CONTREconseil de guerre à la présidence de la République de Corée du Sud ce jeudi 23 mai. Il ne s’agissait pas de relations avec la Chine ou de sanctions contre son voisin du nord, mais d’un sujet tout aussi existentiel pour ce qu’on appelle à tort le pays du Matin Calme : gagner le bataille des puces. Le pays est déjà le premier fabricant mondial de puces mémoire et de semi-conducteurs de toutes sortes, mais la confrontation sino-américaine menace cette position.
Le président Yoon Suk Yeol a également brisé un tabou. Il a présenté un plan d’aide publique de 18 milliards d’euros. « Nous devons soutenir notre industrie des semi-conducteurs pour éviter qu’elle ne soit dépassée par un pays rival. » il expliqua. C’est la première fois que l’État aide directement son industrie électronique.
Jusqu’à présent, il laissait ses très riches conglomérats gérer leurs investissements. Mais elle fait face à la pluie de subventions qui inondent les Etats-Unis, l’Europe, le Japon et, bien sûr, la Chine pour aider l’industrie désormais la plus chère et la plus soutenue au monde.
Il faut au moins 20 milliards de dollars (18,5 milliards d’euros) pour une seule usine de classe mondiale. Selon l’agence Bloomberg, plus de 350 milliards de dollars de subventions ont déjà été engagés dans le monde ces deux dernières années, dont 80 milliards pour les seuls Etats-Unis et l’Europe.
«Mégacluster»
La Corée du Sud réagit donc très fortement. En témoigne le gigantesque projet de parc industriel en cours de création à Yongin, à deux pas de Séoul. Ce « mégacluster », qui comprend déjà 19 usines, s’étendra sur 21 millions de mètres carrés dans huit villes. Seize usines supplémentaires seront construites.
Au total, les investissements devraient atteindre, selon une note de Business France de mars, plus de 420 milliards d’euros jusqu’en 2047. Ils permettraient de produire pour 446 milliards d’euros de semi-conducteurs et de générer 3,4 millions d’emplois, dans un pays de 50 millions d’habitants. . La subvention de l’État ira notamment aux infrastructures routières, d’eau et d’énergie ainsi qu’aux aides aux PME. Les deux géants à l’œuvre sont Samsung et SK hynix, tous deux leaders mondiaux des puces mémoire.
Une telle ambition et de tels moyens, qui s’ajoutent à ceux de Taiwan, du Japon, mais aussi de la Malaisie, de la Thaïlande, des Philippines et du Vietnam, tous faisant partie du même écosystème asiatique, laissent s’interroger sur la capacité et la rentabilité des investissements occidentaux dans ce domaine. La bataille industrielle mondiale n’oppose pas seulement la Chine, les États-Unis et l’Europe.