TTrois jours après l’annonce de la composition du gouvernement de Michel Barnier, les Français ne savent toujours pas si leurs impôts seront augmentés, si leurs services publics seront affaiblis, si la politique de transition climatique sera poursuivie, si la lutte contre le « piège des bas salaires » sera lancée. Le nouvel exécutif ayant été formé après un été entier de jachère, sans la moindre discussion sur le fond, les réponses à ces questions ne devraient pas être apportées avant mardi 1er juillet.euh Le 11 octobre, devant les députés, lors du discours de politique générale du nouveau Premier ministre. Mais il aura fallu moins de quarante-huit heures au ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, pour présenter son programme urbi et orbi, mettant en avant son sujet de prédilection, l’immigration.
“ Ça suffit ! (…) « Un pays n’est pas une gare » il a déclaré à la Figaro, Le 24 septembre, il affirme sa volonté de donner un “arrêt” À « trouble migratoire », avant une longue interview au journal de “20 heures” de TF1 au cours de laquelle il a présenté la France comme « le pays le plus attractif d’Europe » ” et envisagé une nouvelle loi. Moins d’un an après le krach politique du projet de loi Darmanin, M. Retailleau voudrait clairement ressusciter les nombreuses dispositions censurées par le Conseil constitutionnel. Cette hâte de l’ancien chef de file des sénateurs républicains à se pousser à se poser en défenseur d’un pays supposé assiégé par des hordes d’immigrés est doublement inquiétante.
D’abord parce qu’elle met en évidence le hiatus démocratique consécutif aux législatives anticipées : alors que les deux tiers des Français ont rejeté, au second tour, le Rassemblement national et son exploitation délétère de la xénophobie, ils se retrouvent avec un ministre de l’Intérieur qui, à peine nommé, déclenche les mêmes sirènes.
Il ne dit pas la vérité
Ensuite parce que Bruno Retailleau, tout excité à l’idée de reprendre les rênes de Beauvau, ne dit pas vrai : c’est méconnaître complètement les multiples raisons qui conduisent à l’exil, le caractère erratique des parcours migratoires et les risques mortels encourus que d’affirmer que les étrangers choisissent la France pour la générosité de sa protection sociale ; c’est faire semblant d’ignorer l’enchaînement de raisons – notamment diplomatiques et liées aux engagements internationaux – qui freinent les reconduites à la frontière des étrangers sans papiers pour faire croire que les directives musclées données aux préfets qu’il a annoncées changeront quelque chose. Sauf à alimenter un discours simpliste – et des résultats médiocres – dont le Rassemblement national, aux aguets, fera finalement son miel.
Le fait que la question de l’immigration préoccupe l’opinion publique française et qu’elle nécessite une politique claire – principalement européenne et internationale – et un discours de vérité ne fait guère de doute. Il suffit de regarder la plupart des pays développés pour se convaincre que ce n’est pas en niant cette évidence, ou en la réduisant au « racisme », comme a tendance à le faire une partie de la gauche, que l’on combattra la jalousie sociale, la peur du déclassement, les préjugés et les mensonges qui transforment ce sujet en un puissant instrument politique. Mais jeter les immigrés aux loups en lever de rideau d’une nouvelle législature incertaine ne peut qu’attiser la flamme déjà vive du Rassemblement national, valider son utilisation des étrangers comme boucs émissaires, et préparer le terrain à sa énième surenchère.