Le regard est fixĂ© sur le tarmac, l’avion atterrit, les passagers dĂ©barquent : depuis la grande terrasse d’Orly, Annie Girardot guette l’arrivĂ©e d’un passager, l’arrivĂ©e de Jean-Paul Belmondo, et les violons de Francis Lai et de son ” symphonie pour la fin d’un amour » accompagnent son sourire dĂ©sillusionnĂ©, ses larmes Ă©touffĂ©es lorsqu’elle comprend que ce Homme qui lui plaĂ®tle titre du film du mĂŞme nom de Claude Lelouch de 1969, ne viendra pas. On est a priori loin de l’univers de CĂ©line et Hedi Slimane : pourtant c’est cette musique, tirĂ©e de ce chef-d’Ĺ“uvre mĂ©connu de 1969, qu’il a choisi comme teaser pour sa collection Ă©tĂ© 2025. En somme, logique : on ne peut guère faire plus Français que ce cinĂ©ma, plus hĂ©roĂŻque que cette histoire qui se dĂ©roule comme un long road movie dans l’Ouest amĂ©ricain – autre obsession slimanienne –, plus emblĂ©matique que ce couple. improbable ni finalement plus significatif que cette envolĂ©e musicale. C’est un classique français et Hedi Slimane aime jouer avec cette notion mĂŞme. Y compris dans les bandes sonores de ses prĂ©sentations – on se souvient de ses rĂ©centes variations autour de l’air des « Sauvages des Indes galantes » de Jean-Philippe Rameau pour prĂ©senter sa collection homme.
Et le cristal s’est brisĂ©
Et puis dans cette dĂ©clinaison française, le choix du château de Compiègne et de son parc sonne tout aussi juste – le palais de Louis XV et des empereurs est un autre chef-d’œuvre, sinon inconnu, du moins souvent moins connu que d’autres. Dans sa finitude, dans ses lignes et ses volumes, c’est pourtant l’exemple le plus abouti du grand classicisme français. Les longs travellings privilĂ©giĂ©s par Hedi Slimane soulignent ces perspectives qui accueillent donc une collection d’Ă©tĂ© essentiellement très française, version fin des annĂ©es soixante : il y a Françoise Sagan dans ce look – une rĂ©fĂ©rence soulignĂ©e par les premières images mettant en scène une jeune femme devant sa machine Ă Ă©crire. . Il y a aussi Nico – logiquement, elle travaille avec The Velvet Underground et Lou Reed sur la bande originale du court mĂ©trage Femme fatale.Robes bien au-dessus du genou et foulards nouĂ©s, talons chaton et petits costumes en tweed Ă larges dĂ©colletĂ©s, tailleurs-jupes et sautoirs, variations brevetĂ©es de sacs, tailles empire et serre-tĂŞtes, yeux et smokings cerclĂ©s de noir, paillettes et sequins, robes d’hĂ´tesse , clin d’Ĺ“il au XVIIIe sièclee siècle – quelques moutons comme Ă©chappĂ©s d’un hameau – et aspect sĂ©riel de la collection – un palimpseste de ces fameuses « SĂ©ries » qui rendirent le lieu cĂ©lèbre sous le Second Empire – tout est clair, prĂ©cis… jusqu’au moment ultime oĂą le cristal Les lustres de la grande salle de bal se brisent sur le sol et soudain il ne reste plus qu’un nom tapĂ© Ă la machine Ă Ă©crire : celui d’Hedi Slimane. Et le monde de la mode se demande de quoi est le nom de la mise en abyme « Symphonie pour la fin de l’amour ». Et de quelle rupture ce cristal brisĂ© est la mĂ©tonymie.