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à trois mois des Jeux de Paris, les prostituées dénoncent leur « confinement social »

Elena* regarde les cinq ou six “filles” rassemblés autour d’elle. UN “petite amie” je l’ai appelée un peu plus tôt pour répondre à nos questions. Le trentenaire, originaire de Moldavie, est celui qui parle le mieux français dans ce coin du bois de Vincennes. Une centaine de femmes, pour la plupart originaires des pays d’Europe de l’Est et d’Afrique subsaharienne, s’y prostituent. « Parfois, la police ne nous laisse pas travailler », dit Elena entre deux bouffées de cigarette. Elle énumère : “amendes aux clients”, “PV pour les mauvais fourgons garé”… “Maintenant, la police nous dit que nous devrons partir lorsque les Jeux olympiques auront lieu.»

Depuis l’automne, les autorités s’intéressent de plus en plus aux lieux de prostitution de rue de la capitale : Bois de Vincennes, Bois de Boulogne, Strasbourg-Saint Denis et Belleville. En neuf mois, vingt opérations de police ont été menées dans le seul secteur du Bois de Vincennes. Résultat : 203 personnes ont été contrôlées, assure le cabinet du préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, à franceinfo.

Parmi eux, 44 ont été placés en détention administrative pour vérifier leur droit au séjour. Au final, 37 ordonnances de sortie du territoire français ont été prononcées et deux placements en centre de rétention administratif prononcés, avant retour forcé. Des chiffres relativement modestes, comparés aux milliers de prostituées que compte la capitale, mais en augmentation, de l’avis des personnes interrogées.

Ce renforcement du contrôle du travail du sexe intervient alors que les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) doivent se tenir cet été à Paris et en banlieue. La préfecture de police a également promis de “renforcer” la présence sur le terrain de services dédiés au contrôle de la prostitution en Ile-de-France pendant cette période.

« Alertes de risques d’exploitation accrus »

En décembre, Bérangère Couillard, alors ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, craignait déjà que les Jeux “prospérer les réseaux (…) de la prostitution. “Nous avons reçu des alertes sur des risques accrus d’exploitation”assure également à franceinfo l’ancien ministre des Sports Roxana Maracineanu, qui dirige la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof).

« D’anciennes victimes de trafic sexuel affirment avoir été contactées par des réseaux pour reprendre une activité au moment des JO. »

Roxana Maracineanu, secrétaire générale de la Miprof

sur franceinfo

Quinze millions de visiteurs sont attendus en France, y compris en provenance de pays où la législation sur la prostitution est différente.s’inquiète le secrétaire général de la Miprof. En France, depuis 2016, les clients prostitués s’exposent à une amende de 1 500 euros – et jusqu’à 3 000 euros en cas de récidive. Les propriétaires de locaux utilisés pour l’activité de prostitution risquent jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.

Dernière étape dans la lutte de l’exécutif contre la traite : un plan de lutte contre l’exploitation et la traite des êtres humains, qu’elle soit sexuelle ou non. Parmi la soixantaine de mesures proposées, un dispositif doit être mis en place avec les hôtes de Paris 2024 (Booking, Airbnb…) pour alerter en cas de suspicion de trafic sexuel. La ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, doit encore présenter un plan de lutte contre le système prostitutionnel, a confirmé son cabinet à franceinfo.

« Une évolution des pratiques policières »

Malgré les craintes politiques, la police n’a pas “aucune augmentation significative de l’offre n’a été détectée” prostitution lors de la Coupe du monde de rugby fin 2023, assure l’Office central de répression de la traite des êtres humains à ActuParis. Un constat qui aurait pu rassurer les autorités, la concurrence ayant servi de “premier tour” avant les Jeux. Plusieurs études, réalisées sur les Coupes du monde de football, attestent d’un résultat similaire, rapporte Slate.

La stratégie actuelle est donc loin de faire l’unanimité dans le milieu très hétérogène des associations de prostituées, ou de celles qui les soutiennent. La Fédération Parapluie Rouge, qui défend les droits des travailleuses du sexe, craint, dans un rapport (en PDF), que le partenariat avec les hébergeurs mène « à une forme d’industrialisation de l’expulsion des travailleuses du sexe de leur logement ».

Plusieurs associations remettent également en question l’efficacité de la mesure. Les locataires de bonne foi éviteront de confier leur appartement à des personnes qui, selon eux, à tort ou à raison, peuvent se livrer au travail du sexe. Donc surtout aux femmes racialiséesestime Sarah-Marie Maffesoli, de Médecins du monde. Les personnes sans scrupules factureront simplement plus parce qu’elles savent qu’elles courent un risque particulier. « Les réseaux se sont ubérisés et la prostitution s’effectue désormais dans les hébergements, les hôtels… Il faut absolument travailler avec les hébergeurs » pour agir sur les trafics, justifie-t-on à la Miprof.

