alliance photo / dpa/alliance photo via Getty I
Une famille de rĆ©fugiĆ©s syriens ayant fui la ville de Nabatiyeh, dans le sud du Liban, trouve refuge dans un jardin public de la ville portuaire de SaĆÆda, le 25 septembre 2024.
LIBAN ā Le Liban vit sa pĆ©riode “le plus meurtrier depuis une gĆ©nĆ©ration”. Selon l’ONU, en moins d’une semaine, au moins 700 personnes ont perdu la vie, dont une cinquantaine d’enfants, des milliers ont Ć©tĆ© blessĆ©es et plus de 120 000 ont Ć©tĆ© dĆ©placĆ©es Ć travers le pays. Des chiffres qui continuent dāaugmenter dāheure en heure. Sur place, une multitude d’ONG viennent en aide aux personnes dĆ©placĆ©es, la plupart du temps sans aucune aide de l’Ćtat.
Des familles ont fui le sud du Liban, mais aussi la Bekaa, Ć l’est du pays. D’autres ont quittĆ© la banlieue sud de Beyrouth, Ć©galement la cible des frappes israĆ©liennes. Fadi*, 30 ans, a dĆ©cidĆ© de quitter son domicile de Tyr, dans le sud, le 23 septembre. Ā» Les missiles et les bombes devenaient de plus en plus visibles, audibles et de plus en plus proches dans la rĆ©gion d’el-Hosh, dit-il. Nous avons pris tout ce que nous pouvions et sommes partis. Ā»
Lui et sa famille sont montĆ©s dans sa voiture et ont mis plus de 17 heures pour rejoindre Beyrouth, situĆ©e Ć environ 80 kilomĆØtres de lĆ . ” Nous avancions trĆØs lentement Ć cause des embouteillages.il explique. Les bombes tombaient autour de nous. Ā» Ils se sont finalement rendus Ć Batroun, une ville portuaire du nord. Les prix des loyers ont explosĆ© ces derniers jours. ” Nous avons fini par trouver un logement dans le vieux marchĆ© de Batroun pour 1 000 dollars par mois, pour sept personnes. Ā», dĆ©crit-il.
Ā« Nous aidons les gens pour ne pas perdre notre humanitĆ© Ā»
Trouver un abri est le principal problĆØme des familles qui ont fui. Les Libanais qui le peuvent sont accueillis par des proches dans d’autres rĆ©gions. Ceux qui en ont les moyens louent un logement Ć un prix Ć©levĆ©, dĆ©jĆ trĆØs cher en temps normal. A SaĆÆda, ville cĆ“tiĆØre Ć une quarantaine de kilomĆØtres au sud de Beyrouth, habitants et associations tentent de s’organiser. ” Nous aidons les gens simplement pour ne pas perdre notre humanitĆ© Ā», soupire Layane Sousi, de l’association caritative locale Sanadak, crĆ©Ć©e en 2021.
” A ce jour, j’ai trouvĆ© une trentaine d’appartements. Certains demandent un loyer dĆ©cent, dāautres moins. D’autres encore les hĆ©bergent gratuitement Ā», dĆ©crit-elle, un peu dĆ©passĆ©e par l’afflux de monde. Elle Ć©voque le cas d’une femme enceinte, qui doit accoucher dans quelques jours. ” Avec sa famille, elle loge chez un membre de notre association. On ne sait pas quoi faire, on essaie de trouver une sage-femme qui sera lĆ lors de son accouchement ou un hĆ“pital qui pourrait l’accueillir. Ā», espĆØre Layane Sousi.
