Le dernier film de Patricia Mazuy, sélectionné dans la catégorie Un Certain Regard, retrace une amitié singulière entre deux épouses de détenus, l’une une riche bourgeoise, l’autre une jeune mère de banlieue. Cette rencontre va changer leur destin.
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La longueur de la file d’attente derrière l’Hôtel Mariott, à Cannes, pour accéder au Théâtre Croisette où le film est projeté Le prisonnier de Bordeaux à la Quinzaine des cinéastes, samedi 18 mai, donne une idée de l’anticipation qu’il suscite. D’autant qu’une rencontre avec la réalisatrice Patricia Mazuy et l’une des comédiennes, Isabelle Huppert, est prévue à l’issue de la projection.
Alma est une femme au bord du vide. Dans son hôtel particulier bordelais, elle s’ennuie complètement, hormis sa visite hebdomadaire à la prison. Mina, quant à elle, court entre ses visites de train de trois heures et demie, ses deux enfants et son travail de blanchisseuse dans un pressing à Narbonne. C’est dans la maison d’accueil du centre pénitentiaire que les deux femmes se rencontrent. L’une se trompe de jour pour sa visite et feint le malaise pour apaiser les gardiens, l’autre semble séduite par l’audace de sa voisine de parloir.
Deux épouses, deux milieux sociaux complètement différents. Bien qu’ils fréquentent la même prison, l’un rend visite à un braqueur de bijouterie, l’autre à un neurologue réputé. Du rapprochement de ces deux opposés naîtra une énergie libératrice.
L’amitié est totale d’emblée, sans demi-mesure. Très vite Alma invite Mina dans son immense maison, elle lui trouve un travail de blanchisseuse dans la clinique de son mari et s’occupe de ses deux enfants. Les trois nouveaux venus sont bien loin de ce monde bourgeois et riche et on devine immédiatement les défauts à venir. Le fossé est trop grand pour imaginer un avenir commun. Mais la rencontre fulgurante va profondément changer les deux femmes.
Si la fracture sociale est parfois trop démonstrative, Patricia Mazuy, plus encline à explorer le cœur des hommes dans ses précédents longs-métrages, signe un film redoutable pour actrices. Le portrait de deux femmes au parloir, deux codétenues qui aiment tant raconter la vie de ceux qui attendent, concerne aussi la prison. Isabelle Huppert et Hafsia Herzi incarnent ces amies improbables avec une facilité déconcertante. La douceur qui s’en dégage rayonne.
A propos de son partenaire à l’écran, Isabelle Huppert a peu de mots mais ils disent tout. “C’est comme en musique, c’est l’accord parfait, dit-elle au public lors de la première à Cannes. Hafsia est moins est plus, c’est-à-dire que moins elle en dit, plus on sent les choses et plus on les comprend.
Le casting n’a cependant pas été évident. Lorsqu’elle apprend qu’André Téchiné avait déjà tourné le film quelques mois plus tôt Les gens d’à côté avec le même duo d’actrices, Patricia Mazuy ne s’emporte pas : “J’avais vraiment les couilles, dit la réalisatrice connue pour son franc-parler. Je voulais virer Hafsia, continue-t-elle en riant. Finalement, elle a laissé pousser ses cheveux, elle a grandi un peu, ça a fait autre chose.”
À travers Alma et Mina, c’est le quotidien de ces femmes, de ces mères, de ces épouses, de ces sœurs qui fréquentent les parloirs que Patricia Mazuy met en avant. Si le titre du film parle d’un prisonnier au singulier, c’est pour mieux s’ouvrir au conte et ainsi évoquer tous ceux qui sont condamnés à programmer leur vie sur celle d’un détenu.
Genre : drame
Directeur: Patricia Mazuy
Acteurs: Isabelle Huppert, Hafsia Herzi
Pays : France
Durée : 1h48
Sortie : prochainement
Alma, seule dans sa grande maison en ville, et Mina, une jeune maman d’une banlieue lointaine, ont organisé leur vie autour de l’absence de leurs deux maris détenus au même endroit. Au cours d’une rencontre, les deux femmes se rencontrent et entament une amitié aussi improbable que tumultueuse.