Vote de sanction ou vote de conviction ? Ces derniers mois, alors que la campagne européenne battait son plein, les cadres du Rassemblement national surfaient sur le sentiment anti-Macron. Vendredi 7 juin, au micro de RMC-BFMTV, la tête de liste Jordan Bardella a appelé carrément à « voter contre Emmanuel Macron » en soutenant son camp.
L’opposition au gouvernement a-t-elle Ă©tĂ© le seul moteur du vote d’extrĂŞme droite, explication du record de 31,47% des voix accordĂ©es au RN, selon les chiffres publiĂ©s ce lundi 10 juin par le ministère de l’IntĂ©rieur ? Les politologues sont divisĂ©s.
« On voit bien que, dans des proportions jamais Ă©galĂ©es jusqu’Ă prĂ©sent, le Rassemblement national a captĂ© la colère des Ă©lecteurs, y compris de ceux qui traditionnellement ne votaient pas pour lui jusqu’Ă prĂ©sent », estime Bernard Sananès, le directeur de l’institut de sondage Elabe.
Mais il explique sur BFMTV que d’autres moteurs que la simple opposition ont pu expliquer cette dynamique : “la peur migratoire”, “la peur du dĂ©classement et la thĂ©matique du pouvoir d’achat”, mais aussi le sentiment que “le dĂ©règlement climatique pousse trop loin la transition Ă©cologique”. » aux yeux de certains Ă©lecteurs.
L’immigration a motivĂ© le vote de 79% des Ă©lecteurs RN
Au cours de sa campagne, Jordan Bardella a effectivement proposĂ© ses rĂ©ponses Ă plusieurs de ces prĂ©occupations. CĂ´tĂ© sĂ©curitĂ©, il a notamment proposĂ© de restreindre la libre circulation dans l’espace Schengen aux seuls ressortissants des pays membres. Par crainte d’une Ă©cologie dite « punitive », il a proposĂ© l’abrogation de l’interdiction de vente de voitures thermiques d’ici 2035.
Des points qui font mouche ? Un sondage Ipsos pour les mĂ©dias de service public rĂ©vĂ©lĂ© lundi montre que le “pouvoir d’achat” et “l’immigration” Ă©taient deux des trois thèmes qui ont motivĂ© les Ă©lecteurs lors du choix de leur liste. Troisième Ă©tape, « la protection de l’environnement » puis « la place de l’Europe ».
Plus spĂ©cifiquement pour le RN – mais aussi pour ReconquĂŞte – les trois principaux sujets dĂ©terminants Ă©taient l’immigration (79%), suivi du pouvoir d’achat (61%) et enfin la sĂ©curitĂ© des biens et des personnes (31%).
« La France est sans doute l’un des pays les plus touchĂ©s par la vague nationaliste », analyse Pascal Perrineau, politologue Ă Sciences Po, auprès de l’Agence France Presse. “Alors que la droite classique est très fragilisĂ©e, le Rassemblement national a repris le flambeau” au sujet de “l’identitĂ©”.
Vers de nouvelles avancées dans les élections législatives ?
Après un revers aux Ă©lections europĂ©ennes, Emmanuel Macron a convoquĂ© de nouvelles Ă©lections lĂ©gislatives. Un pari fou ? Le Rassemblement national pourrait rĂ©itĂ©rer l’exploit, portĂ© par les mĂŞmes thĂ©matiques, dont celle du « vote utile », comme l’explique Luc Rouban, politologue et membre du Centre de recherches politiques de Sciences Po.
Elle a pu une nouvelle fois aussi compter sur les nouveaux publics attirés lors des élections européennes, à savoir les retraités, où le RN faisait jeu égal avec Renaissance, mais aussi les cadres et certains citadins.
“Le Rassemblement national dispose encore d’Ă©normes rĂ©serves de voix. Les milieux populaires s’abstiennent beaucoup (aux Ă©lections europĂ©ennes), et votent beaucoup Ă l’extrĂŞme droite”, analyse de son cĂ´tĂ© RĂ©mi Lefebvre, professeur de sciences politiques Ă l’universitĂ© de Lille.
Toutefois, le flou demeure. Comme le souligne le directeur d’Elabe, « une (Ă©lection) europĂ©enne ne peut pas ĂŞtre transfĂ©rĂ©e Ă une lĂ©gislative ». Une Ă©tude Ipsos rĂ©vĂ©lĂ©e par l’Obs en mars dernier accordait pourtant jusqu’Ă 300 sièges au Rassemblement national, soit une majoritĂ© absolue. Pour ce parti comme pour les autres, il faudra rĂ©ussir Ă (re)mobiliser rapidement, dans une campagne aux allures de sprint de trois semaines.
Article original publié sur BFMTV.com