LLe protocole est désormais bien établi. Depuis sept ans, des dizaines de grands investisseurs étrangers sont invités au château de Versailles pour illustrer la capacité d’attraction du territoire français. Emmanuel Macron a su faire du sommet Choose France un outil de communication efficace en regroupant des annonces de projets qui s’effondraient auparavant avec le temps. Le cru 2024, lundi 13 mai, a été particulièrement porteur, avec 56 investissements annoncés, le double de l’année précédente, pour un montant total de 15 milliards d’euros, soit un ” enregistrer “, selon l’Elysée.
La France a parfois la réputation de ne pas savoir valoriser ses atouts. De ce point de vue, le sommet de Versailles remplit un rôle utile. Montrer qu’une attention est accordée à ceux qui sont prêts à investir sur le territoire français pour développer leurs activités contribue à changer l’image d’un pays qui n’a pas toujours été considéré comme « business friendly ».
Les efforts commencent à porter leurs fruits. Le baromètre annuel du cabinet EY vient de classer la France championne européenne de l’attractivité économique pour la cinquième année consécutive. Depuis le lancement de Choose France en 2018, ce sont plus de 46 milliards d’euros d’investissements qui ont été réalisés pour 178 projets.
Derrière les effets d’annonce, la situation mérite cependant d’être nuancée. D’abord, parmi les projets évoqués, certains auraient vu le jour avec ou sans Versailles. Par ailleurs, on parle souvent d’extensions de sites industriels existants, ce qui réduit leur impact sur le tissu économique. Jusqu’à présent, la France peine à attirer de gigantesques projets valant plusieurs milliards d’euros, comme des usines automobiles ou de microprocesseurs.
Attirer l’attention
Microsoft fait exception, avec l’annonce d’un investissement de 4 milliards d’euros. Cela passe par le développement de centres de données pour renforcer son infrastructure en intelligence artificielle et en cloud computing. Le montant sera peut-être spectaculaire, mais la contribution à la revitalisation des territoires restera modeste en termes d’emploi.
C’est une caractéristique des investissements étrangers en France qui, à montant égal, créent moins d’emplois que dans les autres pays concurrents. Ainsi, sur les deux dernières années, le Royaume-Uni a attiré à peu près les mêmes montants d’investissements que la France, mais en créant deux fois plus d’emplois. Autre handicap, selon les données du cabinet Trendeo, la France ne capte qu’une infime partie des investissements étrangers des deux plus grandes économies de la planète : les Etats-Unis et la Chine.
L’or de Versailles permet d’attirer l’attention, mais il ne doit pas créer d’illusion. Le chemin de la reconquête reste long. Certains progrès sont encourageants. Ainsi, en matière financière, Paris s’impose comme la place européenne qui a le plus profité des conséquences du Brexit. Ce n’était pas gagné d’avance. Sur le plan industriel, 300 usines et 150 000 emplois ont été créés depuis 2017, mais ces progrès sont loin d’effacer les cicatrices de plusieurs décennies de désindustrialisation.
Les besoins en énergie sans carbone, en main-d’œuvre qualifiée et en capitaux disponibles pour la recherche et l’investissement sont loin d’être satisfaits. Or, ces trois éléments sont essentiels pour que la France retrouve son rang de puissance industrielle. Le feu d’artifice d’investissements de Versailles ne suffira pas à lui seul à renforcer le tissu économique.