Et si l’Europe devenait enfin autonome en terres rares, ces 17 Ă©lĂ©ments peu concentrĂ©s dans la croĂ»te terrestre et indispensables Ă la transition Ă©cologique ? Si cet objectif est encore loin, il s’en rapproche avec l’annonce faite ce jeudi, par un groupe minier qui dit avoir dĂ©couvert le plus grand gisement d’Europe en Norvège. Selon Rare Earths Norway, le gisement Fensfeltet, dans le sud du pays, contient 8,8 millions de tonnes de ces Ă©lĂ©ments.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle annonce est faite. En janvier 2023, le groupe minier suĂ©dois LKAB annonçait avoir dĂ©couvert un gisement estimĂ© Ă un million de tonnes de terres rares dans la rĂ©gion de Kiruna, Ă l’ExtrĂŞme-Nord de la Suède.
« Il s’agit du plus grand gisement connu d’élĂ©ments de terres rares dans notre rĂ©gion du monde, et il pourrait devenir un Ă©lĂ©ment important pour la production des matières premières critiques, absolument cruciales pour la transition verte. » s’Ă©tait alors fĂ©licitĂ© le PDG du groupe public LKAB, Jan Moström, dans un communiquĂ© de presse.
Il n’en reste pas moins que la mise en service de cette mine n’est pas imminente. ” Un long chemin “ reste Ă couvrir avant sa mise en service, a prĂ©venu LKAB. Le PDG a ainsi indiquĂ© : « Nous prĂ©voyons qu’il faudra plusieurs annĂ©es pour Ă©tudier le gisement et les conditions d’une exploitation rentable et durable ». InterrogĂ© lors d’une confĂ©rence de presse en janvier 2023 sur la date prĂ©vue du premier premier coup de pioche, il a rĂ©pondu que cela dĂ©pendrait largement de la rapiditĂ© d’obtention des autorisations d’exploitation, prĂ©cisant que l’expĂ©rience montrait que cela prendrait probablement « entre 10 et 15 ans ».
Un défi majeur pour l’Europe
Ces gisements europĂ©ens sont d’autant plus importants que l’approvisionnement de ces Ă©lĂ©ments est menacĂ©. Len Chine en effet, a annoncĂ© en dĂ©cembre 2023 qu’elle allait arrĂŞter l’exportation d’une sĂ©rie de technologies liĂ©es Ă l’extraction des terres rares. Un tournant dans l’histoire du commerce mondial. En clair, sur fond de rivalitĂ© croissante avec les États-Unisl’Empire du Milieu privera ses partenaires commerciaux de plusieurs matĂ©riaux afin de dominer les enjeux de l’indĂ©pendance technologique.
Problème, globalement, la deuxième Ă©conomie mondiale contrĂ´le aujourd’hui environ les trois quarts de la production de ces terres rares. En 2022, la Chine extrayait 58 % de la production mondiale et raffinait 89 % des terres rares. Selon l’Agence internationale de l’Ă©nergie (AIEA), les besoins en technologies bas carbone, notamment pour les moteurs de vĂ©hicules Ă©lectriques ou les Ă©oliennes offshore, pourraient multiplier par sept la demande mondiale d’ici 2040, soit près de 2 millions de tonnes par an, contre 280 000 tonnes en 2022. .
Aussi, les pays occidentaux, notamment les États-Unis, mais aussi l’Union européenne (UE), considèrent de plus en plus l’approvisionnement en terres rares comme une question de sécurité nationale, d’autant plus que la transition énergétique mondiale alimente les craintes de potentielles pénuries à l’avenir.
L’Europe veut sécuriser son approvisionnement en métaux stratégiques
Le mĂŞme constat de trop grande dĂ©pendance Ă l’égard de la Chine est fait pour de nombreux mĂ©taux stratĂ©giques pour l’avenir de l’Europe. Dans cette perspective, leL’UE a approuvĂ© en novembre dernier un projet de règlement visant Ă sĂ©curiser l’approvisionnement en matières premières. Le règlement Ă©tablit une liste de 17 matières premières stratĂ©giques comme le cobalt, le nickel et l’aluminium pour lesquelles il fixe des objectifs chiffrĂ©s.
D’ici 2030, l’UE doit ĂŞtre capable, pour chacune de ces matières, d’assurer sur son territoire au moins 10 % des besoins en extraction, 40 % en transformation et 25 % en recyclage. Le règlement appelle Ă simplifier et Ă accĂ©lĂ©rer les procĂ©dures. Ainsi, le dĂ©lai d’octroi d’un permis ne devrait pas dĂ©passer 27 mois pour les projets d’extraction et 15 mois pour les projets de transformation et de recyclage.
Le texte stipule Ă©galement que l’UE ne doit pas dĂ©pendre d’un seul pays tiers pour plus de 65 % de ses besoins en chacune de ces matières premières. Par ailleurs, les grandes entreprises touchĂ©es par des risques de pĂ©nurie devront Ă©valuer rĂ©gulièrement ces risques pour leur chaĂ®ne d’approvisionnement.
Quelques heures après le vote, le commissaire europĂ©en chargĂ© de l’industrie, Thierry Breton, s’est fĂ©licitĂ© de l’accord sur ce projet. ” Des technologies vertes et numĂ©riques Ă la dĂ©fense et Ă l’aĂ©rospatiale, la demande en matières premières stratĂ©giques augmente rapidement », avait soulignĂ© le commissaire français. Outre le dĂ©veloppement de l’extraction sur son territoire, l’UE poursuivra « rechercher des partenariats mondiaux pour diversifier (ses) sources d’approvisionnement “. L’Union europĂ©enne entend Ă©tablir une coopĂ©ration avec les pays partenaires, notamment en Afrique, en AmĂ©rique latine et en AmĂ©rique du Nord.
(Avec l’AFP)