Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schuman, était invitée sur franceinfo jeudi.
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Emmanuel Macron envisage l’hypothèse d’un envoi de troupes terrestres en Ukraine. Dans une interview Ă l’hebdomadaire britannique L’Ă©conomiste, le prĂ©sident français a rĂ©itĂ©rĂ© cette position qui a bouleversĂ© de nombreux pays europĂ©ens. “Si les Russes parvenaient Ă percer les lignes de front, s’il y avait une demande ukrainienne – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – on se poserait lĂ©gitimement la question“, a dĂ©clarĂ© le prĂ©sident français Ă l’hebdomadaire britannique.
“L’écarter a priori, c’est ne pas tirer les leçons des deux dernières annĂ©es“, alors que les pays de l’OTAN avaient initialement exclu d’envoyer des chars et des avions en Ukraine avant de finalement changer d’avis, a-t-il ajoutĂ©. Pour Pascale Joannin, directrice gĂ©nĂ©rale de la Fondation Robert-Schuman, cette prĂ©cision est logique.
franceinfo : Pourquoi cette prĂ©cision d’Emmanuel Macron sur la possibilitĂ© d’envoyer des troupes occidentales en Ukraine Ă©tait-elle nĂ©cessaire ?
Pascale Joannin : Parce que, d’abord, il n’est pas seul. Lors de sa première sortie, il y a eu beaucoup de commentaires sur le fait qu’il Ă©tait un peu isolĂ©. De nombreux pays d’Europe centrale et orientale, notamment la Pologne et les pays baltes, se situent totalement sur cette ligne. Et puis, il y pose encore des conditions qui sont : si le front ukrainien a dĂ©jĂ Ă©tĂ© percĂ© par les Russes et ensuite si Kiev le demande. Le 1er fĂ©vrier, il y a eu un Conseil europĂ©en exceptionnel, nous avons dĂ©cidĂ© de soutenir l’Ukraine coĂ»te que coĂ»te quelque part, pour reprendre cette expression qu’utilisait Mario Draghi en 2012. Il faut donc aller jusqu’au bout de la logique. Nous ne pouvons pas nous arrĂŞter Ă mi-chemin.
S’il le rĂ©pète, dans ce grand hebdomadaire britannique dans une interview en anglais, c’est peut-ĂŞtre parce qu’il n’a pas perdu l’espoir de convaincre ses homologues europĂ©ens bien plus rĂ©servĂ©s sur cette perspective. ..
La rĂ©ticence vient d’Allemagne. L’Allemagne a Ă©tĂ© complètement bouleversĂ©e par la guerre en Ukraine, tant en matière Ă©conomique qu’en matière Ă©nergĂ©tique et en matière de dĂ©fense stratĂ©gique. Il s’agit donc pour elle d’un retrait complet de son modèle fondĂ© sur une Ă©nergie bon marchĂ©, un commerce mondialisĂ© et une dĂ©fense assurĂ©e par les AmĂ©ricains. Donc tout cela est mis Ă mal et cela se fait dans l’autre pays oĂą l’on sait parler de dĂ©fense : le Royaume-Uni, qui a quittĂ© l’Union europĂ©enne, reste nĂ©anmoins très actif sur les questions de dĂ©fense et notamment le soutien Ă l’Ukraine.
Emmanuel Macron veut parler de la dĂ©fense europĂ©enne au sein d’un comitĂ© politique europĂ©en…
Absolument et donc Ă ce sujet, il est un peu ce qu’on attend. D’abord parce que la France est ce qu’elle est : c’est une puissance nuclĂ©aire, elle est membre permanent du Conseil de sĂ©curitĂ© de l’ONU. Il a une voix qui porte, qui est respectĂ©e. Il essaie de dĂ©placer un peu les lignes pour dire : “Il m’a fallu beaucoup de temps, peut-ĂŞtre pour en arriver lĂ , j’ai tergiversĂ©, on m’a critiquĂ©, etc. Mais maintenant, il ne faut plus hĂ©siter.” Poutine n’hĂ©sitera pas. Il ne faut donc pas ĂŞtre naĂŻf. Si jamais nous Ă©tions faibles, il en profiterait.
Le président, avec cette interview, ne remet-il pas également la guerre en Ukraine au premier plan de la campagne électorale européenne ?
En tout cas, la guerre en Ukraine est lĂ . Cela a commencĂ© le 24 fĂ©vrier 2022. Ce serait stupide de ne pas en parler, puisque cela a changĂ© certaines choses qui se faisaient Ă Bruxelles, qui ne se faisaient pas et qui se font parce que la guerre est de retour sur le continent europĂ©en. Il y a des choses qui ont Ă©tĂ© faites qu’on n’aurait jamais imaginĂ©es : fournir des munitions, avoir des fonds europĂ©ens qui permettent de rembourser les États membres, etc. Dans cette campagne Ă©lectorale europĂ©enne, on sait qu’il y a des mouvements politiques qui sont plutĂ´t enclins Ă soutenir Vladimir Poutine. Voici donc ce qu’Emmanuel Macron a dit aux Ă©lecteurs : « Avant de voter, regardez le bulletin de vote, regardez ce que vous proposent les gens pour lesquels vous voulez voter… Parce qu’il y a des partis politiques en lice qui ne soutiennent pas du tout l’Ukraine. “