Des dizaines de militants manifestent vendredi près de la salle Pleyel à Paris, où doit se tenir l’assemblée générale de TotalEnergies. Alors que le groupe a connu des profits records en 2022, plusieurs ONG et militants pour le climat avaient signé fin avril une plateforme avertissant qu’ils voulaient empêcher cette assemblée générale d’avoir lieu.
Après BP et Shell, vient le tour de TotalEnergies : le géant français des hydrocarbures se prépare pour une assemblée générale électrique le vendredi 26 mai, visée avant son ouverture par des échauffourées entre manifestants pour le climat et forces de l’ordre, alors que des actionnaires sont également en désaccord avec le groupe politique climatique.
A l’aube, des dizaines de manifestants pour le climat ont tenté d’entrer dans le tronçon de rue passant devant la salle Pleyel, dans les beaux quartiers de Paris. Une dizaine d’entre eux, qui s’étaient assis devant l’entrée, ont été délogés par la police et des échauffourées ont eu lieu, a constaté un journaliste de l’AFP. La police a fait usage de grenades lacrymogènes pour déloger les manifestants.
Une coalition d’ONG a appelé au blocage du meeting et des dizaines de militants sont désormais attablés aux entrées de la rue du Faubourg Saint-Honoré, scandant notamment « Ce que nous voulons, c’est renverser Total » et « Un, deux et trois degrés, Total doit être remercié ».
Le meeting intervient au terme d’une saison d’AG houleuse, où des militants ont multiplié les actions contre de grands groupes, comme les concurrents Shell et BP ou la banque Barclays, accusés de financer l’expansion de projets d’hydrocarbures.
Le tout sur fond de bénéfices faramineux : ensemble, les majors BP, Shell, ExxonMobil, Chevron et TotalEnergies ont affiché plus de 40 milliards de dollars de bénéfices ce trimestre, après une année 2022 grandiose.
Signe des tensions attendues, TotalEnergies interdira aux actionnaires et aux journalistes d’utiliser leur téléphone portable, et les obligera à laisser certains effets personnels à l’entrée. Le groupe veut surtout éviter le scénario chaotique de 2022, lorsque des militants d’ONG ont empêché des actionnaires d’entrer dans l’AG.
Les autorités s’attendent à la présence de 200 à 400 militants, qui « veulent absolument empêcher la tenue de l’AG », selon une source policière.
« L’AG de Total n’aura pas lieu », avaient aussitôt prévenu dans une tribune fin avril les signataires 350.org, Alternatiba, Les Amis de la Terre, ANV-COP21, Attac, Greenpeace, Scientists in Rebellion et XR. « Cette assemblée générale entend pérenniser la stratégie de la compagnie pétrolière : toujours plus de projets fossiles et une répartition inéquitable des superprofits qui alimente l’injustice climatique et sociale », dénoncent-ils.
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Bénéfice record de 20,5 milliards de dollars en 2022
Parmi les sujets brûlants, les près de 1,5 million d’actionnaires individuels, présents ou en ligne, sont appelés à se prononcer sur une résolution consultative de l’organisation actionnariale activiste Follow This, qui s’attaque principalement au CO indirect2. Autrement dit, ceux liés à l’utilisation du pétrole par ses clients dans les voitures ou pour le chauffage (scope 3 de la comptabilité carbone), soit l’équivalent de 85 % de son empreinte carbone. L’organisme lui demande d’aligner ses objectifs de réduction sur l’accord de Paris de 2015, afin de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle.
Au sein de cette coalition de 17 investisseurs qui détiennent près de 1,5% de TotalEnergies figurent La Banque Postale AM, Edmond de Rotschild AM et La Financière de l’Échiquier. Le groupe recommande de voter contre, jugeant la résolution « contraire aux intérêts » de TotalEnergies, « de ses actionnaires et de ses clients ».
La major va néanmoins promouvoir ses efforts pour le climat et appelle ses actionnaires à « voter en faveur » de sa propre résolution climat. Cette stratégie officielle porte avant tout sur ses émissions directes, issues de son exploitation ou liées à l’énergie qu’elle consomme (périmètres dits « scope 1 et 2 »).
Même si le groupe ne prévoit pas de réduire drastiquement ses émissions directes dans la décennie, il entend consacrer un tiers de ses investissements aux énergies bas carbone et atteindre 100 GW de capacité électrique renouvelable d’ici 2030.
« Ce sont les revenus des hydrocarbures qui nous permettent d’investir massivement et de développer les renouvelables », a plaidé mercredi le PDG Patrick Pouyanné dans un entretien au magazine Challenges.
Le groupe est présent dans de nombreux projets de gaz naturel liquéfié et de pétrole, aux Emirats Arabes Unis, en Irak, en Papouasie et en Ouganda, le controversé projet de pipeline chauffé Eacop étant devenu un symbole médiatique de la lutte contre le pétrole.
« On (ne) savait pas anticiper », a concédé à Challenges Patrick Pouyanné à propos de cette polémique, qui s’ajoute à bien d’autres pour le groupe, critiqué pour son bénéfice record de 20,5 milliards de dollars (19,12 milliards d’euros) en 2022, ses impôts en France ou le salaire du PDG. Une augmentation de 10% de sa rémunération pour 2023 est également à l’ordre du jour de l’AG.
Avec l’AFP
France 24