EEmmanuel Macron, Mallarmé en politique ? On se souvient qu’en 1897 le poète avait publié Un coup de dés n’abolira jamais le hasard. Impénétrable à la première lecture, le texte apparaît comme un éloge de la contingence. Jamais sa traduction dans l’espace politique n’a paru aussi évidente. Jamais ? Même. Une chose est sûre : la multiplication des commentaires accompagnant l’annonce du soir du président de la République documente ce qu’une dissolution de l’Assemblée nationale prononcée sans coup férir dit du fonctionnement démocratique et des sens qui lui sont donnés. Il n’avait qu’à écouter les réactions où le « coup de tonnerre » rivalisait avec « l’étourdissement » pour mesurer ce qu’est aussi l’espace politique : un cadre où l’échange de coups fait partie du lexique et des propriétés des professionnels politiques.
Réduire la dissolution du 9 juin à la seule tactique d’un président de mi-mandat confronté à une « démocratie de méfiance » et jouant ses cartes dans sa foulée ne peut cependant pas rendre compte de ce qu’est une dissolution : moins un événement, si par là on signifie une « rupture d’intelligibilité », plutôt qu’une pratique banalisée du pouvoir.
Article 12 de la Constitution du 4 octobre 1958 (qui permet au Président de la République de dissoudre l’Assemblée Nationale) a été mis en place au prix de nombreuses transactions. Après que le général de Gaulle ait conditionné la question de l’autonomie du pouvoir présidentiel à un droit de dissolution, de surcroît sans contreseing. Et, même si cette disposition ne bénéficiera probablement pas de la reconnaissance publique du fameux 49.3, il y a fort à parier que son audience sera décuplée en fonction du verdict électoral des prochaines législatives.
On l’aura également remarqué : peu d’acteurs notent que le recours à l’article 12 pourrait aussi être un jalon dans une réflexion sur les formes institutionnelles d’une démocratie rénovée. C’est plutôt le timing choisi qui conditionne les critiques : des élections intermédiaires que certains colorent soudain d’européanité pour disqualifier la décision présidentielle, alors que la plupart des Français se sont exprimés sur des questions essentiellement françaises. Et plus encore, les résultats à venir. Rien que du très courant.
Proscrit sous la Révolution française
Conçue et perçue comme une technique de relégitimation du pouvoir, une « arme politique » avant d’être un des dispositifs de la palette démocratique (au même titre que le référendum), la dissolution est aussi un outil de politisation. La plus récente, celle de 1997, qui a vu Jacques Chirac s’en emparer et proposer à la gauche battue deux ans plus tôt de commuer sa défaite en « surprise électorale », ne lui a guère échappé.
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