L’examen du texte, entamĂ© en avril, s’est brutalement arrĂŞtĂ© avec la dĂ©cision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’AssemblĂ©e nationale. L’avenir de cette « grande loi sociale » est dĂ©sormais incertain, suspendu aux rĂ©sultats des Ă©lections lĂ©gislatives anticipĂ©es.
C’est l’une des nombreuses consĂ©quences de la dissolution de l’AssemblĂ©e nationale. L’examen du projet de loi sur la fin de vie, qui Ă©tait prĂ©vu jusqu’au 18 juin, a Ă©tĂ© suspendu dimanche 9 juin. Et pour cause : les dĂ©putĂ©s ne retrouveront les bancs du Palais Bourbon qu’après les Ă©lections lĂ©gislatives anticipĂ©es prĂ©vues le 9 juin. 30 juin et 7 juillet. Pour que le texte soit rĂ©examinĂ©, il faudra qu’il soit remis Ă l’ordre du jour après le vote du gouvernement.. Une hypothèse incertaine, qui dĂ©pendra de la composition de l’AssemblĂ©e.
Dans l’Ă©tat actuel, le projet de loi examinĂ© en première lecture rĂ©servait l’aide Ă mourir aux personnes de plus de 18 ans, françaises ou rĂ©sidant en France. Ils ont dĂ» souffrir « affection grave et incurable, mettant en jeu le pronostic vital, en phase avancĂ©e ou terminale »ces dernières provoquant des souffrances physiques ou psychologiques rĂ©fractaires ou insupportables. Ceux qui souhaitaient en bĂ©nĂ©ficier doivent Ă©galement pouvoir exprimer leurs volontĂ©s de manière libre et Ă©clairĂ©e, les dĂ©putĂ©s ayant exclu la possibilitĂ© d’inclure le recours Ă l’aide Ă mourir dans les directives anticipĂ©es. Ils ont Ă©galement supprimĂ© la possibilitĂ© donnĂ©e Ă un tiers d’administrer la substance mortelle. Si le dossier est rouvert, les nouveaux dĂ©putĂ©s devront nĂ©anmoins se pencher sur l’intĂ©gralitĂ© du texte, en commission puis en hĂ©micycle, la dissolution annulant le travail dĂ©jĂ effectuĂ©.
Parmi les partisans du texte, la dĂ©sillusion est palpable. « La fin brutale de ce qui allait ĂŞtre la grande loi sociale de cette dĂ©cennie est une grande dĂ©ception »reconnaĂ®t ainsi Olivier Falorni, le rapporteur gĂ©nĂ©ral du projet de loi. “Je crains fortement que l’examen soit interrompu pendant une longue pĂ©riode”souffle le dĂ©putĂ© sortant MoDem, alors que le Rassemblement national, majoritairement hostile au projet de loi, part favori des Ă©lections lĂ©gislatives anticipĂ©es. Si l’extrĂŞme droite remporte les Ă©lections, “ce sera la fin de la loi sur la fin de vie, très clairement”. Si la majoritĂ© garde le contrĂ´le de l’AssemblĂ©e, le texte restera-t-il parmi les prioritĂ©s parlementaires ? « Très sincèrement, l’enjeu des trois prochaines semaines, c’est d’être solidaires. Ensuite, l’avenir de la loi dĂ©pendra du rĂ©sultat des Ă©lections »balaie le rapporteur, alors que la Charente-Maritime, oĂą il a Ă©tĂ© Ă©lu, a largement approuvĂ© la liste conduite par Jordan Bardella.
« Toutes ces semaines d’auditions, de dĂ©bats Ă l’AssemblĂ©e, rĂ©duites Ă nĂ©ant ! C’est une violence absolue »dĂ©plore Ă©galement Jean-Luc RomĂ©ro-Michel, prĂ©sident d’honneur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignitĂ© (ADMD).
“C’est l’un des plus gros coups que nous ayons connu, après avoir eu l’espoir fou de voir cette loi rĂ©ussir, mĂŞme si ce n’est pas celle que nous aurions souhaitĂ©.”
Jean-Luc RomĂ©ro-Michel, prĂ©sident d’honneur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignitĂ©sur franceinfo
« La question de la fin de la vie ne mĂ©ritait-elle pas d’attendre la fin de l’examen de ce texte ? (pour dissoudre l’AssemblĂ©e) ?” » demande de son cĂ´tĂ© la dĂ©putĂ©e Ă©cologiste sortante Sandra Regol, déçue de voir le texte « jetĂ© Ă la poubelle ». “Il y a beaucoup de dĂ©ception”ajoute Martial Breton, l’un des participants Ă la Convention citoyenne sur la fin de vie, contactĂ© par l’AFP.
