Œil pour œil et missile pour missile. Le Kremlin menace de mesures « symétriques » après que Londres, Paris, Washington puis Berlin ont autorisé l’Ukraine à utiliser leurs missiles pour frapper des cibles militaires sur le territoire russe.
Lors de sa première interview depuis le début de l’invasion de l’Ukraine avec des agences de presse internationales, dont cinq occidentales, Vladimir Poutine a estimé, mercredi soir, que Moscou pourrait envoyer en réponse « des armes du même type dans des régions du monde d’où des frappes peuvent être menées contre des sites sensibles » des Occidentaux.
Il n’a pas précisé à quels pays ou organisations Moscou pourrait fournir des missiles ni quelles seraient les cibles : territoires occidentaux eux-mêmes, navires ou bases loués à des alliés. On voit cependant mal qui aurait intérêt à de telles frappes de missiles à longue portée contre les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la France, sans parler des risques de représailles. Sauf peut-être les Houthis au Yémen, qui ciblent depuis des mois les pétroliers de la région.
Personnel militaire
Le dirigeant du Kremlin a ajouté que les pays qui autoriseraient l’Ukraine à frapper le territoire russe entreraient de facto en conflit avec la Russie, puisque les missiles à longue portée nécessitent, selon lui, le guidage des systèmes et du personnel occidentaux. Il convient toutefois de noter que tous les pays exportateurs déploient régulièrement, quoique discrètement, des militaires dans les pays clients pour les assister et les former à la maîtrise d’équipements sophistiqués.
Les exportateurs d’armes, dont la Russie est le deuxième mondial, avec comme principaux clients l’Inde, la Chine, l’Algérie, l’Égypte et le Vietnam, fournissent aussi nécessairement des armes et des munitions utilisées par leurs clients contre un pays tiers en cas de conflit, sans que Moscou ne soit considérée comme un belligérant au regard du droit international. Cependant, en raison de leur puissance et de leur portée, l’utilisation des missiles apparaît comme très sensible et il existe très peu d’exemples de pays en conflit ayant tiré des missiles fournis par des tiers au cours des dernières décennies…
Feu vert de Biden
Le président américain Joe Biden a donné il y a huit jours le feu vert à l’Ukraine pour utiliser les armes américaines contre des cibles en Russie, mais uniquement à proximité de la région ukrainienne de Kharkiv, à la frontière entre les deux pays. , où des missiles et des avions russes bombardent la deuxième ville d’Ukraine.
C’est Londres qui, début mai, avait fait le premier pas, présenté jusqu’alors comme une « ligne rouge » implicite que s’étaient fixée les Occidentaux. Comme autrefois la fourniture de canons, puis de chars, puis d’avions… Washington continue d’interdire à Kiev d’utiliser des systèmes d’une portée supérieure à 300 kilomètres contre le territoire russe, pour éviter une escalade. L’Ukraine a détruit le week-end dernier un système anti-aérien russe S300-400 dans la région de Belgorod avec un missile américain Himars.
Interrogé également sur le risque de guerre nucléaire, Vladimir Poutine a répondu que la doctrine russe autorisait le recours aux armes nucléaires en cas de menace à l’intégrité territoriale ou à la souveraineté du pays, conformément à ce qui était présenté et compris par les Occidentaux depuis des décennies. .
Doctrine nucléaire
“Pour une raison quelconque, l’Occident pense que la Russie ne l’utilisera jamais”, a-t-il déclaré. Nous avons une doctrine. Si les actions de quelqu’un menacent notre souveraineté et notre intégrité territoriale, nous considérons qu’il nous est possible d’utiliser tous les moyens à notre disposition. Cela ne doit pas être pris à la légère. » Ce qui laisse la question ouverte : une éventuelle reconquête par l’Ukraine de la Crimée, ou du Donbass, annexés respectivement par le Kremlin en 2014 et 2022, serait-elle considérée comme une atteinte à l’intégrité territoriale de la Russie ?