Ua célèbre métaphore, vieille de trois quarts de siècle, due à Kurt Lewin (1890-1947), fondateur de la psychosociologie, décrit les trois moments constitutifs de tout processus de changement : le le « dégel », le « mouvement » et enfin le « regel », qui permet d’éviter tout retour vers le passé. Cette image, utilisée de manière classique en management, indique de manière pratique le chemin qui pourrait conduire à la nécessaire transition écologique et sociale.
Cette transition est le plus souvent décrite comme un horizon plus ou moins lointain. Mais le « dégel » a déjà eu lieu, induit notamment par les sommets de l’ONU, les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et les manifestations très visibles du bouleversement climatique. Elle est associée à un nouveau paradigme sociétal, le développement durable, mis en avant de l’école primaire à l’université, qui bouleverse les relations entre sciences naturelles, économiques et sociales, mais aussi entre recherche et action, monde scientifique et univers médiatique. . Le « mouvement » est en marche.
La mobilisation est diffuse (dans les administrations, les entreprises, les associations) et polymorphe (de l’architecture au spectacle vivant en passant par les « fresques » et les jeux stratégiques des grandes écoles). Mais l’impact reste limité. On voit bien la difficulté de mettre en œuvre l’accord de Paris (2015) ou de modérer les usages locaux de l’eau. Surtout, la trajectoire reste ambivalente. Le tandem actuellement promu, combinant méga-industrie et ingénierie verte, ne sauvera pas plus la planète que l’ingénierie urbanistique des années 1960 n’a réussi à créer des villes « radieuses ».
La transition vers une « économie du bien commun », un nouveau régime économique et social, s’avère essentielle. C’est le « regel », c’est-à-dire la stabilisation des actions qui vont dans ce sens, qu’il faut désormais faciliter.
Une régulation sociale adéquate
Pouvons-nous y parvenir de manière autoritaire, en nous appuyant uniquement sur la réglementation par la loi ? Les récents revirements du gouvernement français et de l’Union européenne en matière environnementale et agricole semblent indiquer au contraire que « trop de normes tuent la norme ». L’inflation des discours volontaristes provoque aussi un effet de saturation. Loin de la stimulation concrète des acteurs, se profile le risque d’une berezina environnementale.
Les sciences des organisations peuvent-elles contribuer à prévenir ces écueils et à réfléchir de manière réaliste à la problématique du « regel » ? Il faut partir d’une compréhension des actions concrètes qui ont favorisé le changement, puis envisager une régulation sociale adéquate, conduisant à une accumulation d’impacts et à un « effet de cliquet » rendant tout recul impossible.
Il vous reste 49,14% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.