Dans tout le pays, des Ć©coles ont Ć©tĆ© mises Ć la disposition des familles fuyant les bombardements. C’est le cas par exemple Ć Bchamoun, au Mont-Liban, prĆØs de la capitale. ” Au Liban, nous n’avons pas de centres d’accueil, donc nous utilisons les Ć©colesconfirme Maya Terro, de l’association Foodblessed. Mais elles ne sont pas Ć©quipĆ©es pour cela : ce sont seulement des salles de classe qui se transforment. Il nous faut donc des matelas, des couvertures, tous les produits de base. Ā»
Ā« Comme dans toute guerre, certains en profitent Ā»
En quelques jours, les matelas sont devenus une denrĆ©e rare dans le pays. ” Comme dans toute guerre, certains en profitentelle s’Ć©nerve. Un matelas coĆ»tait 6 ou 8 dollars il y a deux semaines et il est passĆ© Ć 25 dollars. Ā» La petite ONG a rĆ©ussi Ć rĆ©colter prĆØs de 3 000 $ en quelques jours. ” Ce n’est pas Ć©norme, mais nous pouvons distribuer de la nourriture et des produits de premiĆØre nĆ©cessitĆ© Ā», souligne Maya Terro, qui ajoute : Ā« J’ai dĆ» me poser cette question : qu’est-ce qui est le plus important ? Dormir sur un matelas ou manger ? Ce n’est pas normal. Ā»
Parmi le public accueilli, il y a des personnes Ć¢gĆ©es, des parents avec leurs enfants, des nourrissons… Et tous ont des besoins spĆ©cifiques : mĆ©dicaments, couches, protections hygiĆ©niques, lait pour bĆ©bĆ©, trousses de premiers secours, etc. Certains produits commencent dĆ©jĆ Ć circuler. en sortant des supermarchĆ©s. ” Par exemple, tout fromage fondu qui n’a pas besoin d’ĆŖtre conservĆ© au froid est en rupture de stock.souligne Soha Zaiter, qui travaille Ć la Banque alimentaire libanaise depuis douze ans. MĆŖme les fournisseurs qui souhaiteraient faire un don ne le peuvent pas, car la demande a explosĆ©. Ā»
Ā« Le bruit des avions israĆ©liens dans le ciel Ā»
La capitale du pays, dĆ©jĆ habituellement soumise aux embouteillages, est envahie par les voitures. Les familles qui arrivent sont Ā« sous le choc “. Ā« MĆŖme Ć Beyrouth, on entend le bruit des avions israĆ©liens dans le ciel. Ce n’est pas facile, surtout pour les enfants qui ont peur. On ne peut pas leur dire de ne pas avoir peur. Ā» estime Soha Zaiter.
Selon elle, cāest Ā« la pire crise Ā» au Liban depuis plus de 20 ans. Ā« Les gens ont peur, mĆŖme Ć Beyrouth. Les hĆ“pitaux sont dĆ©jĆ pleins Ć cause des pagers qui ont explosĆ© la semaine derniĆØre. Avec des gens transfĆ©rĆ©s du sud ou d’ailleurs, c’est le chaoss Ā», dĆ©crit-elle.
Lorsque Christian Ghafary, de l’ONG Basmeh & Zeitooneh, rĆ©pond au tĆ©lĆ©phone, il revient tout juste d’une Ć©cole de Beyrouth, dans le quartier de Tariq El Jdideh. ” Les rĆ©servoirs dāeau Ć©taient vides, il a fallu les remplir avec lāaide de la municipalitĆ© Ā»il raconte. Jusqu’Ć quatre familles diffĆ©rentes sont hĆ©bergĆ©es dans chaque classe. La plupart sont partis prĆ©cipitamment, sans rien emporter, pas mĆŖme des vĆŖtements. Certains sont blessĆ©s. ” Un homme Ć©tait en train d’acheter du pain pour sa famille lorsqu’une explosion s’est produite Ć proximitĆ© du magasin. Il a Ć©tĆ© blessĆ© Ć la jambe et ils ont pris la fuite en bus depuis le sud Ā», dit-il.
“Personne ne sait comment Ƨa va Ć©voluer”
L’association, qui travaille habituellement auprĆØs des rĆ©fugiĆ©s syriens, existe depuis 2012. Ces bombardements ravivent pour beaucoup le traumatisme de la guerre. ” J’ai rencontrĆ© une Syrienne qui a fui en 2013 avec ses enfants. Elle vit dans la banlieue de Beyrouth et a dĆ» partir. Ses enfants Ć©taient terrifiĆ©s. Elle māa dit : Ā« Je suis Ć nouveau rĆ©fugiĆ©e, dans le pays oĆ¹ jāĆ©tais dĆ©jĆ rĆ©fugiĆ©e. Ā» rapporte-t-il.
L’aide est organisĆ©e grĆ¢ce au travail de nombreuses ONG, expĆ©rimentĆ©es dans les diffĆ©rentes crises que traverse le pays, et avec l’aide de nombreux bĆ©nĆ©voles. ” Nous ne recevons aucune aide de l’Ćtat. C’est plutĆ“t nous qui les aidons. En 2006, ils nāont rien fait, lors de lāexplosion, ils nāont rien fait. Alors on se dĆ©brouille sans euxrĆ©sume Maya Terro. Personne ne sait comment cela va Ć©voluer “.
LāinquiĆ©tude est dans tous les esprits. ” En 2006, j’Ć©tais volontaire Ć la Croix-Rouge libanaise. Et ce que jāy vois nāa rien Ć voir. MĆŖme lāexplosion du port a Ć©tĆ© horrible. Mais il y a la guerre Ā», s’alarme Christian Ghafary. Il doit raccrocher : une explosion, venue de la banlieue sud de Beyrouth, vient de retentir.
