jeIl n’y a pas qu’en Egypte qu’on trouve des momies ! Le désert du Taklamakan, situé dans la région du Xinjiang au nord-ouest de la Chine, en contient également. Depuis 1934 et l’arrivée sur place de l’archéologue suédois Folke Bergman, mais surtout depuis la fin des années 1990, plusieurs dizaines de restes naturellement momifiés y ont été exhumés.
L’état de conservation de ces corps, résultant de la sécheresse exceptionnelle qui touche la région, leur a valu le surnom de « momies de sable ». Ces hommes et femmes de l’âge du bronze étaient enterrés dans des cercueils, en forme de bateaux en bois, dans des tombes marquées par de grosses pointes dépassant des dunes (voir photo).
L’aspect « occidental » de leurs visages (cheveux bruns, nez longs), tout comme leurs curieux bonnets, parfois ornés de plumes, ont longtemps intrigué les chercheurs. Une étude de leur ADN, réalisée en 2021, a montré que ces peuples, qui possèdent un riche patrimoine génétique mêlant des origines de l’est de la Chine et de l’Asie du Sud-Est, ont probablement quitté le sud de la Sibérie, plus précisément la région du lac Baïkal, il y a 9 000 ans. Ces peuples y seraient restés près de six millénaires.
167 des 300 sépultures identifiées ont, à ce jour, été explorées. Les découvertes faites ont permis de commencer à dresser un portrait composite de cette population qui vivait là jusqu’il y a un peu plus de 3 000 ans. Leurs vêtements en laine et leur alimentation, comme en témoignent les analyses de résidus de farine, indiquent qu’ils formaient une société agropastorale contrastant avec celle des chasseurs-cueilleurs voisins.
Entre le fromage et le fromage blanc
Le professeur Hui Zhou, de l’université de Jilin à Changchun (Chine), et son équipe ont découvert sur place un mobilier funéraire d’une extraordinaire richesse. Son travail est disponible en anglais grâce à une traduction du professeur d’archéologie Victor H. Mair de l’Université de Pennsylvanie (États-Unis). Ils permettent aujourd’hui de mieux comprendre la vie quotidienne de ce peuple appelé « xiahoe » en référence à une localité du bassin du Tarim où une tombe « princesse » a été découverte en 2003.
Depuis 2014, l’attention du professeur Qiaomei Fu s’est portée sur les petites pierres apparaissant dans certaines tombes, notamment celle numérotée M11. En les analysant, le chercheur, chef du laboratoire de génétique de l’Institut de paléontologie de l’Académie chinoise des sciences, a pu établir qu’il s’agissait de résidus de produits laitiers. Quelque part entre la faitselle, le fromage blanc et le fromage blanc. La présence conjointe de ferments et de bactéries constitue, en effet, la signature d’un type de kéfir.
Qiaomei Fu publié dans la revue cellule du 25 septembre, une découverte récente qui renouvelle l’état des connaissances en la matière. On lit qu’elle a réussi à extraire le code génétique de ce yaourt « fossile ». Cela lui a permis d’établir qu’il était fabriqué à partir de lait de vache (pour deux échantillons) et de lait de chèvre (pour le troisième).
Le scientifique a également pu identifier le ferment utilisé : une bactérie appelée « Lactobacillus keforanofaciens » typique des fromages asiatiques. Ce micro-organisme n’a rien à voir avec celui que l’on retrouve dans les kéfirs du Caucase. De quoi bousculer ce que l’on croyait savoir sur l’origine de ce type de fromage. Jusqu’alors, le kéfir était considéré comme originaire du sud de la Russie…
L’article publié évoque enfin les vertus médicinales de ces ferments. “Lactobacillus keforanofaciens aide à améliorer la fonction intestinale”, indique la publication. Quatre millénaires avant le succès de ce type de boisson fermentée en Occident, les Xiahoe avaient-ils identifié les actions probiotiques de ces produits laitiers ?