EOn la reconnaît entre mille, un D majuscule suivi d’une série de zigzags : la signature de Donald Trump. «Le marqueur noir est ce qu’il utilise toujours», selon Deborah Tarasoff, directrice comptable de la Trump Organization. Lundi, le jury a vu neuf chèques, libellés à l’ordre de l’ancien avocat de Trump, Michael Cohen. Une journée difficile, mais nécessaire.
À 12e Le jour du procès à Manhattan, après une plongée dans l’univers des tabloïds, des playmates, des stars prêtes à payer des millions pour sauver leur réputation et des avocats qui en vivent, l’accusation s’est attaquée au cœur du dossier.
Car Donald Trump n’est pas accusé de fréquenter un environnement sordide, ni d’avoir couché avec une star du porno, Stormy Daniels, en 2006, ni même de lui avoir payé 130 000 dollars pour garder le silence sur cette relation, dix ans plus tard. C’est bien moins juteux que ça : les 34 chefs d’accusation portent sur la falsification de documents financiers de la Trump Organization, plus précisément sur 11 factures, 11 chèques et 12 écritures comptables.
Et voici par exemple le chèque de juin 2017 (à l’époque, du compte personnel de Donald Trump et non de la Trump Organization) adressé à Michael Cohen. @Indiquer pic.twitter.com/y6othCRow5
– Claire Meynial (@ClaireMeynial) 7 mai 2024
En 2016, c’est Michael Cohen qui payait Stormy Daniels. Il a alors demandé un remboursement. Selon l’acte d’accusation, ce remboursement a été effectué sous forme de paiements classés comme « frais juridiques » dans les comptes de la Trump Organization. Cohen n’y était plus officiellement employé à l’époque. Le jury a donc vu 11 factures, 12 inscriptions et 11 chèques en cause, avec les explications de deux témoins clés. Tous deux ont été assignés à comparaître et la Trump Organization paie leurs avocats.
LIRE AUSSI « Payer cash », l’enregistrement qui met Donald Trump en difficulté à son procèsLe premier, Jeff McConney, joues et ventre ronds, cheveux blancs, moustache et barbichette, est l’ancien contrôleur de gestion de la Trump Organization qui, d’ailleurs, n’a plus le droit de diriger une entreprise pendant trois ans à New York, ni de détenir une situation financière là-bas, à vie, pour… fraude, à l’issue du procès civil en novembre 2023. Son témoignage a donné un aperçu d’une gestion à la Trump. McConney était là depuis à peine un an lorsqu’il entra dans son bureau pour déposer un rapport. Le patron était au téléphone, mais lui a dit : « Jeff, tu es viré ! » » Puis, après avoir raccroché : « Jeff, tu n’es pas viré, mais mon solde de trésorerie est en baisse par rapport à la semaine dernière. »
” Vous êtes viré! »
McConney a expliqué que des dépenses avaient été engagées, mais Trump lui a demandé : « Concentrez-vous sur mes factures, négociez mes factures. » « C’était une leçon », se souvient McConney. Si quelqu’un demande de l’argent, négociez avec lui au lieu de payer directement. Outre la phrase qui rappelle celle de la télé-réalité L’apprenti (« Vous êtes viré! ), où Trump a « viré » ou non des candidats pour son entreprise, l’anecdote prouve qu’on peut difficilement accuser Trump de négliger sa trésorerie. Lui-même, dans la salle d’audience, rit, les épaules tremblantes, lorsque McConney le raconte. Entre autres détails qui prouvent que Trump n’était pas du genre à ignorer les sorties d’argent, le fait qu’il était le seul à pouvoir les autoriser depuis son compte personnel (d’où provenaient neuf des paiements à Michael Cohen). C’est important pour l’avenir.
Au cœur de l’affaire se trouve une conversation avec l’ancien directeur financier, Allen Weisselberg (actuellement en prison… pour fraude, puis pour parjure). “Al a dit : ‘Nous devons donner de l’argent à Michael, rembourser Michael.’ J’ai commencé à prendre des notes », a déclaré McConney. On peut voir, sur un relevé de compte de Michael Cohen, le paiement de 130 000 $ à Stormy Daniels. Et on découvre, dans les gribouillis de Weisselberg, comment un remboursement de 130 000 $ atteint… 420 000 $. de 50 000 $ pour les « services techniques » s’ajoute aux 130 000 $ initiaux, le tout est doublé, ce qui donne 360 000 $, auxquels s’ajoutent 60 000 $ de bonus. Le total, dans un tour de magie généreux (et inhabituel, selon McConney), est de 50 000 $ pour les « services techniques ». 420 000 $.
Pour ceux qui rêvaient (et qui ne rêveraient pas !) de voir les gribouillis de Weisselberg découper les paiements à Michael Cohen, les voici. Essential Consultants LLC est la société de Cohen. Et Weisselberg rembourse les 130 000 $ avec… 420 000 $ @Indiquer pic.twitter.com/fmMuCT4Vlp
– Claire Meynial (@ClaireMeynial) 7 mai 2024
Weisselberg a demandé à McConney de diviser cette somme en douze mensualités de 35 000 $. Que faut-il comprendre ? En doublant le montant initial, la comptabilité le fait apparaître comme un salaire pour lequel une fiscalité aurait été prévue. Et non un remboursement de frais, qui n’est pas imposable. Quant au titre de la dépense à comptabiliser, “frais juridiques”, c’était aussi une suggestion de Weisselberg, que Jeff McConney a transmise à Deborah Tarasoff. Cohen n’était plus officiellement avocat de la Trump Organization, mais la défense affirme qu’il était « l’avocat personnel » de Trump.
Trump « avait la main sur tout »
Deborah Tarasoff, employée de la Trump Organization depuis 2000, cheveux blancs et chemise à carreaux, est le deuxième témoin. Elle décrit également la Trump Organization comme une entreprise familiale, dans laquelle Trump « avait la main sur tout ». Quand il ne voulait pas signer un chèque, c’est simple, il ne l’a pas signé. « Il l’a renvoyé avec la mention : ANNULÉ », raconte-t-elle. Les paiements se sont étalés de janvier 2017 à décembre 2018, d’abord depuis la Trump Organization, puis, à partir d’avril, depuis le compte personnel de Donald Trump. « Qui pourrait signer des chèques (de ce compte) ? » « Seulement Donald Trump », répond Deborah Tarasoff, quel que soit le montant. À partir de janvier 2017, Trump n’est plus à New York, mais à la Maison Blanche, et des chèques lui sont envoyés pour signature par FedEx.
Les documents ne mentent pas, les courriels de Michael Cohen demandant à être payés, les calculs de Weisselberg, les courriels de McConney transmettant les factures de Cohen et ordonnant à Tarasoff : « Payez, s’il vous plaît ». » Reste un problème. Lorsqu’Emil Bove, l’avocat de Trump, a demandé à McConney si Weisselberg lui avait dit qu’il suivait les instructions de Trump, McConney a répondu : “Allen ne m’a jamais dit quelque chose de tel.” » Le jury a vu ses chèques, que lui seul pouvait signer, a entendu que Trump était un microgestionnaire obsessionnel (en fait beaucoup plus attentif au témoignage d’aujourd’hui), qu’il surveillait toutes ses dépenses, au point d’en refuser certaines, pour l’instant, non. on a bien prouvé que l’ordre de rembourser Michael Cohen venait donc de lui.