Ce réseau puise déjà l’eau du Rhône pour alimenter notamment les départements du Gard et de l’Hérault. La région Occitanie lance des études pour évaluer la pertinence de l’extension dans les Pyrénées-Orientales.
Publié
Mise à jour
Temps de lecture : 5 minutes
C’est l’une des solutions proposées par la région Occitanie pour lutter contre la sécheresse : pomper l’eau du Rhône pour alimenter les réseaux d’irrigation de plus de 200 kilomètres traversant trois départements, jusqu’aux Pyrénées-Orientales. L’idée serait d’en faire un aqueduc. Cela paraît un peu fou mais ça existe déjà et ça s’appelle Aqua Domitia.
Ce réseau hydraulique, nommé en latin, est un clin d’œil aux Romains. Il ne s’agit pas d’un aqueduc mais d’un ensemble de canaux et de canalisations qui pompent l’eau du Rhône pour l’acheminer vers le Gard, l’Hérault puis l’Aude. Ce système est entré en service complet il y a deux ans et tout repose sur la station de pompage près de Montpellier.
“Cette station de pompage a pour but de prélever l’eau de la partie terminale du canal, explique Jean-François Blanchet, directeur général de BRL, le concessionnaire du réseau. A la manière d’un système de sang doté d’un cœur, la station va pressuriser cette eau et la diffuser vers un réseau de canalisations pour atteindre Gruissan. Au total, ce sont 140 kilomètres de conduites qui sillonnent le littoral pour approvisionner en eau potable plus d’un million de personnes.
Préserver les autres cours d’eau
Pour ses partisans, en puisant dans une rivière au débit rapide, Aqua Domitia sauve des cours d’eau en souffrance. « L’eau du Rhône évite de prélever 8 millions de mètres cubes dans les rivières, comme c’était le cas auparavant, notamment dans la nappe aquifère du fleuve Hérault, en la nappe phréatique astienne, très proche de la Méditerranée, qui est une nappe patrimoniale à préserver, ou encore dans les eaux du Canal du Midi” développe Jean-François Blanchet.
« Il y a aussi une portée très environnementale dans ce projet. Aujourd’hui, nous ne remettons plus en question sa nécessité, mais plutôt pourquoi elle n’a pas été élargie de manière plus significative.
Jean-François Blanchet, directeur général de BRLsur franceinfo
C’est justement l’idée de la région Occitanie en étendant ce réseau un peu plus loin jusqu’aux Pyrénées-Orientales. Des études viennent d’être lancées pour évaluer la pertinence et la faisabilité d’un tel projet. Cette ressource est évidemment également précieuse pour les agriculteurs. Presque 9 000 Les fermes sont désormais connectées à Aqua Domitia. Parmi eux, celui de Michel Pontier, près de Montpellier. On le retrouve au milieu de ses champs perché sur un grand robinet. “Pour ouvrir, je tourne une grosse valve qui est un peu duredécrit l’agriculteur. On entend de l’eau qui commence à sortir et à rentrer dans les canalisations. C’est l’eau du Rhône et je vous garantis qu’en arrivant ici, c’était du bonheur.”
Une victoire pour cet ancien élu à la Chambre d’agriculture. Il fut l’un des premiers à faire campagne pour que les canalisations atteignent ses champs de colza, de maïs et de tournesol. “Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est qu’ici, s’il n’y avait plus d’eau, ce serait le désert, il ne resterait plus rien.”affirme Michel Pontier. Quand j’ai emménagé, il pleuvait 750 mm et là nous sommes entre 400 à 450. Sans l’eau d’Aqua Domitia il n’y aurait pas eu de valorisation. Mon plus jeune partenaire, je ne suis pas sûr qu’il aurait eu le mérite. Tout comme les établissements semenciers cherchent à savoir si l’eau est sûre, les banquiers cherchent à savoir si, dans le projet, il existe une ressource sûre.
