Inspiré par l’Antiquité, Pierre de Coubertin croyait essentiel d’associer les écrivains et les artistes aux événements sportifs. Le poète Louis Chevaillier raconte ces JO ratés.
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Il y a exactement cent ans, un certain Géo-Charles remportait une médaille d’or aux Jeux Olympiques de Paris. Vélo? Natation ? L’athlétisme ? Rien de tout cela. Le jeune Français arrive premier en littérature. Son travail jeux olympiques, une pièce mêlant danse, poésie et musique, a séduit un jury composé de grandes figures littéraires. Un petit quart d’heure de gloire avant de sombrer, comme beaucoup d’autres vainqueurs de la discipline, dans l’oubli.
Le test Les Olympiades de la littérature, publié aux Editions Grasset le 13 mars, retrace l’histoire des olympiades artistiques qui accompagnèrent les Jeux d’été de 1912 à 1948. Créées à la demande de Pierre de Coubertin, ces épreuves n’ont jamais rencontré de succès.
L’échec de Coubertin
Pierre de Coubertin, qui avait relancé les Jeux Olympiques dix ans plus tôt, entendait faire revivre l’esprit ancien. En 1906, le baron affirme sa volonté d’organiser des manifestations en littérature, peinture, architecture, sculpture et musique afin d’organiser des Jeux olympiques. « bien plus que de simples championnats du monde ». Les œuvres présentées doivent donc mettre en valeur le sport et faire l’éloge des athlètes.
Faible nombre de participants, productions médiocres, médailles non décernées ou décernées pour des raisons moins nobles que la qualité de l’œuvre… Lancé à Stockholm en 1912, ces nouveaux essais se soldèrent par un premier échec. En 1920, à Anvers, le schéma se répète.
Alors que les Jeux sont organisés à Paris en 1924, Pierre de Coubertin espère un réel engouement autour des manifestations artistiques. Il réunit un jury prestigieux dans lequel siègent Paul Claudel, Paul Valéry et Anna de Noailles. Mais la qualité du jury n’égale pas celle des concurrents. Avec précision et humour, Louis Chevaillier fouille dans les archives de ces JO et réalise des cahiers comptables avec des extraits des œuvres en compétition, récit d’un échec.
Un panorama olympique
En retraçant le bref parcours des Olympiades culturelles, Louis Chevaillier propose un regard transversal sur l’histoire des Jeux. Chaque chapitre aborde un sport différent et revient sur les grandes figures de l’époque. Un boxeur français qui mord un Britannique, un nageur devenu mannequin en sous-vêtements… Casting pour Tarzan (un certain Johnny Weissmuller) aux épreuves anciennes (dont un concours de flûte), l’essai est aussi traversé d’anecdotes réjouissantes.
A côté de ces propos réjouissants, Louis Chevaillier tient à évoquer les fondements racistes et misogynes des Jeux olympiques modernes. Il rend compte de l’idéologie viriliste de Pierre de Coubertin et met en avant divers événements, notamment les tournois sportifs féminins, traités avec dédain, et les jeux institués par les syndicats ouvriers, nés en opposition aux Jeux olympiques officiels.
L’auteur aborde également implicitement les problèmes d’organisation et les conflits entourant l’édition parisienne de 1924. “Changez les noms et les dates et vous aurez l’impression de lire Le Parisien ce matin sur les Jeux Olympiques de Saint-Denis”, écrit Louis Chevaillier. Un avant-goût de 2024 ? Peut-être, mais la première place en littérature, qui n’a jamais été étincelante, est désormais inaccessible.
« Les Jeux olympiques de la littérature » de Louis Chevaillier (Grasset, 266 pages, 20 euros).
Extrait : “Ce poète oublié a été lauréat du concours littéraire avec sa pièce jeux olympiques. Les polémiques autour du paradis à l’ombre des épées ont-elles fatigué les jurés ? Voulaient-ils récompenser un livre moins célèbre, non encore publié ? Aux dissertations guerrières de Montherlant, ils préférèrent l’apologie de la paix ; à son classicisme revendiqué, un art de l’image héritier des symbolistes : la veine Cocteau, cette autre grande source d’inspiration de la génération de l’entre-deux-guerres.
Cette victoire française s’ajoute aux treize médailles d’or remportées par les Français en cyclisme, escrime, haltérophilie… La France n’a remporté aucune autre épreuve artistique. Aucun titre n’a été décerné en architecture et en musique. Aux côtés du Grec Dimitriadis en sculpture, un artiste luxembourgeois, Jean Jacoby, a remporté le concours de peinture.” (« Les Jeux olympiques de la littérature », pages 220-221)