La philosophe Élisabeth Badinter, dans une lettre adressée à son rapporteur Olivier Falorni, dénonce l’exploitation de la position de son défunt mari sur la question de la fin de vie.
A la veille de l’ouverture des travaux de la commission spéciale chargée de préparer l’examen de la loi sur la fin de vie à l’Assemblée nationale, l’épouse de Robert Badinter souhaite rectifier certaines vérités. Dans une lettre adressée à son rapporteur, le député Olivier Falorni, et publiée ce dimanche par La Tribune dimanche Élisabeth Badinter réfute l’invocation des positions anti-euthanasie de son mari décédé par les opposants à l’élargissement de l’aide active à mourir. « S’il avait été parlementaire, Robert Badinter aurait soutenu ce texte »assure le philosophe.
Cette précision intervient au moment où Robert Badinter, figure de l’abolition de la peine de mort en France et décédé en février 2024, avait plusieurs fois appelé à la prudence sur la question de l’euthanasie au cours des dernières années de sa vie. Avant la mission de réévaluation de la loi Leonetti, l’ancien garde des Sceaux de François Mitterrand avait insisté sur le fait que “Personne ne peut prendre la vie d’autrui dans une démocratie”, et dénoncé « la fureur de légiférer pour répondre à l’appel des médias ».
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Des propos que ceux qui s’inquiètent de l’élargissement du champ autorisé par la loi Leonetti n’ont pas hésité à rappeler dans le cadre de la question de la fin de la vie, rapprochant ainsi la lutte contre la peine de mort et celle pour la protection de la vie. jusqu’à son dernier souffle. « J’ai pu constater que les propos de mon mari étaient utilisés, pour ne pas dire exploités, par les opposants à toute évolution législative sur ce sujet »a déploré Elisabeth Badinter dans sa lettre, adressée au député MoDem et Indépendants de Charente-Maritime très investi sur le sujet. « Mon mari n’a jamais assimilé l’aide médicale à mourir à la peine de mort »assure-t-elle.
« Savoir évoluer »
La philosophe révèle qu’en novembre 2021, son mari avait directement et personnellement exprimé son soutien à Olivier Falorni sur un texte qui visait à créer le droit à un « aide médicale active à mourir ». L’examen du projet de loi, présenté à l’époque par le député lors d’une niche parlementaire, n’a pu être achevé, stoppé par l’obstruction parlementaire de cinq députés LR qui avaient déposé quelque 2500 amendements.
Robert Badinter « avait réitéré sa position en ma présence auprès du ministre délégué chargé de l’Organisation du territoire et des professions de santé en septembre 2023 », insiste Élisabeth Badinter. Ainsi, reprendre les propos du promoteur de l’abolition à des fins critiques de l’évolution vers l’aide active à mourir est “une trahison de sa pensée et de sa mémoire”croit l’écrivain, puisqu’il a jugé cette évolution « acceptable et même souhaitable dans certaines circonstances et conditions précisément définies par la loi ».
“Cette lettre m’accompagnera tout au long du débat parlementaire”
S’exprimant à son tour lors d’une interview, le destinataire de la lettre salue les paroles de« une clarté absolue et une force incroyable ». “Cette lettre m’accompagnera tout au long du débat parlementaire”déclare l’élu La Tribune dimancheexpliquant qu’il avait lui-même demandé cet entretien évoqué par le philosophe à Robert Badinter, « pour vraiment savoir ce qu’il en pensait, car certains opposants à l’aide médicale à mourir (qui l’avaient parfois attaqué très violemment lorsqu’il était garde des Sceaux) revendiquaient la responsabilité de la combattre ». “Je n’oublierai jamais cette heure et demie d’entretien avec cet homme que j’admirais tant”, confie le rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le texte à partir de lundi.
Cette commission devra trancher d’innombrables questions sur un texte encore flou, avant les débats dans l’hémicycle prévus à partir du 27 mai. Avant d’aborder la plus grande réforme sociétale du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, la lettre d’Élisabeth Badinter lui donne raison, assure Olivier Falorni. , « encore plus de force et de détermination pour porter une grande et belle loi républicaine du progrès et de l’humanité ».