Mais cela pose évidemment des questions sur le partage de l’eau. De plus, il y a 20 il y a quelques années, le projet initial d’Aqua Domitia était d’aller du Rhône à Barcelone en Espagne. A l’époque, les agriculteurs français s’étaient mobilisés contre cette mesure. Impossible pour eux d’imaginer un fleuve français irriguant les terres de leurs concurrents. Aujourd’hui, ce n’est plus d’actualité.
« Le Rhône n’est pas un milieu inépuisable »
Mais la bataille de l’eau est toujours là car chacun veut sa part du Rhône. “Il y a encore assez d’eau”explique Nicolas Chantepy, directeur général de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, organisme qui a réalisé une étude sur l’avenir du fleuve. « Le Rhône, même s’il est le fleuve le plus puissant de France, n’est pas un milieu inépuisable. Globalement, d’après les modèles climatiques et l’étude que nous avons réalisée, le débit du Rhône restera en moyenne équivalent. de l’eau en hiver et, par contre, moins d’eau en été car il y aura moins de glaciers qui apporteront de l’eau pendant les périodes juillet-août.”
Il faut donc rester prudent. Pour France Nature Environnement et son président de la région Simon Popy, il faut faire attention aux idées reçues sur le cycle de l’eau, « Ce message, ce mantra qui est répété par les syndicats agricoles, que l’eau qui va à la mer est perdue. Elle est peut-être perdue pour l’agriculture, mais l’eau est également essentielle à l’écosystème méditerranéen. “
« Si demain il n’y a plus d’eau douce qui arrive en Méditerranée, on se retrouvera avec une augmentation de la salinité. On aura donc très vite des conséquences dramatiques sur l’écosystème méditerranéen. Il y aura des conséquences économiques derrière.”
Simon Popy, président de France nature environnement Occitaniesur franceinfo
La région Occitanie reconnaît qu’Aqua Domitia ne résoudra pas le problème de la sécheresse dans les Pyrénées-Orientales. Mais l’extension du réseau fait partie de sa stratégie d’adaptation au changement climatique.
Ce réseau puise déjà l’eau du Rhône pour alimenter notamment les départements du Gard et de l’Hérault. La région Occitanie lance des études pour évaluer la pertinence de l’extension dans les Pyrénées-Orientales.
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C’est l’une des solutions proposées par la région Occitanie pour lutter contre la sécheresse : pomper l’eau du Rhône pour alimenter les réseaux d’irrigation de plus de 200 kilomètres traversant trois départements, jusqu’aux Pyrénées-Orientales. L’idée serait d’en faire un aqueduc. Cela paraît un peu fou mais ça existe déjà et ça s’appelle Aqua Domitia.
Ce réseau hydraulique, nommé en latin, est un clin d’œil aux Romains. Il ne s’agit pas d’un aqueduc mais d’un ensemble de canaux et de canalisations qui pompent l’eau du Rhône pour l’acheminer vers le Gard, l’Hérault puis l’Aude. Ce système est entré en service complet il y a deux ans et tout repose sur la station de pompage près de Montpellier.
“Cette station de pompage a pour but de prélever l’eau de la partie terminale du canal, explique Jean-François Blanchet, directeur général de BRL, le concessionnaire du réseau. A la manière d’un système de sang doté d’un cœur, la station va pressuriser cette eau et la diffuser vers un réseau de canalisations pour atteindre Gruissan. Au total, ce sont 140 kilomètres de conduites qui sillonnent le littoral pour approvisionner en eau potable plus d’un million de personnes.
Préserver les autres cours d’eau
Pour ses partisans, en puisant dans une rivière au débit rapide, Aqua Domitia sauve des cours d’eau en souffrance. « L’eau du Rhône évite de prélever 8 millions de mètres cubes dans les rivières, comme c’était le cas auparavant, notamment dans la nappe aquifère du fleuve Hérault, en la nappe phréatique astienne, très proche de la Méditerranée, qui est une nappe patrimoniale à préserver, ou encore dans les eaux du Canal du Midi” développe Jean-François Blanchet.