Plus largement, la Fédération Parapluie Rouge dénonce un « confinement social » imposé aux prostituées. Sil est membre “partager le constat d’une répression accrue et parfois d’un changement dans les pratiques policières à l’approche des Jeux.” Et allons jusqu’à les qualifier de “Tous répressif”. Prostituées parisiennes “nous a raconté avoir été suivi par la police jusqu’à leur appartement (…) puis dénoncé à leur propriétaire”proteste également Sarah-Marie Maffesoli. Le Collectif des Femmes de Strasbourg-Saint-Denis veille à ce que “officiers de police (parfois en civil) venez demander aux femmes de partir sous prétexte qu’il y a un délit de racolage”un délit supprimé en 2016. D’autres, comme ceux rencontrés par Elena dans le bois de Vincennes, “suggérer qu’ils devront partir” pendant les Jeux, selon la fédération.

Les JO, un « prétexte » politique ?

« Nous avons eu plus de difficultés à faire respecter les droits des personnes que nous soutenons ces derniers mois », reconnaît également Stéphanie Caradec, directrice du Mouvement du nid, une association favorable à l’abolition de la prostitution. Ces comportements se produisent « toujours, sans aucune base légale »selon la Fédération Parapluie Rouge, “mais donnant l’impression que des ordres précis étaient donné”. Interrogée à ce sujet, la préfecture de police de Paris n’a pas répondu à franceinfo.

Pourquoi un tel bouleversement à quelques mois des Jeux ? Plusieurs associations estiment que la concurrence représente moins un risque d’augmentation du trafic sexuel qu’un prétexte politique pour agir dans d’autres domaines. « Il y a un écart évident entre le fait de vider les rues aujourd’hui et le fait que les Jeux olympiques ne soient que dans quelques mois », affirme Elisa Koubi, coordinatrice du Syndicat du travail du sexe (Strass). Elle y voit une autre raison, politique, quelques mois après l’adoption de la loi sur l’immigration. Alors que plus de 90 % des prostituées de rue sont étrangères (comme le rappelait un rapport parlementaire de 2011), le renforcement des contrôles serait une question de« un prétexte pour expulser des sans-papiers ».

Pour Sarah-Marie Maffesoli, la stratégie actuelle s’inscrit dans “dans un contexte général de gentrification de la ville, qui s’accélère à l’heure de Paris 2024 dans l’espoir de bénéficier d’un ‘impact olympique'”. Les prostituées de rue ne sont pas les seules concernées, souligne-t-elle, alors que de nombreux migrants ont également été exfiltrés de la capitale à l’approche du concours. « Dans toutes les villes où ce type d’événement a eu lieu, le slogan est le même : l’image de la ville hôte doit être aseptisée »constate le Women’s Bus, une association de prostituées.

Peur de l’éloignement des réseaux de soutien

Médecins du Monde estime avant tout que cette politique s’inscrit dans le cadre “dans un contexte global de lutte contre le travail du sexe”initiée par la loi pénalisant les clients de la prostitution, adoptée en 2016. Une position revendiquée par l’exécutif et les associations avec lesquelles il travaille. « La consommation de la prostitution est interdite en France, et nous acceptons pleinement cette loi abolitionniste. Nous n’allons pas répéter le débat aujourd’hui”, tranche Roxana Maracineanu. Il y a urgence d’agir, insiste-t-elle, rappelant que la prostitution des mineures a explosé ces dernières années. « Il ne s’agit pas de s’adresser aux visiteurs (JOP)mais à tout le monde”dit aussi Stéphanie Caradec, du Mouvement du nid.

“La lutte contre le système prostitutionnel n’est plus en tête de l’agenda politique depuis 2016, mais les Jeux Olympiques peuvent être l’occasion d’accélérer le mouvement.”

Stéphanie Caradec, directrice du Mouvement du nid

sur franceinfo

“Le but n’est pas de précariser les personnes en situation de prostitution, considérées comme des victimes selon la loi française (…) mais de lutter contre les réseaux”. en fonctionnement”insiste la Miprof, sans parvenir à rassurer les prostituées et associations opposées à l’abolition. « Nous craignons que de nombreuses travailleuses du sexe fuient Paris et s’éloignent de leurs réseaux de soutien, sans équipement de protection, sans accès aux tests de dépistage »note Elisa Koubi, du Strass.

Pour limiter les dégâts, le Bus des Femmes distribue des dépliants aux prostituées, détaillant le planning des manifestations à proximité et les incitant à s’organiser afin de réduire leur activité. « Ce qui se passe aujourd’hui va probablement continuer après la compétitioncraint aussi Sarah-Marie Maffesoli. Nous savons qu’il n’y a jamais de retour en arrière en matière de répression. »

* Le prénom a été modifié.

Fleur

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