Tour à tour professeur de relations internationales à Sciences Po, ministre de la Culture au Liban et diplomate auprès des Nations Unies (ONU), Ghassan Salamé est l’auteur d’un nouvel essai, La Tentation de Mars. Guerre et paix au XXIe siècleet siècle, paru en mars (Fayard, 392 pages, 25 euros, numérique 17 euros).
Dérèglement des forces, impuissance du multilatéralisme, affaiblissement des États-Unis : la guerre qui se déroule à Gaza depuis près d’un an ne concentre-t-elle pas les dysfonctionnements du monde, que vous inventoriez dans votre dernier ouvrage ?
Gaza est un cas majeur de dérèglement de la force, une sorte de déluge de feu qui a suivi l’action sans précédent du 7 octobre 2023. Nous assistons à une méconnaissance totale du droit humanitaire, à un usage disproportionné de la force et à la confirmation de ce que nous savons déjà : dans les conflits du XXIe siècle,et siècle, la grande majorité des victimes sont des civils.
Quant à l’impuissance de l’ONU, elle confirme ce que l’on oublie trop souvent : cette organisation est un ensemble d’institutions, plus ou moins liées les unes aux autres, fonctionnant chacune selon sa propre culture. Certaines sont devenues indispensables pour soutenir des tragédies majeures, comme le Programme alimentaire mondial ou le Haut-Commissariat aux réfugiés. Malgré la paralysie du Conseil de sécurité et le climat politique général, ces agences continuent de fonctionner selon les missions qui leur sont assignées.
Est-ce le cas de l’agence qui s’occupe spécifiquement des réfugiés palestiniens, l’UNRWA ?
Bien sûr. Je ne suis pas sûr que la campagne contre cette décision ait été autre chose que politique. Très rapidement, les États qui se sont montrés complaisants à l’égard de la position israélienne (qui a accusé l’agence des Nations Unies d’employer plus de « 450 terroristes »)Les pays occidentaux, en particulier, ont compris que la situation à Gaza était dramatique et le serait encore plus sans l’UNRWA.
Comment analysez-vous la position de Washington dans ce conflit ?
Les États-Unis font preuve à l’égard de l’État hébreu de la même permissivité qu’ils manifestent depuis la présidence de Harry Truman. (1945-1953)Ils n’ont pas montré aux autorités israéliennes qu’ils étaient prêts à utiliser le « bâton », en interrompant leurs livraisons d’armes. Au contraire, le président Joe Biden a signé (en avril) le projet de loi allouant plus de 14 milliards de dollars à Israël (12,7 milliards d’euros) dans le cadre d’un programme d’aide internationale (y compris également l’Ukraine et Taiwan)Malgré la gravité de la situation à Gaza, je crois que ce qui se passe là-bas est un leurre.
Il vous reste 75.9% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.