Les bars autour du siège de la BBC à Oxford Circus, dans le centre de Londres, regorgent d’activité en ce moment, avec des boissons de départ lancées par des journalistes de longue date qui quittent la société. Cela fait trois ans que les plans de restructuration se succèdent, et le nombre d’employés a déjà été réduit de 1 800 personnes (ce qui porte le total à 17 700, dont 5 500 journalistes). À l’automne 2023, même les programmes phares jusqu’alors intouchables ont été touchés, avec des coupes imposées sur le grand journal du soir, “Newsnight”, et sur l’émission d’investigation “Panorama”, l’équivalent de notre “Envoyé spécial”.
Le 26 mars, Tim Davie, le directeur général des médias publics britanniques (télévision, radio et site Internet), a rappelé dans un grand discours la crise financière de son groupe. « Le budget a été réduit de 30 % en termes réels entre 2010 et 2020. »
Durant cette décennie, les gouvernements conservateurs successifs ont imposé soit un gel de la cotisation, soit une augmentation inférieure à l’inflation, tout en supprimant des enveloppes spécifiques consacrées notamment au Service Mondial (programmes internationaux) et à l’aide aux personnes âgées pour payer la taxe. Un plan d’économies de 500 millions de livres sterling (585 millions d’euros) par an est en cours, et M. Davie annonce qu’il faudra y ajouter 200 millions de livres.
« Une approche à courte vue »
Normalement, une telle réduction budgétaire aurait déjà été douloureuse. Mais cela intervient alors que le monde de la télévision connaît une transformation historique, avec la concurrence des plateformes de streaming, comme Netflix, et des réseaux sociaux. En 2022, selon l’Ofcom, le régulateur britannique des télécommunications, les Britanniques regardaient en moyenne quatre heures et demie de vidéo par jour, dont seulement deux heures de télévision en direct.
Pour les moins de 25 ans, le temps passé devant la télévision a été divisé par trois en une décennie, pour atteindre une quarantaine de minutes par jour en 2022. Chez les plus âgés, la tendance à la baisse s’est également amorcée il y a deux ans. « Retirer de l’argent à la BBC pendant cette période était une approche particulièrement à courte vue »critique M. Davie.
Dans ces circonstances, la Société résiste. Il reste, de loin, le média le plus lu, écouté ou regardé au Royaume-Uni, avec près de 90 % des adultes britanniques l’utilisant chaque semaine. Dans le monde, 450 millions de personnes font de même (y compris ses versions en 41 langues étrangères), ce qui en fait la première marque média anglophone au monde. « Le public britannique passe plus de temps à regarder la BBC et iPlayer (sa plateforme de vidéo à la demande) que toutes les plateformes de streaming réunies »souligne M. Davie.
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