Le prĆ©sident de la Commission europĆ©enne est membre du mĆŖme parti europĆ©en que Les RĆ©publicains. FranƧois-Xavier Bellamy, la tĆŖte de liste LR, refuse cependant de le soutenir dans la campagne pour sa rĆ©Ć©lection.
Sa silhouette plane sur les Ć©lections europĆ©ennes du 9 juin. Mais en France, personne ne semble vouloir parler d’elle. La prĆ©sidente de la Commission europĆ©enne, Ursula von der Leyen, qui a lancĆ© le 19 fĆ©vrier en campagne pour sa rĆ©Ć©lectionEst Ā«sans doute le prĆ©sident de la Commission le plus connu depuis Jacques DelorsĀ»souligne auprĆØs de franceinfo SĆ©bastien Maillard, conseiller spĆ©cial et ancien directeur de l’Institut Jacques-Delors.
Durant son mandat, l’Allemande de 65 ans s’est notamment illustrĆ©e par la mise en Åuvre du Green Deal, qui vise la neutralitĆ© carbone de l’Union europĆ©enne (UE) en 2050, l’achat en commun de vaccins contre le Covid-19 et sa dĆ©fense. de l’Ukraine contre l’invasion rutiliser. EElle est cependant parfois critiquĆ©e pour sa pratique verticale du pouvoir et agace les Ćtats membres, comme lors de son voyage en IsraĆ«l aprĆØs le dĆ©but de la guerre avec le Hamas en octobre 2023. Ā« Bien sĆ»r, il se cache lui-mĆŖme, mais dans un sens, il donne aussi un visage Ć lāUE Ā»tempĆØre SĆ©bastien Maillard.
Ā« Elle nāa pas menĆ© la politique que nous souhaitions Ā»
MalgrĆ© sa notoriĆ©tĆ©, la cheffe de l’exĆ©cutif est pour l’instant largement absente de la campagne europĆ©enne en France. La faute, entre autres, au dĆ©senchantement de ceux qui pourraient ĆŖtre ses soutiens naturels. Y compris sa propre famille politique. La nomination d’Ursula von der Leyen comme candidate par le Parti populaire europĆ©en (PPE, centre droit), le 7 mars Ć Bucarest (Roumanie), n’a pas Ć©tĆ© soutenue par Les RĆ©publicains (LR), dont les Ć©lus siĆØgent pourtant dans ce groupe. Pour le patron du parti, Eric Ciotti, elle incarne mĆŖme Ā« la dĆ©rive technocratique de lāEurope Ā».
Ā« Elle nāa pas menĆ© la politique que nous souhaitions Ā»justifie l’eurodĆ©putĆ© LR Geoffroy Didier auprĆØs de franceinfo, citant notamment “la loi de la restauration de la nature” et le Ā« pacte asile et migration Ā» comme mesures prohibitives. Par dessus tout, Ā« elle sāest laissĆ©e influencer par la Renaissance et les groupes socialistes qui lui ont tout imposĆ© Ā»peste le secrĆ©taire gĆ©nĆ©ral adjoint de LR.
Peu importe si, en l’absence de majoritĆ© au Parlement europĆ©en, les groupes du centre, de gauche et de droite sont obligĆ©s de s’entendre pour adopter des textes. Au-delĆ des dĆ©saccords politiques, la racine du problĆØme rĆ©side dans un pĆ©chĆ© originel, selon les Ć©lus LR : le nom d’Ursula von der Leyen aurait Ć©tĆ© dictĆ© par Emmanuel Macron. Ā« Elle nāĆ©tait pas candidate du PPE en 2019, mais Emmanuel Macron lāa imposĆ©e, donc on ne peut pas nous accuser de faire volte-face Ā»fait valoir Othman Nasrou, le directeur de la campagne europĆ©enne pour LR, interrogĆ© par franceinfo.
La cible prƩfƩrƩe des eurosceptiques
L’origine de la dispute ? Ursula von der Leyen ne faisait pas partie des Spitzenkandidaten en 2019. DerriĆØre ce mot allemand, traduisible par Ā« dirigeants Ā», se cache un processus de nomination inaugurĆ© en 2014 qui veut que le Conseil europĆ©en (c’est-Ć -dire la rĆ©union des chefs d’Ćtat et de gouvernement) choisisse le prĆ©sident de la Commission parmi les dirigeants dĆ©signĆ©s par le grands partis europĆ©ens. Ce principe n’est cependant pas gravĆ© dans le marbre et le traitĆ© de Lisbonne impose seulement au Conseil de Ā« tenir compte des rĆ©sultats des Ć©lections Ā».
A l’issue du scrutin de 2019, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, les dirigeants des Vingt-Huit ont ainsi refusĆ© de dĆ©signer l’Allemand Manfred Weber, pourtant dĆ©signĆ© comme candidat par le PPE, arrivĆ© en tĆŖte. Le choix d’une personnalitĆ© qui n’avait pas fait campagne avait irritĆ© les dĆ©putĆ©s europĆ©ens, qui avaient seulement adoubĆ© Ursula von der Leyen seulement par une trĆØs petite majoritĆ© en juillet 2019.
