C’est un geste rare : l’Association française des entreprises privées entre sur la scène politique à deux mois des élections européennes. Dans une lettre ouverte publiée lundi 15 avril, ce groupe de pression regroupant les cent dix-sept plus grandes entreprises françaises cotées met en garde, sans les nommer, contre les programmes du Rassemblement national, Reconquête ! et la gauche radicale, qui exposerait l’Europe à « un risque de fragmentation » au pire moment de son histoire. Elle a réussi à « un point de bascule »disent les grands patrons, qui expriment « un attachement profond » à tout ce qui compose l’Union européenne, en particulier « une construction politique sans précédent ».
Sans un « explosion de compétition » à partir de 2024, il subira « un décrochage irréversible » vers l’Asie et l’Amérique du Nord. Cela a déjà commencé : les projets d’investissement sont concentrés à 54% dans la première zone et à 28% dans la seconde, ne laissant que 10% à l’Europe. Cet élan nécessite une meilleure mobilisation de l’épargne, une sécurisation des chaînes d’approvisionnement, une offre européenne pour les transitions écologiques et numériques, « plus d’agilité et d’efficacité » Institutions et procédures communautaires.
Le secteur chimique est la parfaite illustration de la menace. « Le marché mondial se redresse, mais la chimie européenne connaît un nouveau déclin et est clairement en déclin par rapport aux autres secteurs industriels », s’alarme France Chimie dans son rapport 2023, présenté mardi 16 avril lors de son assemblée générale. La France s’en sort mieux que l’Allemagne grâce aux parfums et aux cosmétiques, tandis que sa chimie de base (pétrochimie, chimie minérale, etc.) est en déclin.
Aucune perspective de rebond
Faible demande, prix de l’électricité et du gaz supérieurs à ceux de l’Asie et des États-Unis, investissements agressifs Chine créant des surcapacités, aide de l’Inflation Reduction Act de Joe Biden, tous ces éléments ont fait chuter le taux d’utilisation des sites français à 74 %. Sans perspective de rebond en 2024, où les capitaux iront aux opérations de maintenance et d’adaptation aux normes, et non aux investissements de croissance.
Mi-février, plus de soixante patrons de l’industrie européenne ont choisi Anvers et le site belge de l’allemand BASF, numéro un mondial de la chimie, pour recevoir la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui promet de doper la compétitivité. de l’industrie si elle est réélue pour un second mandat. Un site hautement symbolique : des produits chimiques entrent dans la composition de nombreux produits où l’Europe est engagée dans une bataille sans merci contre la Chine.