Le dossier « Monde des Livres » sur Israël, Gaza, l’empreinte du 7 octobre 2023
Il y a près d’un an avaient lieu les massacres commis par le Hamas en Israël, immédiatement suivis par l’offensive de l’État juif sur Gaza. De nombreuses publications marquent cet anniversaire.
- « Les portes de Gaza », d’Amir Tibon : au kibboutz Nahal Oz, le 7 octobre 2023.
- « Ce que vous trouverez caché dans mon oreille », de Mosab Abu Toha, et « La vie sous les bombardements », d’Ibrahim Khashan, dans la bande de Gaza, avant et après le 7 octobre.
- « Une étrange défaite. Du consentement à l’écrasement de Gaza », de Didier Fassin : une analyse parfois trompeuse de l’anthropologue.
- « La fin d’une illusion. Israël et l’Occident après le 7 octobre », sous la direction de Bruno Karsenti : les répercussions du 7 octobre et ses conséquences en Europe et aux États-Unis ; suivi d’autres publications.
- Entretien avec l’écrivain et militant pour la paix David Grossman, dont « The Thinking Heart » est publié. Réflexions sur un chaos annoncé.
« La fin d’une illusion. Israël et l’Occident après le 7 octobre », sous la direction de Bruno Karsenti, PUF, 216 p., 16 € (en librairie le 2 octobre).
L’onde de choc des massacres du 7 octobre va se poursuivre encore longtemps. Ses répercussions sur les Juifs d’Europe et des États-Unis, ainsi que sur les relations entre Israël et l’Occident, font l’objet d’un ouvrage collectif intéressant. Sous la direction du philosophe Bruno Karsenti, directeur d’études à l’EHESS, La fin d’une illusion rassemble une sélection d’une quinzaine d’articles publiés au cours de l’année écoulée par la revue en ligne K. Fondée en 2020 par un groupe d’universitaires et de journalistes, avec Stéphane Bou comme rédacteur en chef, elle a pour objectif d’analyser la situation des juifs en Europe depuis la Shoah. La collection est riche en approches, thèmes et perspectives.
Il évoque d’abord les bouleversements déclenchés par cet attentat à travers le monde juif. « Les Juifs ont été exterminés en Israël »souligne Bruno Karsenti : l’État hébreu n’a pas pu empêcher ce pogrom, alors même que sa raison première d’exister est justement de constituer un rempart contre ces tueries qui ont hanté l’histoire juive de l’Antiquité au XXe siècle.e siècle. Les conséquences de cette situation interrogent notamment la mémoire de la Shoah, les relations entre Israéliens et diaspora, les manières d’envisager la guerre et la paix, à moyen et long terme. Sont également évoqués la résurgence de la haine des Juifs au sein de la gauche intellectuelle (la sociologue Eva Illouz critique les positions de Judith Butler) et le silence massif sur le viol comme arme de guerre perpétré par les terroristes du Hamas (la philosophe Julia Christ souligne cette indifférence significative).
A défaut de pouvoir tout rappeler, une mention spéciale doit être réservée à la contribution du linguiste et philosophe Jean-Claude Milner, qui traite de l’évolution des relations entre les États-Unis et Israël. Au cours de l’année écoulée, le soutien américain est devenu de moins en moins inconditionnel. Pour comprendre cette évolution et sa portée, Milner avance une explication structurelle plus décisive que la figure de Nétanyahou. Ce qui est en jeu, dit-il, c’est la tension entre les conceptions antagonistes de la guerre et de la paix.
Pendant longtemps, la doctrine occidentale a fait de la paix la situation normale dans les relations entre États. Si elle est interrompue, la guerre doit être brève et permettre un retour rapide à un horizon de paix durable. D’un autre côté, on oublie trop souvent qu’il arrive, en dehors de l’Occident, de considérer la guerre comme l’état normal du monde, et la paix comme une pause momentanée, destinée à préparer de nouveaux assauts. Dans ce contexte, une série de questions se posent clandestinement parmi les Américains et les Européens, les juifs et les non-juifs, les juifs israéliens et les juifs de la diaspora : Israël est-il ou non, aujourd’hui, dans le camp occidental ? Cela devrait-il l’être ou non ? En fonction des réponses que nous apporterons à ces questions, nous verrons l’avenir varier considérablement, y compris le sens de la solution à deux États. Un diagramme lumineux, par l’un des grands intellectuels de l’époque. R.-PD
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Le dossier « Monde des Livres » sur Israël, Gaza, l’empreinte du 7 octobre 2023
Il y a près d’un an avaient lieu les massacres commis par le Hamas en Israël, immédiatement suivis par l’offensive de l’État juif sur Gaza. De nombreuses publications marquent cet anniversaire.