*Le prƩnom a ƩtƩ modifiƩ
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Une famille de rĆ©fugiĆ©s syriens ayant fui la ville de Nabatiyeh, dans le sud du Liban, trouve refuge dans un jardin public de la ville portuaire de SaĆÆda, le 25 septembre 2024.
LIBAN ā Le Liban vit sa pĆ©riode “le plus meurtrier depuis une gĆ©nĆ©ration”. Selon l’ONU, en moins d’une semaine, au moins 700 personnes ont perdu la vie, dont une cinquantaine d’enfants, des milliers ont Ć©tĆ© blessĆ©es et plus de 120 000 ont Ć©tĆ© dĆ©placĆ©es Ć travers le pays. Des chiffres qui continuent dāaugmenter dāheure en heure. Sur place, une multitude d’ONG viennent en aide aux personnes dĆ©placĆ©es, la plupart du temps sans aucune aide de l’Ćtat.
Des familles ont fui le sud du Liban, mais aussi la Bekaa, Ć l’est du pays. D’autres ont quittĆ© la banlieue sud de Beyrouth, Ć©galement la cible des frappes israĆ©liennes. Fadi*, 30 ans, a dĆ©cidĆ© de quitter son domicile de Tyr, dans le sud, le 23 septembre. Ā» Les missiles et les bombes devenaient de plus en plus visibles, audibles et de plus en plus proches dans la rĆ©gion d’el-Hosh, dit-il. Nous avons pris tout ce que nous pouvions et sommes partis. Ā»
Lui et sa famille sont montĆ©s dans sa voiture et ont mis plus de 17 heures pour rejoindre Beyrouth, situĆ©e Ć environ 80 kilomĆØtres de lĆ . ” Nous avancions trĆØs lentement Ć cause des embouteillages.il explique. Les bombes tombaient autour de nous. Ā» Ils se sont finalement rendus Ć Batroun, une ville portuaire du nord. Les prix des loyers ont explosĆ© ces derniers jours. ” Nous avons fini par trouver un logement dans le vieux marchĆ© de Batroun pour 1 000 dollars par mois, pour sept personnes. Ā», dĆ©crit-il.
Ā« Nous aidons les gens pour ne pas perdre notre humanitĆ© Ā»
Trouver un abri est le principal problĆØme des familles qui ont fui. Les Libanais qui le peuvent sont accueillis par des proches dans d’autres rĆ©gions. Ceux qui en ont les moyens louent un logement Ć un prix Ć©levĆ©, dĆ©jĆ trĆØs cher en temps normal. A SaĆÆda, ville cĆ“tiĆØre Ć une quarantaine de kilomĆØtres au sud de Beyrouth, habitants et associations tentent de s’organiser. ” Nous aidons les gens simplement pour ne pas perdre notre humanitĆ© Ā», soupire Layane Sousi, de l’association caritative locale Sanadak, crĆ©Ć©e en 2021.
” A ce jour, j’ai trouvĆ© une trentaine d’appartements. Certains demandent un loyer dĆ©cent, dāautres moins. D’autres encore les hĆ©bergent gratuitement Ā», dĆ©crit-elle, un peu dĆ©passĆ©e par l’afflux de monde. Elle Ć©voque le cas d’une femme enceinte, qui doit accoucher dans quelques jours. ” Avec sa famille, elle loge chez un membre de notre association. On ne sait pas quoi faire, on essaie de trouver une sage-femme qui sera lĆ lors de son accouchement ou un hĆ“pital qui pourrait l’accueillir. Ā», espĆØre Layane Sousi.
