Accusé d’avoir choisi un gouvernement “réactionnaire” avec des ministres conservateurs sur les questions de l’avortement, des droits LGBT et des femmes et de la fin de vie, le Premier ministre Michel Barnier a assuré dimanche soir que les “droits acquis” seraient “pleinement préservés”.
“Contre le mariage pour tous, l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples lesbiens, l’interdiction des thérapies de conversion, la constitutionnalisation de l’avortement ou les droits des personnes trans… Et parfois contre tout cela à la fois” : l’association SOS Homophobie a exprimé dans la journée sa “profonde indignation” en découvrant les noms de certains ministres.
Pour Jean-Luc Romero-Michel, militant LGBT et pro-euthanasie, c’est “le retour de la Manif pour tous”, le collectif qui militait contre le mariage homosexuel il y a plus de dix ans. “Jamais depuis (…) un gouvernement n’a eu autant de ministres opposés à l’égalité des droits !”, s’insurge l’adjoint à la maire de Paris chargé des droits de l’homme sur X.
Olivier Faure, le chef du PS, a fustigé un « gouvernement réactionnaire ».
Même au sein de la coalition gouvernementale, des interrogations se posent : Gabriel Attal, qui a été le premier chef de gouvernement français à avoir évoqué publiquement son homosexualité, a informé ses troupes qu’il demanderait à Michel Barnier « d’indiquer clairement dans sa déclaration de politique générale qu’il n’y aura pas de retour en arrière sur la procréation médicalement assistée, le droit à l’avortement, les droits LGBT ».
Les “grandes lois” de “progrès social ou sociétal” comme celles sur l’interruption volontaire de grossesse ou la procréation médicalement assistée (AMP ou PMA) seront “préservées”, a répondu Michel Barnier sur France 2.
« Je serai un rempart pour que tous ces acquis soient préservés pour les hommes et les femmes de France », a-t-il assuré.
– Une “surprise” –
Pour le politologue Vincent Martigny, c’est clairement la « branche conservatrice, catholique, qui était proche de mouvements comme la Manif pour tous et s’est reconnue dans la candidature de François Fillon » à l’élection présidentielle de 2017 qui « sort largement gagnante de ce remaniement ».
“C’est une surprise, car c’est aussi celui qui est le plus éloigné a priori de l’opinion publique”, a-t-il déclaré à l’AFP.
Bruno Retailleau, le nouveau ministre de l’Intérieur, qui a mené la bataille contre l’inscription de l’avortement dans la Constitution, est particulièrement visé par les associations.
Dans le collimateur se trouvent également Laurence Garnier, sénatrice LR opposée au mariage homosexuel et à la constitutionnalisation de l’avortement, et Patrick Hetzel, député LR qui s’est prononcé contre le mariage homosexuel. La première a été nommée à la Consommation et non à la Famille, où sa nomination attendue avait suscité un tollé.
Sur les réseaux, les militants ont également suivi les votes et déclarations jugées inquiétantes sur des questions de société d’Annie Genevard (Agriculture), Astrid Panosyan-Bouvet (Travail) et Othman Nasrou, chargé de la lutte contre les discriminations.
– Les femmes rétrogradées –
“Ce qui nous inquiète, c’est la masse de gens qui ont des positions très conservatrices”, a déclaré à l’AFP Julia Torlet, présidente de SOS Homophobie.
Or, « sur la question des droits des homosexuels, on ne voit pas l’intérêt pour un gouvernement aussi fragile de tenter de se lancer dans des provocations idéologiques sur des sujets de plus en plus consensuels », analyse Vincent Martigny.
En revanche, “il y aura des débats très importants sur la fin de vie. Le gouvernement va probablement essayer d’interférer un peu (dans les débats au Parlement, ndlr). Mais après, ne parlons pas du gouvernement comme s’il avait une majorité absolue”, ajoute-t-il.
L’Association pour le droit de mourir dans la dignité a également “réclamé” la “reprise immédiate de la discussion sur le projet de loi” auquel s’oppose notamment Bruno Retailleau.
D’autres, comme l’ancienne ministre socialiste des Droits des femmes Laurence Rossignol, s’agacent de voir la question de l’égalité femmes-hommes reléguée au second plan avec “un malheureux secrétariat d’Etat (…) placé sous l’autorité d’un ministre des Solidarités (homme)”. Même si Michel Barnier peut se targuer d’un gouvernement paritaire.
“En plein procès du viol de Mazan – dans lequel une cinquantaine d’hommes sont poursuivis – et alors qu’il devrait y avoir une loi-cadre contre les violences faites aux femmes, on ne voit pas ce type de personnes mener cette réforme de fond”, a confirmé à l’AFP la porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes, Suzy Rojtman, pour qui la nomination de Salima Saa est une “provocation”.
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