A la Fondation Beyeler de Bâle, le peintre américain Wayne Thiebaud, au-delà du pop art
Cette exposition est une découverte pour beaucoup, dont nous. En Europe, on a vaguement entendu parler de Wayne Thiebaud (1920-2021). Ceux qui suivent les ventes aux enchères d’art contemporain à New York voient passer rituellement l’un de ses tableaux. Habituellement, des tranches de gâteau bien alignées, un gâteau de mariage ou deux, ou quelques-unes de ces pâtisseries américaines qui font monter le taux de cholestérol rien qu’en les regardant. D’autres ont eu la chance de voir l’une des nombreuses expositions que lui consacrent les musées outre-Atlantique, comme les rétrospectives au Whitney Museum en 1971 et 2001, ou la galerie Acquavella à New York, qui le représente depuis 2012.
Ulf Küster, conservateur en chef à la Fondation Beyeler, a créé des surprises dans son affichage qui grandissent au fur et à mesure que vous traversez les salles.
C’est pourquoi l’exposition que lui consacre la Fondation Beyeler, en 55 peintures et une dizaine de dessins, est la bienvenue. En Europe, sauf pour ceux qui ont vu la Documenta organisée à Cassel (Allemagne) par Harald Szeemann en 1972 ou ceux qui se sont rendus plus récemment à Bologne (Italie) au Musée Morandi (une de ses références), qui lui a consacré une exposition en 2011, ou au Voorlinden Museum de Wassenaar (Pays-Bas) pour sa rétrospective en 2018, Thiebaud est un parfait inconnu. Cela lui aurait d’ailleurs plutôt bien convenu, lui qui n’a jamais cherché à se mettre en avant. Il avait son métier d’enseignant depuis 1951, repris juste après ses études, en Californie, et semblait très bien s’y adapter.

Comme Monsieur Jourdain, Wayne Thiebaud a fait du pop art sans le savoir. Il en fut même l’un des inventeurs. C’est enfin ce que lui ont expliqué Andy Warhol et d’autres, comme Robert Rauschenberg et Jasper Johns, lors d’un séjour à New York en 1956. Il était venu rencontrer Willem de Kooning et Franz Kline, leurs prédécesseurs expressionnistes. Il retourne en Californie en 1957, sans toutefois pouvoir échapper à la stigmatisation : les jeunes artistes pop voient en lui un précurseur.
L’enseignement, une vocation
Certes, il possédait tous les codes du graphisme publicitaire. A 15 ans, il est apprenti dans les studios Disney. Il fut peintre en lettres et dessinateur d’affiches de cinéma, décorateur de théâtre, et même, lors de son service militaire entre 1942 et 1945, décora les fuselages des avions de ces figures gaies typiques de l’humour particulier de l’US Air Force.
Mais sa propre vocation était d’enseigner. Il s’y consacre, d’abord en démissionnant de toutes ses autres professions, puis en créant à partir de 1954 une série de films pédagogiques. Malgré son succès en tant qu’artiste, il est resté professeur jusqu’à sa retraite de l’UC Davis en 1991 (il a continué à y enseigner dix ans plus tard, sur une base volontaire). Parmi ses élèves, quelques noms bien connus, comme Mel Ramos ou Bruce Nauman, qui fut aussi son assistant.
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