A Marseille, des gens du voyage accusés d’avoir attaqué une école

jeIl faut bien chercher, descendre une rampe en béton longeant un Intermarché et déboucher sur un parking désaffecté, pour trouver les caravanes. Une trentaine, bien rangées, autour desquelles jouent les enfants, tandis que tournent les machines à laver reliées aux bouches d’incendie. Maïté, une blonde décolorée qui revient tout juste de faire ses courses dans l’un des deux supermarchés voisins, dans le quartier Saint-Loup à Marseille, nous explique qu’elle sera là « pour environ trois mois. Nous sommes une communauté évangélique, nous ne faisons pas de bêtises ». Les yeux des enfants sourient en croquant dans une brioche. La circulation est dense cet après-midi dans cette ancienne vallée industrielle coincée entre le massif des Calanques et l’autoroute menant à Toulon. Sur les artères sinueuses, les conducteurs jouent au millimètre pour trouver un coin de béton où se garer, avant d’aller chercher les petits à l’école maternelle et primaire Saint-Loup Centre. C’est là que ça coince. Nichée entre une résidence et les supermarchés, en contrebas du parking où les gens du voyage se sont installés le 25 août, elle concentre les craintes et la colère des parents et de certains riverains.

D’autant que quelques projectiles, dont une bouteille de bière en verre, ont été lancés depuis le fameux parking dans la cour de récréation de l’école. A chaque fois, les élèves étaient en classe et personne n’a été blessé. « Mais ce qui s’est passé est très grave », assure Sofiane, le père d’un petit garçon aux prises avec une sucette au retour de l’école. « On a trouvé des éclats de verre, des pierres et les petits auraient pu être gravement blessés. »

« Nous veillons à ce que les parents soient rassurés »

Autour, au moment de la sortie, on ne parle que de ça. Certains voisins de la résidence se joignent aux parents inquiets pour dénoncer « les incivilités qui durent depuis deux semaines, le bruit la nuit, les clôtures coupées pour traverser la résidence et aller jusqu’à la rivière… On a hâte qu’ils partent pour qu’ils puissent mieux dormir la nuit ». Des coups de feu auraient été entendus dans la nuit de dimanche à lundi à proximité du camp. Si la direction de l’école préfère ne rien dire, ayant envoyé des mails de signalement à l’académie, la mairie de ce quartier populaire espère qu’« une solution sera rapidement trouvée pour que les parents n’aient plus peur ».

À LIRE AUSSI Après la polémique, Pernod Ricard renonce à son partenariat avec le PSGA la mairie, les services de Benoît Payan, le maire (DVG) de Marseille, indiquent que “des mesures ont été prises immédiatement. Nous avons porté plainte contre X, fait installer des rubans pour empêcher les enfants d’aller dans la partie de la cour où les projectiles ont atterri. Mais nous n’accusons personne. Une enquête est en cours, nous veillons simplement à rassurer les parents.”

La police accusée de laxisme

Un jugement rendu hier par le tribunal administratif est en délibéré jusqu’à vendredi concernant l’éventuelle expulsion des gens du voyage. Il reviendra ensuite au préfet de décider du délai accordé pour quitter ce terrain privé. Il ne devrait pas tarder : un promoteur avait prévu de lancer la construction de deux immeubles ce mois-ci.

« C’est quand même assez surprenant que des caravanes s’installent soudainement ici, alors que le terrain était invisible depuis la route et difficile d’accès, juste avant le début de ces travaux », s’interroge un voisin. « Il reste un immense terrain réservé aux voyageurs, avec accès à l’eau et à tout ce qu’il faut, à quelques centaines de mètres d’ici. » D’autres riverains racontent que « quand les cinq ou six premières caravanes sont arrivées, un dimanche, la police était là. Apparemment, ils étaient au courant. Et pourtant, les gens ont pu s’installer. » Certains sont même allés à l’école pour tenter d’inscrire leurs enfants.

À LIRE AUSSI Trafic de drogue : pourquoi la France n’est pas un « narco-État », mais se trouve à un tournantEn milieu d’après-midi, la tension est palpable autour de l’école. Monique Griseti (RN), députée de cette circonscription élue au début de l’été, fait le tour du quartier. “Je suis conseillère municipale d’opposition depuis longtemps, je connais ces quartiers et l’incident qui s’y est produit, au-delà de la gravité pour les enfants, montre le manque de travail des autorités locales. Des points de vente de drogue s’installent un peu partout, des gens du voyage se retrouvent là, sur des terrains privés, sans que rien de sérieux ne soit fait depuis deux semaines.”

« Tentative de vol » au supermarché

A l’Intermarché où elle se rend, on lui explique que la cohabitation a été « un peu délicate au début ». Il a fallu éteindre quelques barbecues dangereux, mettre fin à des tentatives de vol dans les réserves, veiller au respect de la propreté. Dans les allées, une mère et ses enfants du camp font leurs courses. « Sans ses problèmes avec l’école, les gens n’y auraient pas prêté attention, sourit le gardien d’un magasin voisin. Mais vous savez comment c’est, dès qu’il y a des gitans, tout le monde est sur ses gardes et les rumeurs se répandent vite. »

Devant l’école, Sofiane jette la tétine de son fils tombée par terre. « On n’a rien contre ces gens-là, mais ceux qui ont jeté des pierres dans la cour de l’école doivent être punis, c’est aussi simple que ça. Ou alors faut-il attendre qu’un drame arrive ? Quand on est parent, on ne veut pas du tout de ça. »