La campagne européenne bat au rythme des sondages d’opinion au niveau national. Dans chaque État, les observateurs scrutent le plus souvent les intentions de vote entre les différentes formations politiques locales. Mais c’est la synthèse de 27 élections à travers le continent qui déterminera l’équilibre du pouvoir politique au sein du Parlement européen pour les cinq années à venir.
À moins d’une semaine de la clôture du scrutin, les dernières projections de l’hémicycle (établies par Europe Elects, Politico, ou les travaux des politologues Simon Hix et Kevin Cunningham) confirment les grandes tendances de ces derniers mois, avec les incertitudes propres à les sondages. La composition du Parlement se résume aux électeurs et à leurs bulletins de vote, de nombreux paramètres sont en jeu et la question des affiliations peut aussi compliquer l’exercice. Ces projections suggèrent un déplacement du centre de gravité du Parlement européen vers la droite et une progression marquée des groupes de droite radicale ou d’extrême droite qui pourraient perturber les mécanismes habituels à l’œuvre à Strasbourg et à Bruxelles.
Vers la stabilité pour le PPE et les sociaux-démocrates, les deux poids lourds historiques
Pas de changement majeur concernant les deux principaux partis européens. LE Parti populaire européen (PPE) devrait sans suspens rester en tête. En léger repli depuis mars, le noyau de centre droit pourrait néanmoins conserver sensiblement le même poids qui le caractérisait au Parlement sortant, soit environ un quart des sièges. Selon la plateforme d’agrégation de sondages Europe Elects, le PPE pourrait remporter dimanche environ 180 sièges, sur les 720 en jeu.
En deuxième lieu, le Groupe S&D (Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates) de centre-gauche a connu un léger rebond depuis le printemps. Les sociaux-démocrates pourraient sortir de cette séquence électorale à un niveau finalement proche de leur nombre dans l’actuelle chambre. Sur la base des différentes enquêtes réalisées, Europe Elects estime que le S&D pourrait remporter 138 sièges, soit 19,17% des sièges (contre 19,72% au Parlement sortant).
Affaiblissement des centristes et des libéraux de Renew
Les comptes sont peut-être moins flatteurs en ce qui concerne Renouveler l’Europe (RE), qui risque notamment d’être pénalisé par la Renaissance et la France et par la perte des élus Ciudadanos en Espagne. Le groupe le plus central du Parlement, stable dans les projections depuis mars, perdrait un continent important par rapport à aujourd’hui. Avec 14,47% des parlementaires actuellement, les libéraux et centristes pourraient chuter à 11,94% du Parlement européen (86 membres), selon la projection Europe Elects, soit une hausse de 102 à 86 sièges, dans un hémicycle qui en compte 15 de plus par rapport au Parlement européen. la dernière législature.
Sur la base des sondages actuels et de ces projections d’Europe Elects, les trois groupes centraux du Parlement européen totalisent 56,11% des voix dans l’hémicycle. Les politologues Simon Hix et Kevin Cunningham, dans leurs derniers calculs, l’estiment à 55,28 %. De quoi assurer encore une majorité informelle, mais moins confortable, notamment en cas de défections lors de ces votes clés disputés. Les trois forces combinées sont fragilisées, puisqu’elles représentent, additionnées, 59,15% dans l’actuel Parlement.
Montée des conservateurs nationaux et de l’extrême droite
C’est à droite du PPE que les changements seront sans doute les plus visibles. Les droites radicales et l’extrême droite devraient faire de forts progrès.
Issu à l’origine d’une scission entre les conservateurs britanniques et la droite européenne, le groupe Conservateurs et réformistes européens (ECR) pourrait représenter 10,42% des sièges au Parlement européen (75 sièges), selon la projection Europe Elects, contre 9,79% dans l’hémicycle actuel. Le groupe, qui devrait être dominé par les députés européens de la Première ministre italienne Giorgia Meloni (Fratelli d’Italia), comprend également des députés polonais du parti Droit et Justice (PiS), les Espagnols de Vox, les Démocrates suédois, la démocratie civique de la République tchèque. En février, le parti Reconquête d’Éric Zemmour a annoncé son adhésion au groupe.
Selon les travaux de Simon Hix et Kevin Cunningham, le groupe ECR pourrait même occuper 10,83% de l’hémicycle, un niveau pas si loin de Renew Europe. En fonction de la recomposition à droite de l’hémicycle, et des marges d’erreur, on voit que la troisième marche du podium au Parlement européen est incertaine.
Le groupe Identité et démocratie (ID) pourrait détenir 9,44% des sièges (68), selon Europe Elects. Aujourd’hui, le groupe comprend principalement des députés européens de la Ligue italienne et du Rassemblement national français.
Ce serait un bond significatif par rapport à son poids actuel (6,95%). Cette projection prend en compte l’exclusion de la délégation de l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), décidée après les multiples scandales impliquant l’un de ses dirigeants, Maximilian Krah.
Ensemble, les deux groupes pourraient donc peser près de 20% des voix dans l’hémicycle, sans compter les autres voix eurosceptiques présentes aujourd’hui parmi les non-inscrits : l’AfD, et le Fidesz de Viktor Orbán, qui a annoncé son adhésion au ECR après la élections. Le Premier ministre hongrois s’efforce de rassembler les populistes nationaux et les conservateurs nationaux. Marine Le Pen répète également à qui veut l’entendre l’importance de constituer un « super-groupe » dans cette extrême droite européenne. La tâche s’annonce ardue compte tenu des divergences idéologiques au sein de cette myriade de partis eurosceptiques. Déjà courtisée par la droite européenne, Giorgia Meloni estime qu’elles pourraient déjà pouvoir peser davantage. « Il est possible de construire une autre majorité au Parlement européen et donc une autre Europe avec des politiques différentes », a-t-elle déclaré lundi 27 mai.
Affaiblissement des écologistes
A gauche des sociaux-démocrates, des changements sont également à prévoir le 9 juin. Le groupe des Verts pourrait reculer sensiblement, passant de 10,21% des sièges à 7,78% dans la projection Europe Elects, principalement en raison de résultats sans doute moins bons que prévu. en France et en Allemagne. Son chef Terry Reintke rappelle cependant que cette force peut constituer un point d’appui pour la coalition sortante, alors que certains élus du PPE lorgnent sur les conservateurs de l’ECR.
Enfin, le groupe de gauche au Parlement européen (GUE/NGL) pourrait légèrement renforcer ses effectifs, passant d’un poids de 5,25% à 5,42%, selon Europe Elects.