« Il y a aussi une portée très environnementale dans ce projet. Aujourd’hui, nous ne remettons plus en question sa nécessité, mais plutôt pourquoi elle n’a pas été élargie de manière plus significative.
Jean-François Blanchet, directeur général de BRLsur franceinfo
C’est justement l’idée de la région Occitanie en étendant ce réseau un peu plus loin jusqu’aux Pyrénées-Orientales. Des études viennent d’être lancées pour évaluer la pertinence et la faisabilité d’un tel projet. Cette ressource est évidemment également précieuse pour les agriculteurs. Presque 9 000 Les fermes sont désormais connectées à Aqua Domitia. Parmi eux, celui de Michel Pontier, près de Montpellier. On le retrouve au milieu de ses champs perché sur un grand robinet. “Pour ouvrir, je tourne une grosse valve qui est un peu duredécrit l’agriculteur. On entend de l’eau qui commence à sortir et à rentrer dans les canalisations. C’est l’eau du Rhône et je vous garantis qu’en arrivant ici, c’était du bonheur.”
Une victoire pour cet ancien élu à la Chambre d’agriculture. Il fut l’un des premiers à faire campagne pour que les canalisations atteignent ses champs de colza, de maïs et de tournesol. “Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est qu’ici, s’il n’y avait plus d’eau, ce serait le désert, il ne resterait plus rien.”affirme Michel Pontier. Quand j’ai emménagé, il pleuvait 750 mm et là nous sommes entre 400 à 450. Sans l’eau d’Aqua Domitia il n’y aurait pas eu de valorisation. Mon plus jeune partenaire, je ne suis pas sûr qu’il aurait eu le mérite. Tout comme les établissements semenciers cherchent à savoir si l’eau est sûre, les banquiers cherchent à savoir si, dans le projet, il existe une ressource sûre.
Mais cela pose évidemment des questions sur le partage de l’eau. De plus, il y a 20 il y a quelques années, le projet initial d’Aqua Domitia était d’aller du Rhône à Barcelone en Espagne. A l’époque, les agriculteurs français s’étaient mobilisés contre cette mesure. Impossible pour eux d’imaginer un fleuve français irriguant les terres de leurs concurrents. Aujourd’hui, ce n’est plus d’actualité.
« Le Rhône n’est pas un milieu inépuisable »
Mais la bataille de l’eau est toujours là car chacun veut sa part du Rhône. “Il y a encore assez d’eau”explique Nicolas Chantepy, directeur général de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, organisme qui a réalisé une étude sur l’avenir du fleuve. « Le Rhône, même s’il est le fleuve le plus puissant de France, n’est pas un milieu inépuisable. Globalement, d’après les modèles climatiques et l’étude que nous avons réalisée, le débit du Rhône restera en moyenne équivalent. de l’eau en hiver et, par contre, moins d’eau en été car il y aura moins de glaciers qui apporteront de l’eau pendant les périodes juillet-août.”
Il faut donc rester prudent. Pour France Nature Environnement et son président de la région Simon Popy, il faut faire attention aux idées reçues sur le cycle de l’eau, « Ce message, ce mantra qui est répété par les syndicats agricoles, que l’eau qui va à la mer est perdue. Elle est peut-être perdue pour l’agriculture, mais l’eau est également essentielle à l’écosystème méditerranéen. “
« Si demain il n’y a plus d’eau douce qui arrive en Méditerranée, on se retrouvera avec une augmentation de la salinité. On aura donc très vite des conséquences dramatiques sur l’écosystème méditerranéen. Il y aura des conséquences économiques derrière.”
Simon Popy, président de France nature environnement Occitaniesur franceinfo
La région Occitanie reconnaît qu’Aqua Domitia ne résoudra pas le problème de la sécheresse dans les Pyrénées-Orientales. Mais l’extension du réseau fait partie de sa stratégie d’adaptation au changement climatique.