Marc Oberti, professeur de sociologie à Sciences Po et chercheur au centre de recherche sur les inégalités sociales, décrypte le discours sur la jeunesse intitulé « Pour un élan d’autorité » prononcé par le Premier ministre, Gabriel Attal, jeudi 18 avril à Viry-Châtillon (Essonne). ). Il note une « logique assumée » visant à cibler les « responsabilités individuelles » tout en occultant toute contextualisation des phénomènes de violence.
Quand le Premier ministre désigne « certains de nos adolescents. Et seulement une partie. » De quelle jeunesse parle-t-il ?
Sans le dire clairement, il évoque surtout la jeunesse des quartiers populaires : lorsqu’il parle de « retrait identitaire », d’« entrisme d’idéologies contraires à la République », ou lorsqu’il cite les internats « loin de son quartier »… De même , lorsqu’il annonce que “tous les collégiens seront scolarisés tous les jours de la semaine entre 8h et 18h, à commencer par les quartiers prioritaires et les réseaux d’éducation prioritaire”.
Lorsqu’il dit vouloir lutter contre le séparatisme, il n’en cite en fait qu’un, le « séparatisme islamiste », à aucun moment il n’évoque d’autres séparatismes, comme le séparatisme éducatif ou la recherche d’autonomie résidentielle, pratiqués principalement par les classes supérieures. Il dénonce « l’individualisme forcené » des jeunes et parle même de « sécessionnisme individuel » : pense-t-il aussi aux classes aisées ? À toutes les formes d’individualisme forcené ?
Que retenez-vous des mesures évoquées ?
Ce qui frappe, c’est le ton répressif et l’accent mis sur la responsabilité individuelle au détriment des contextes dans lesquels s’expriment les phénomènes de violence urbaine. Et les solutions proposées : davantage de sanctions, de sanctions, de pénalités, d’amendes. Le Premier ministre s’inscrit pleinement dans une logique répressive, avec très peu d’actions préventives. Lorsqu’il dit vouloir « aller au fond du problème », il s’adresse à des individus : les adolescents eux-mêmes, mais aussi les parents et les familles. C’est un parti pris qu’il assume d’emblée, sans doute à l’encontre de ce qu’il appelle « les professionnels de l’excuse ».
Cependant, même si la responsabilité individuelle ne doit pas être négligée, elle ne peut être déconnectée des environnements sociaux. Gabriel Attal ne fait aucune allusion aux phénomènes de ségrégation socio-résidentielle et scolaire, pourtant si cruciaux comme nous l’avons montré avec Maela Guillaume-Le Gall dans « Les territoires des émeutes, la ségrégation urbaine au cœur des violences ». (article publié dans La vie des idées12 avril 2024). C’est même Gabriel Attal lui-même qui propose d’assouplir la contrainte de la loi SRU (Loi de solidarité et de rénovation urbaine, qui impose notamment aux communes un minimum de 20% de logements sociaux) en intégrant pleinement des logements intermédiaires.
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