Comment échapper au piège tendu par Marine Le Pen ? Le 31 octobre, l’Assemblée nationale examinera une énième proposition visant à abroger la réforme des retraites. La différence est que celle-ci n’est pas soutenue par la gauche mais par le Rassemblement national, qui profite de sa niche parlementaire pour mettre ce texte à l’ordre du jour. De quoi plonger le Nouveau Front populaire (NFP) dans l’embarras. Si la nouvelle configuration politique à l’Assemblée nationale permet de former une majorité pour effacer la mesure phare de la réforme de 2023, les partis de gauche devront encore se résigner à soutenir un projet de loi soutenu par l’extrême droite, ce qui n’est jamais arrivé.
Jusqu’ici, les communistes se sont montrés moins timides que leurs partenaires du PFN – divisés ou hésitants sur la question – expliquant vouloir faire passer l’intérêt général avant les préoccupations politiques. « Quand on dit qu’on veut tout faire pour que cette réforme injuste des retraites menée dans le dos des Français soit abrogée, il faut être cohérent, et donc il faut tout faire pour qu’elle soit abrogée », a expliqué Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, en marge de la Fête de l’Humanité. « Le piège serait de ne pas voter pour », a estimé Léon Deffontaines, l’ancien chef de liste communiste aux élections européennes.
Inclure un amendement de suppression dans le budget de la Sécurité sociale
Mais ce jeudi, lors de leurs journées parlementaires, les élus communistes ont affiché une position beaucoup plus nuancée sur cette échéance. « La question du soutien à ce projet de loi n’est pas réglée », explique Cécile Cukierman, la présidente du groupe communiste au Sénat, en marge de la journée parlementaire de sa famille politique. Désormais, les parlementaires reconnaissent à demi-mot qu’ils cherchent une porte de sortie pour échapper à l’agenda du Rassemblement national, sans devoir esquiver le débat sur les retraites, l’un de leurs principaux chevaux de bataille.
L’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 pourrait toutefois leur offrir “une solution rapide”, selon le député PCF de Seine-Saint-Denis Stéphane Peu, avec la présentation d’un amendement rétablissant l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Cette voie est surveillée de près par les autres groupes parlementaires. La semaine dernière, Patrick Kanner, le chef de file des élus socialistes au Sénat, a confirmé son intention de déposer un amendement similaire lorsque le budget de la Sécurité sociale arrivera devant la Chambre haute, traditionnellement à la mi-novembre.
Un calendrier budgétaire très serré
« Si l’on respecte le calendrier constitutionnel, le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) seront présentés à l’Assemblée nationale le 1er octobre, l’examen débutera dans le courant du mois », explique Stéphane Peu. Sauf que les atermoiements autour de la nomination de Michel Barnier à Matignon et de la formation d’un nouveau gouvernement menacent de repousser de plusieurs jours la présentation du budget. Si le PLFSS arrive le 9 octobre au Palais Bourbon, comme l’envisage l’exécutif, ces délais pourraient être plus difficiles à tenir.
“Ce n’est pas une question de course contre le RN mais de calendrier parlementaire”, minimise Stéphane Peu. “A terme, la question du vote s’imposera aux députés d’une manière ou d’une autre”, admet Cécile Cukierman.
“Je ne pense pas que le projet de loi du Rassemblement national soit un piège pour la gauche, c’est surtout un mensonge, une usurpation”, poursuit le sénateur de la Loire. “Ce sujet doit devenir, non pas la propriété partisane et utilitaire de quelques-uns, mais celle de tous les Français”, insiste le sénateur. Stéphane Peu abonde : “Les petites manœuvres ne trompent personne. Marine Le Pen ne veut pas taxer les superprofits, ne veut pas du retour de l’impôt sur la fortune… Les masques tombent quand le débat sur la justice fiscale refait surface dans le pays.”
Vers un nouveau RIP
Autre piste actuellement explorée par les communistes pour l’abrogation de la réforme des retraites : celle du référendum d’initiative partagée (RIP). En 2023, le Conseil constitutionnel a déjà rejeté deux propositions de loi référendaire de ce type portées par la gauche.
Les Sages de la rue Montpensier ont estimé que le premier texte ne contenait aucun élément de réforme à proprement parler, puisqu’il interdisait simplement l’instauration d’un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans. Quant à la seconde tentative, présentée par les mêmes parlementaires quelques semaines plus tard, le Conseil constitutionnel a estimé qu’elle sortait du champ d’application de l’article 11 de la Constitution, qui restreint les domaines sur lesquels les Français peuvent être consultés.