Les patients, directement concernĂ©s par ce projet de loi, ont Ă©galement vu leurs espoirs balayĂ©s. « Je suis vraiment dĂ©solĂ© de voir ce projet reportĂ© », raconte Martine, dont le cancer du sein s’est Ă©tendu au reste du corps en janvier, et qui avait confiĂ© Ă franceinfo son espoir de voir le texte adoptĂ©. Elle ajoute : “Cette dĂ©cision politique est très brutale et ne tient aucun compte du bien commun.” Pour Chris, qui souffre d’un cancer du pancrĂ©as depuis trois ans, la nouvelle est “difficile Ă vivre”. AgĂ©e de 80 ans, la femme qui a entamĂ© lundi sa 78e cure de chimiothĂ©rapie n’a pas souhaitĂ© recourir Ă l’aide mĂ©dicale Ă mourir : “CONTRE“C’est mon choix personnel, mais je veux que les autres puissent faire ce qu’ils veulent.” Aux Ă©lections lĂ©gislatives, elle sera attentive aux positions des candidats de sa circonscription du RhĂ´ne sur ce sujet.
“J’aurais du mal Ă voter pour quelqu’un qui s’oppose au projet de loi tel qu’il a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©.”
Chris, patient atteint d’un cancer du pancrĂ©assur franceinfo
Dans le corps mĂ©dical, ce revirement est aussi un coup dur. « Depuis des annĂ©es, on nous dit que la loi sur la fin de vie n’est pas le bon moment. (…) Pour une fois, nous avions une porte entrouverte. Alors que la loi Ă©tait sur le point d’aboutir, malheureusement, cette dissolution de l’AssemblĂ©e bloque le processus. », a regrettĂ© Denis Labayle, mĂ©decin et coprĂ©sident de l’association Le Choix, sur France Inter. S’adressant Ă franceinfo, François Blot, mĂ©decin rĂ©animateur Ă l’Institut Gustave-Roussy, craint le scĂ©nario d’un “pire”, ce est-Ă -dire “un changement de Premier ministre et le texte mis dans un tiroir”. Mais reprendre le contrĂ´le parlementaire Ă partir de zĂ©ro serait Ă©galement une « terrible chagrin » pour certains patients, qui manquent de temps. « Il y a des patients en fin de vie qui espĂ©raient en bĂ©nĂ©ficier dans les mois Ă venir »de la lĂ©galisation de l’aide Ă mourir, souligne François Blot.
Du cĂ´tĂ© de ceux qui combattent le texte, les “satisfaction” est appropriĂ©. “Je ne pense pas que cela sera reportĂ© tout de suite”affirme Patrick Hetzel, le dĂ©putĂ© rĂ©publicain sortant, opposĂ© comme la majoritĂ© de sa famille politique Ă l’aide mĂ©dicale Ă mourir. “Et avec les navettes parlementaires nĂ©cessaires sur un texte comme celui-ci”mĂŞme s’il parvient enfin Ă trouver une majoritĂ©, ce ne sera pas avant « 2026 ou plus ». “Je ressens une forme de soulagement” acquiesce Claire Fourcade, vice-prĂ©sidente de la SociĂ©tĂ© française d’accompagnement et de soins palliatifs, longtemps opposĂ©e Ă l’euthanasie. “Ce texte allait dans un sens qui ne nous semblait pas ĂŞtre le bon”elle croit. Ce dernier compte profiter du temps que lui offrent les Ă©lections lĂ©gislatives pour poursuivre « pour s’adresser Ă tous ceux qui souhaitent en savoir plus sur notre opposition Ă l’aide mĂ©dicale Ă mourir ».
En revanche, le mĂ©decin espère que “la question du dĂ©veloppement des soins palliatifs” ne restera pas lettre morte, considĂ©rant qu’un “consensus” a Ă©tĂ© atteint. Avant la suspension des dĂ©bats, les dĂ©putĂ©s consacraient en effet, contre l’avis du gouvernement, une « droit exĂ©cutoire » soins palliatifs, alors qu’une personne sur deux n’y a pas accès aujourd’hui. Un souhait partagĂ© par Patrick Hetzel :
« Les soins palliatifs et la question de la dépendance me semblent prioritaires par rapport à l’aide à mourir.
Patrick Hetzel, député Républicain opposé au projet de loisur franceinfo
Pour d’autres opposants au projet de loi, le dĂ©lai supplĂ©mentaire n’équivaut pas Ă une victoire. « La boĂ®te de Pandore est ouverte, il faut aller au bout de la discussion maintenant »estime François Braun, ancien ministre de la SantĂ©, qui n’a pas cachĂ© ses rĂ©serves sur l’aide Ă mourir lorsqu’il Ă©tait encore au gouvernement. « Reporter Ă nouveau la discussion reviendrait Ă rouvrir ces dĂ©bats. »