Début avril, un mercredi, Ludovic Boespflug fermait les portes de l’usine de Sevran, en Seine-Saint-Denis, sans savoir quand elles rouvriraient. Le lendemain, le tribunal de commerce prononce la liquidation judiciaire. Trois semaines plus tard, trois lignes étaient publiées sur LinkedIn. « L’usine Cycle Terre a malheureusement dû fermer ses portes le 10 avril dernier. Pour des raisons essentiellement conjoncturelles, techniques et financières, l’usine n’était plus en mesure d’assurer sa mission. »
« Un projet qui avait du sens… Un investissement de 4,9 millions d’euros par l’Europe, 200 000 euros par la région… et ce simple message pour finir l’histoire ??? », réagit un retraité. Sur Instagram, une avalanche de smileys en larmes, nombreux à demander comment aider. « On parle de 500 000 euros ? Qu’est-ce que cela représente par rapport au prix d’un stand au Mipim ? (le salon de l’immobilier) ? »soupire l’architecte Nicola Delon, co-fondatrice de l’agence Encore Heureux et qui cherche une réponse collective “pour sauvegarder cet outil nécessaire”.
La déception est à la hauteur des espoirs suscités lors de l’inauguration de l’atelier, en novembre 2021. Le bâtiment, dont les grandes fenêtres donnent sur les arbres du parc voisin, est splendide. C’est avant tout le fleuron d’une communauté qui cherche des alternatives à tout béton et voit dans la terre crue, un matériau local, réutilisable à l’infini, universel – « avec l’eau, la terre est l’un des rares biens communs partagés par tous »rappelle M. Delon – une solution aux deux grands maux de la construction : l’émission de gaz à effet de serre et la production excessive de déchets.
Les ressources ne manquent pas
L’idée est séduisante : avec les terres excavées du Grand Paris, on produirait des briques, des enduits et des mortiers. Avec cela, nous construirions des écoles, des médiathèques, des logements. Les ressources ne manquent pas. Le nouveau métro, le Grand Paris Express, devra à lui seul enlever 47 millions de tonnes de terre. Soit 27 centimètres de plus à répartir sur toute l’Ile-de-France.
Les 5 000 forages réalisés tout au long des 200 kilomètres du parcours offrent une occasion unique de connaître la nature des sols. L’idée a fait son chemin puisque les architectes Paul-Emmanuel Loiret et Serge Joly ont exposé, fin 2016, au Pavillon de l’Arsenal, leurs réflexions sur le potentiel des déchets de chantier. Les échantillons sont envoyés au laboratoire CRAterre de Grenoble, référence en la matière. L’année suivante, le Chinois Wang Shu (Prix Pritzker 2012) et l’aménageur Quartus sont sélectionnés pour réaménager le quartier de l’usine d’eau à Ivry, dans le Val-de-Marne. Les bâtiments seront en bois et en terre crue, annoncent-ils. C’est le déclencheur. Vous avez besoin de briques ; Cycle Terre les produira. L’Union européenne adhère et paie 5 millions‘euros.
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