Une touche de théâtre et un coup de poker. Emmanuel Macron estime qu’il s’agit d’une « décision sérieuse, lourde », mais que c’est « avant tout un acte de confiance ». Le Chef de l’Etat a annoncé ce dimanche 9 juin au soir la dissolution de l’Assemblée nationale et donc, par conséquent, la tenue d’élections législatives anticipées qui auront lieu les 30 juin et 7 juillet.
Une annonce faite en pleine nuit électorale, quelques minutes après l’annonce de la large victoire du Rassemblement national aux élections européennes, loin devant la liste du camp présidentiel menée par Valérie Hayer.
Emmanuel Macron entend « redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote ». “Notre volonté en procédant à la dissolution est de rechercher une majorité pour avoir une action forte au service des Français”, a déclaré l’entourage de l’Élysée à BFMTV.
« Nous y allons pour gagner », assure-t-on.
Pas de majorité à l’Assemblée nationale
« Nous assistons à un désordre parlementaire qui rend difficile d’agir : aller vers un moment de clarification », poursuit cette même source.
Depuis les élections législatives de 2022, après la réélection d’Emmanuel Macron, le chef de l’Etat cherche à élargir la majorité à l’Assemblée nationale. En fait, le camp présidentiel ne dispose plus de majorité absolue. Il y a bien eu des majorités sur le texte, mais toute tentative de rassembler un bloc, que ce soit avec des députés LR ou avec une partie de la gauche, a échoué.
Si cela ne fonctionne pas par des discussions ou des alliances au sein de la Chambre : est-ce que cela peut fonctionner avec une dissolution ?
“C’est une dissolution qui est effectivement un risque politique”, concède l’ancien ministre Clément Beaune, “mais l’autre risque politique, c’était qu’on se retrouve coincés dans une sorte de cabotage politique pendant trois ans avec probablement une montée de “l’extrême droite qui ont été indéductibles ».
Un rétrécissement de la base du macronisme
Le secrétaire général de Renaissance Stéphane Séjourné a affirmé que le camp présidentiel « donnera l’investiture » à des députés sortants « faisant partie du champ Républicain » et souhaitant « s’investir dans un projet clair » autour de la majorité présidentielle… Rien n’assure que le PS ou LR l’acceptera.
D’autant que la chute de la liste de Valérie Hayer par rapport au score d’il y a cinq ans (22,42%) indique un rétrécissement de l’assise du macronisme. François Bayrou juge toutefois “courageuse” la décision d’Emmanuel Macron. “Bien sûr que c’est un risque”, dit-il, estimant que le président laisse le pays “face à son moment de vérité” en se demandant s’il se reconnaît “dans cette extrême droite”.
Les candidats de la majorité présidentielle pourraient par ailleurs bénéficier d’une éventuelle fragmentation de la gauche, alors que ces nouvelles élections législatives auront lieu seulement trois semaines après la fin d’une campagne européenne dans laquelle se sont manifestés les différents camps de gauche. particulièrement divisé.
L’extrême droite au pouvoir ?
Le pari est d’autant plus risqué pour Emmanuel Macron qu’il s’agit d’une situation totalement inédite. L’extrême droite a obtenu un score historique et, alors que les électeurs ont sanctionné le camp présidentiel, ce dernier les appelle à nouveau aux urnes.
Le Rassemblement national est pour sa part visiblement dans les starters : « Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous font confiance lors de ces futures élections législatives », a lancé Marine Le Pen au lendemain de l’allocution présidentielle.
Une question demeure : les Français qui ont voté, en partie, en protestation ce dimanche contre Emmanuel Macron, se comporteront-ils de la même manière avec l’hypothèse, au final, d’un Jordan Bardella ou d’une Marine Le Pen comme Premier ministre ?
Sous la Ve République, outre les dissolutions lors de l’arrivée au pouvoir des présidents, deux autres furent convoquées. L’une a fonctionné en 1968 lorsque le général De Gaulle a obtenu la majorité à l’Assemblée nationale. Un autre échec en 1997, avec Jacques Chirac et la victoire de la gauche plurielle.
Article original publié sur BFMTV.com