Dans tout le pays, des Ć©coles ont Ć©tĆ© mises Ć la disposition des familles fuyant les bombardements. C’est le cas par exemple Ć Bchamoun, au Mont-Liban, prĆØs de la capitale. ” Au Liban, nous n’avons pas de centres d’accueil, donc nous utilisons les Ć©colesconfirme Maya Terro, de l’association Foodblessed. Mais elles ne sont pas Ć©quipĆ©es pour cela : ce sont seulement des salles de classe qui se transforment. Il nous faut donc des matelas, des couvertures, tous les produits de base. Ā»
Ā« Comme dans toute guerre, certains en profitent Ā»
En quelques jours, les matelas sont devenus une denrĆ©e rare dans le pays. ” Comme dans toute guerre, certains en profitentelle s’Ć©nerve. Un matelas coĆ»tait 6 ou 8 dollars il y a deux semaines et il est passĆ© Ć 25 dollars. Ā» La petite ONG a rĆ©ussi Ć rĆ©colter prĆØs de 3 000 $ en quelques jours. ” Ce n’est pas Ć©norme, mais nous pouvons distribuer de la nourriture et des produits de premiĆØre nĆ©cessitĆ© Ā», souligne Maya Terro, qui ajoute : Ā« J’ai dĆ» me poser cette question : qu’est-ce qui est le plus important ? Dormir sur un matelas ou manger ? Ce n’est pas normal. Ā»
Parmi le public accueilli, il y a des personnes Ć¢gĆ©es, des parents avec leurs enfants, des nourrissons… Et tous ont des besoins spĆ©cifiques : mĆ©dicaments, couches, protections hygiĆ©niques, lait pour bĆ©bĆ©, trousses de premiers secours, etc. Certains produits commencent dĆ©jĆ Ć circuler. en sortant des supermarchĆ©s. ” Par exemple, tout fromage fondu qui n’a pas besoin d’ĆŖtre conservĆ© au froid est en rupture de stock.souligne Soha Zaiter, qui travaille Ć la Banque alimentaire libanaise depuis douze ans. MĆŖme les fournisseurs qui souhaiteraient faire un don ne le peuvent pas, car la demande a explosĆ©. Ā»
Ā« Le bruit des avions israĆ©liens dans le ciel Ā»
La capitale du pays, dĆ©jĆ habituellement soumise aux embouteillages, est envahie par les voitures. Les familles qui arrivent sont Ā« sous le choc “. Ā« MĆŖme Ć Beyrouth, on entend le bruit des avions israĆ©liens dans le ciel. Ce n’est pas facile, surtout pour les enfants qui ont peur. On ne peut pas leur dire de ne pas avoir peur. Ā» estime Soha Zaiter.
Selon elle, cāest Ā« la pire crise Ā» au Liban depuis plus de 20 ans. Ā« Les gens ont peur, mĆŖme Ć Beyrouth. Les hĆ“pitaux sont dĆ©jĆ pleins Ć cause des pagers qui ont explosĆ© la semaine derniĆØre. Avec des gens transfĆ©rĆ©s du sud ou d’ailleurs, c’est le chaoss Ā», dĆ©crit-elle.
Lorsque Christian Ghafary, de l’ONG Basmeh & Zeitooneh, rĆ©pond au tĆ©lĆ©phone, il revient tout juste d’une Ć©cole de Beyrouth, dans le quartier de Tariq El Jdideh. ” Les rĆ©servoirs dāeau Ć©taient vides, il a fallu les remplir avec lāaide de la municipalitĆ© Ā»il raconte. Jusqu’Ć quatre familles diffĆ©rentes sont hĆ©bergĆ©es dans chaque classe. La plupart sont partis prĆ©cipitamment, sans rien emporter, pas mĆŖme des vĆŖtements. Certains sont blessĆ©s. ” Un homme Ć©tait en train d’acheter du pain pour sa famille lorsqu’une explosion s’est produite Ć proximitĆ© du magasin. Il a Ć©tĆ© blessĆ© Ć la jambe et ils ont pris la fuite en bus depuis le sud Ā», dit-il.
“Personne ne sait comment Ƨa va Ć©voluer”
L’association, qui travaille habituellement auprĆØs des rĆ©fugiĆ©s syriens, existe depuis 2012. Ces bombardements ravivent pour beaucoup le traumatisme de la guerre. ” J’ai rencontrĆ© une Syrienne qui a fui en 2013 avec ses enfants. Elle vit dans la banlieue de Beyrouth et a dĆ» partir. Ses enfants Ć©taient terrifiĆ©s. Elle māa dit : Ā« Je suis Ć nouveau rĆ©fugiĆ©e, dans le pays oĆ¹ jāĆ©tais dĆ©jĆ rĆ©fugiĆ©e. Ā» rapporte-t-il.
L’aide est organisĆ©e grĆ¢ce au travail de nombreuses ONG, expĆ©rimentĆ©es dans les diffĆ©rentes crises que traverse le pays, et avec l’aide de nombreux bĆ©nĆ©voles. ” Nous ne recevons aucune aide de l’Ćtat. C’est plutĆ“t nous qui les aidons. En 2006, ils nāont rien fait, lors de lāexplosion, ils nāont rien fait. Alors on se dĆ©brouille sans euxrĆ©sume Maya Terro. Personne ne sait comment cela va Ć©voluer “.
LāinquiĆ©tude est dans tous les esprits. ” En 2006, j’Ć©tais volontaire Ć la Croix-Rouge libanaise. Et ce que jāy vois nāa rien Ć voir. MĆŖme lāexplosion du port a Ć©tĆ© horrible. Mais il y a la guerre Ā», s’alarme Christian Ghafary. Il doit raccrocher : une explosion, venue de la banlieue sud de Beyrouth, vient de retentir.
*Le prƩnom a ƩtƩ modifiƩ
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