais je pense qu’ils constituent encore une très petite minorité. Après, les grandes luttes sociales, comme disait Maurice Thorez, « c’est quand il y a du blé à moudre ». Pour l’instant, il n’y a pas de blé à moudre. Tout le monde se demande où est passé le blé ? Ce n’est donc pas approprié pour les grandes luttes sociales actuelles. Il peut y avoir des mouvements de colère, il peut y avoir des gens en colère, il peut y en avoir à Saint-Etienne, si on licencie 300, 500, 600 personnes, des sièges de Casino, des points durs de conflit. Mais honnêtement, l’heure n’est pas aux grandes luttes sociales. Je n’y crois pas.
De plus, je pense que les gens d’aujourd’hui s’inquiètent d’un monde qui évolue si vite. Et le monde a changé. C’est ce que les politiques devraient expliquer à longueur de journée ! On était dans un modèle : la révolution industrielle, le progrès, etc. et d’un coup on s’est retourné, et la nature fait notre histoire, et il faut se battre, s’adapter, etc. Il faut être dans une communauté et donc au fond, des gens peut être en colère à ce sujet. Oui, on peut frapper Macron, on peut frapper Mélenchon, si ça peut amuser l’actualité médiatique, mais en réalité, il y a une inquiétude dans la société de ce monde qui naît, et je le dis à chaque fois, le déclin de la naissance. Le taux est l’indice de cette peur de l’avenir.