A l’EPR de Flamanville, dernière ligne droite avant les premiers watts

La centrale nucléaire de Flamanville, le 25 avril 2024 dans la Manche (Lou BENOIST)

La centrale nucléaire de Flamanville, le 25 avril 2024 dans la Manche (Lou BENOIST)

Il y a eu des embrassades et même des « petites larmes » : après 17 ans de construction laborieuse, chacun a célébré à sa manière le lancement « historique » du réacteur nucléaire EPR de nouvelle génération à Flamanville, où se déroule l’étape clé du chargement du combustible.

Douze ans après la date prévue, les équipes d’EDF voient le bout du tunnel, avec la mise en service du 57e réacteur du pays, une première en 22 ans.

« Cela fait 20 ans que nous n’en avons pas construit en France, c’est vraiment une grande fierté pour les équipes », a déclaré le directeur du projet Alain Morvan aux journalistes lors d’une visite le 10 mai. opération de chargement d’uranium.

Face à la Manche, aux côtés de deux réacteurs plus anciens, ce premier réacteur de nouvelle génération construit en France (4e de ce type installé dans le monde) sera le plus puissant du pays. D’une capacité de 1 600 mégawatts (MW), il alimentera près de trois millions de foyers.

Au terme d’un chantier long et difficile, la clé de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est enfin tombée le 7 mai, à 17h18.

« Il y en a qui ont versé une petite larme », d’autres « ont sauté de joie », on s’est même « embrassé un peu », a raconté Grégory Heinfling, directeur d’exploitation de Flamanville 3, où vont désormais travailler 800 personnes, dont 200 sous-traitants.

« C’était un grand moment d’émotion et en même temps, on savait qu’il y avait encore du travail à faire et qu’il fallait rester concentrés. »

La suite s’annonce chargée avec une succession d’essais et d’étapes à franchir, sous la supervision du gendarme nucléaire.

– Chargement « parfait » –

Une première étape vient d’être franchie : le chargement du combustible dans la piscine du bâtiment réacteur. La manœuvre, débutée le 8 mai, au lendemain de l’autorisation de l’ASN, s’est achevée mercredi.

Dans le bâtiment réacteur, cathédrale de béton surmontée d’un dôme de 55 m de diamètre, les opérateurs ont vécu pendant une semaine entière un peu « dans leur bulle » : rien ne devait perturber cette « opération peaufinée » qui mobilisait une trentaine de personnes 24 heures sur 24. jour, a expliqué vendredi Fabien Cudelou, responsable du chargement des carburants.

Environ 60 000 crayons, de minces tubes de 5 mètres de long contenant des pastilles d’uranium, ont dû être insérés dans le réservoir de 10 mètres de haut, à l’aide d’une énorme machine montée sur des rails faisant des allers-retours depuis le bâtiment de stockage de combustible.

La manœuvre a été réalisée sous une épaisseur de 20 mètres d’eau pour se protéger des effets de la radioactivité, même si le combustible est « neuf », donc non irradiant, selon EDF.

Une fois le chargement terminé et la cuve fermée avec son couvercle, la montée en pression et en température de la chaudière jusqu’à un premier cap de 110 degrés va désormais pouvoir commencer.

Pour d’autres opérations, des autorisations seront toujours nécessaires. Notamment avant de lancer la « divergence », la première réaction de fission nucléaire, vers fin juin selon l’ASN, le « moment que nous attendons tous », assure Alain Morvan.

Puis quand EDF atteint le niveau de puissance de 25%. A ce stade, le réacteur peut être connecté au réseau électrique (le « couplage ») et délivrer ses premiers électrons durant l’été.

Ce sera ensuite au tour de la turbine Arabelle 1000, le modèle le plus puissant du monde, avec son arbre de 70 mètres, d’entrer en action : au « couplage », la machine, qui attend son heure dans la salle des machines, tournera à 1 500 tr/min pour produire de l’électricité, alimentée par la vapeur créée par la chaleur du réacteur.

Un avis définitif sera demandé au franchissement du seuil des 80 %, avant une production à 100 % de puissance, attendue en fin d’année.

Fin 2025, le réacteur devra être arrêté pour une visite de maintenance, et le couvercle de la cuve remplacé courant 2026 en raison d’anomalies connues de longue date.

Au vu des nombreux déboires du site, qui a vu sa facture quadrupler à 13,2 milliards d’euros, selon EDF, les associations environnementales s’interrogent toujours sur la fiabilité de l’EPR, Sortir du Nucléaire regrettant « une mise en service précipitée ».

« Oui, il y a eu des moments douloureux (…) mais on a toujours rebondi et on a aujourd’hui une installation avec un haut niveau de qualité », et « qui sera sécuritaire », promet Alain Morvan.

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