Depuis sa nomination surprise, la prĆ©sidente de la Commission est l’une des cibles favorites des eurosceptiques. Le Rassemblement national l’accuse frĆ©quemment d’ĆŖtre illĆ©gitime. “Elle n’est pas Ć©lue au suffrage direct, elle incarne tout ce qu’on critique”confie le porte-parole du Rassemblement national GaĆ«tan Dussausaye sur franceinfo. Un discours qui n’est pas si Ć©loignĆ© de celui tenu par les Ć©lus LR. Ā« Les FranƧais ont lāimpression quāune personnalitĆ© non franƧaise, non Ć©lue, quāils ne connaissent pas, impose ses vues partout en Europe Ā», explique Geoffroy Didier. Alors qu’il culmine Ć 7 % dans les sondages, le parti se situe loin derriĆØre le RN et Renaissance. Ā« Les RĆ©publicains “Nous jouons pour notre survie avec ces Ć©lections, ĆŖtre contre Ursula von der Leyen leur permet de se dĆ©marquer dans la campagne”juge SĆ©bastien Maillard.
Le candidat de Macron ?
La tĆŖte de liste LR, FranƧois-Xavier Bellamy, ne manque pas une occasion d’affirmer que le prĆ©sident de la Commission est, selon lui, Ā« Le candidat d’Emmanuel Macron Ā». Est-ce le cas ? “Elle n’est pas plus la candidate du prĆ©sident franƧais que d’un autre chef d’Etat europĆ©en”, rĆ©pond l’eurodĆ©putĆ©e Renaissance Nathalie Loiseau, qui rappelle l’importance Ā«Ā dĆ©passement politique des institutions europĆ©ennesĀ Ā».
“Ce n’est pas notre problĆØme, mais celui du PPE”renchĆ©rit une responsable de campagne de la tĆŖte de liste Renaissance ValĆ©rie Hayer, tout en prĆ©cisant qu’elle ne veut pas “tirer sur (Ursula von der Leyen) alors qu’elle mettait en Åuvre bon nombre des propositions franƧaises”. “Nous partons du principe que nous avons votĆ© pour elle il y a cinq ans, elle fait des choses trĆØs louables, comme le plan de relance ou le Green Deal, mĆŖme si nous ne sommes pas d’accord sur d’autres choses”ajoute Nathalie Loiseau.
Mais contrairement Ć 2019, le groupe centriste Renew a dĆ©cidĆ© de ne nommer aucun candidat. Spitzenkandidat pour 2024, mais trois reprĆ©sentants, rapporte Euractiv. Une maniĆØre de laisser la porte ouverte Ć un soutien de la Renaissance au leader allemand ? Face Ć d’autres dirigeants franƧais, ValĆ©rie Hayer se retrouve frĆ©quemment Ć dĆ©fendre les textes adoptĆ©s ces cinq derniĆØres annĆ©es. “Nous n’avons cependant pas l’intention de faire un chĆØque en blanc Ć Ursula von der Leyen, mais nous ne la rejetterons pas a priori”explique Nathalie Loiseau, qui Ć©voque les discussions aprĆØs le 9 juin. Un non-choix qui aboutit Ā« Le refus d’Emmanuel Macron de permettre Ć une tĆŖte de liste de parti de prĆ©sider automatiquement la Commission Ā»souligne SĆ©bastien Maillard.
Un exercice dāĆ©quilibriste
Cette rĆ©ticence des partis franƧais pourrait-elle mettre en danger un second mandat d’Ursula von der Leyen, si le PPE arrive en tĆŖte, comme le prĆ©disent les sondages ? Du cĆ“tĆ© du Conseil, l’hyperactivitĆ© des Allemands, “qui s’aventure parfois un peu trop sur le terrain des chefs d’Etat, pourrait ĆŖtre critiquĆ©”prĆ©vient SĆ©bastien Maillard. “Il est dĆ©jĆ affaibli au Conseil, il n’aura pas de majoritĆ© au Parlement”prĆ©dit de son cĆ“tĆ© Othman Nasrou. “La probabilitĆ© qu’elle soit nommĆ©e est encore Ć©levĆ©e, car elle n’a pas de rivale sĆ©rieuse”tempĆØre le spĆ©cialiste.
Tout dĆ©pendra du soutien de sa propre famille politique, de plus en plus rĆ©ticente envers le Green Deal. Force est de constater que comparĆ©s aux dizaines d’Ć©lus allemands, polonais et espagnols du PPE (qui le soutiennent toujours), les huit Ć©lus LR n’ont pas beaucoup de poids. Ā« Ils risquent surtout de se marginaliser en interne et de perdre toute influence Ā», constate SĆ©bastien Maillard. Ursula von der Leyen devra Ć©galement solliciter des voix en dehors du PPE, puisque le parti de droite ne semble pas en mesure de remporter la majoritĆ© absolue.
Consciente des risques, Ursula von der Leyen reste discrĆØte, contrainte de mener un exercice d’Ć©quilibriste en promettant moins de mesures climatiques sans renier son bilan, note Politico. Ā« Elle ne doit pas offenser ses pairs du Conseil Ā»prĆ©cise SĆ©bastien Maillard, tout en assurant obtenir une majoritĆ© au Parlement europĆ©en aprĆØs le 9 juin. Ā«C’est une ligne de crĆŖte difficile Ć manÅuvrerĀ»souligne le spĆ©cialiste des affaires europĆ©ennes.