- « Les portes de Gaza », d’Amir Tibon : au kibboutz Nahal Oz, le 7 octobre 2023.
- « Ce que vous trouverez caché dans mon oreille », de Mosab Abu Toha, et « La vie sous les bombardements », d’Ibrahim Khashan, dans la bande de Gaza, avant et après le 7 octobre.
- « Une étrange défaite. Du consentement à l’écrasement de Gaza », de Didier Fassin : une analyse parfois trompeuse de l’anthropologue.
- « La fin d’une illusion. Israël et l’Occident après le 7 octobre », sous la direction de Bruno Karsenti : les répercussions du 7 octobre et ses conséquences en Europe et aux États-Unis ; suivi d’autres publications.
- Entretien avec l’écrivain et militant pour la paix David Grossman, dont « The Thinking Heart » est publié. Réflexions sur un chaos annoncé.
« La fin d’une illusion. Israël et l’Occident après le 7 octobre », sous la direction de Bruno Karsenti, PUF, 216 p., 16 € (en librairie le 2 octobre).
L’onde de choc des massacres du 7 octobre va se poursuivre encore longtemps. Ses répercussions sur les Juifs d’Europe et des États-Unis, ainsi que sur les relations entre Israël et l’Occident, font l’objet d’un ouvrage collectif intéressant. Sous la direction du philosophe Bruno Karsenti, directeur d’études à l’EHESS, La fin d’une illusion rassemble une sélection d’une quinzaine d’articles publiés au cours de l’année écoulée par la revue en ligne K. Fondée en 2020 par un groupe d’universitaires et de journalistes, avec Stéphane Bou comme rédacteur en chef, elle a pour objectif d’analyser la situation des juifs en Europe depuis la Shoah. La collection est riche en approches, thèmes et perspectives.
Il évoque d’abord les bouleversements déclenchés par cet attentat à travers le monde juif. « Les Juifs ont été exterminés en Israël »souligne Bruno Karsenti : l’État hébreu n’a pas pu empêcher ce pogrom, alors même que sa raison première d’exister est justement de constituer un rempart contre ces tueries qui ont hanté l’histoire juive de l’Antiquité au XXe siècle.e siècle. Les conséquences de cette situation interrogent notamment la mémoire de la Shoah, les relations entre Israéliens et diaspora, les manières d’envisager la guerre et la paix, à moyen et long terme. Sont également évoqués la résurgence de la haine des Juifs au sein de la gauche intellectuelle (la sociologue Eva Illouz critique les positions de Judith Butler) et le silence massif sur le viol comme arme de guerre perpétré par les terroristes du Hamas (la philosophe Julia Christ souligne cette indifférence significative).
A défaut de pouvoir tout rappeler, une mention spéciale doit être réservée à la contribution du linguiste et philosophe Jean-Claude Milner, qui traite de l’évolution des relations entre les États-Unis et Israël. Au cours de l’année écoulée, le soutien américain est devenu de moins en moins inconditionnel. Pour comprendre cette évolution et sa portée, Milner avance une explication structurelle plus décisive que la figure de Nétanyahou. Ce qui est en jeu, dit-il, c’est la tension entre les conceptions antagonistes de la guerre et de la paix.
Pendant longtemps, la doctrine occidentale a fait de la paix la situation normale dans les relations entre États. Si elle est interrompue, la guerre doit être brève et permettre un retour rapide à un horizon de paix durable. D’un autre côté, on oublie trop souvent qu’il arrive, en dehors de l’Occident, de considérer la guerre comme l’état normal du monde, et la paix comme une pause momentanée, destinée à préparer de nouveaux assauts. Dans ce contexte, une série de questions se posent clandestinement parmi les Américains et les Européens, les juifs et les non-juifs, les juifs israéliens et les juifs de la diaspora : Israël est-il ou non, aujourd’hui, dans le camp occidental ? Cela devrait-il l’être ou non ? En fonction des réponses que nous apporterons à ces questions, nous verrons l’avenir varier considérablement, y compris le sens de la solution à deux États. Un diagramme lumineux, par l’un des grands intellectuels de l’époque. R.-PD
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