Allemagne et Mexique, deux pays champions du temps de travail

Les Allemands ont travaillé plus que jamais en 2023. Les Mexicains font partie des pays de l’OCDE où les salariés travaillent le plus. Mais ces nombreuses heures de travail ne sont pas synonymes de prospérité économique ni de bien-être pour les salariés.

Le Club des Correspondants s’intéresse aux horaires de travail et aux premiers arrêts en Allemagne où, selon une étude, les Allemands ont travaillé 55 milliards d’heures en 2023. Un record depuis la réunification du pays en 1990. Mais malgré cette augmentation du volume de travail , l’économie continue de ralentir. La solution pourrait venir du travail des femmes, encore sous-employées, selon les économistes.

Direction ensuite le Mexique, pays de l’OCDE où les salariés travaillent le plus, avec une moyenne de 2 148 heures par an, soit 60 % de plus qu’en Allemagne, et nettement plus que ses voisins nord-américains. Au Mexique, la dynamique serait plutôt d’essayer de réduire ce temps, alors que ces longues journées ne sont pas sans conséquences sur la santé personnelle des travailleurs.

Allemagne : 33 heures de travail par semaine pour les femmes, 40 heures pour les hommes

Selon les données de l’Institut allemand de recherche économique, les Allemands ont travaillé 55 milliards d’heures en 2023. À titre de comparaison, ce chiffre n’était que de 52 milliards en 1991 et de 47 milliards en 2005, soit son niveau le plus bas. Il s’agit donc d’un record depuis la réunification de l’Allemagne en 1990. L’explication est simple : si le volume de travail augmente, c’est parce que de plus en plus de femmes ont un emploi. La part des femmes qui travaillent est passée en Allemagne de 57 % en 1991 à 73 % aujourd’hui. Les femmes travaillent en moyenne 33 heures par semaine contre 40 heures pour les hommes.

Malgré cette augmentation du volume de travail, l’économie continue de ralentir en Allemagne. C’est le signe que le nombre d’heures de travail ne signifie pas grand-chose, voire rien, pour la prospérité d’un pays. Autrement, la Grèce, qui est le pays de l’Union européenne où l’on travaille le plus avec 41 heures par semaine, serait l’une des nations les plus riches d’Europe. En réalité, le nombre de personnes actives en Allemagne n’a jamais été aussi élevé, mais dans le même temps, la durée du travail diminue. Et comparé aux autres pays européens, cela reste faible. Femmes et hommes confondus, les Allemands passent 34 heures et 42 minutes par semaine au travail, alors que la moyenne européenne est de 37 heures. La raison en est notamment le passage à la semaine de quatre jours dans certaines entreprises, mais aussi le taux record d’absentéisme lié au stress et à la dépression. L’année dernière, il y a eu 301 jours d’absence pour 100 salariés, soit 50 % de plus qu’il y a 10 ans. Le travail à temps partiel est également très répandu : une femme sur deux travaille à temps partiel.

Augmenter les heures de travail des femmes

L’Allemagne souffre d’une grave pénurie de personnel qualifié, près de deux millions de postes sont vacants et selon l’institut économique IFO de Munich, 43 % des entreprises ont des difficultés à recruter. Mattis Beckmannshagen, l’auteur du rapport sur le temps de travail, recommande donc de faciliter l’accès des femmes au monde professionnel. “Selon nos statistiques, une mère sur cinq en Allemagne souhaiterait augmenter ses heures de travail. Cela indique qu’en Allemagne, famille et travail ne sont pas toujours compatibles. Aujourd’hui, le plus souvent, les deux parents travaillent. Nous devons donc améliorer à la fois la capacité et la qualité des soins aux enfants. »il explique. La main d’œuvre féminine constitue donc un potentiel insuffisamment exploité, selon les économistes. Outre de meilleures capacités de garde d’enfants, certains réclament une répartition plus équitable des tâches ménagères pour permettre à davantage de femmes de travailler.

Mexique: 75% des Mexicains souffrent de stress au travail

Le temps moyen que les Mexicains passent au travail est de 48,5 heures par semaine. C’est le résultat d’une journée de 8 heures, 6 jours par semaine. C’est la durée maximale légale. Cette durée n’a pas changé depuis la création du droit du travail mexicain dans les années 1930, principalement en raison de la prédominance des organisations patronales et de la conviction que la régularisation serait préjudiciable à l’économie du pays. Avec les accords de libre-échange et l’ouverture des marchés, le Mexique est appelé à fournir une main d’œuvre bon marché, notamment dans les secteurs manufacturiers et les usines de transformation.

Les salaires sont donc bas, les salariés cherchent à faire des heures supplémentaires ou à travailler en équipe le week-end. Il s’agit donc de travailler davantage pour augmenter ses revenus. Un mécanisme qui a pour effet de normaliser les journées longues et mal payées. Mais cela n’est pas sans conséquences sur la santé personnelle des travailleurs : 75 % des Mexicains souffrent de stress au travail, selon le ministère de la Santé. Plus fatigués, ils ont moins de temps à consacrer à eux-mêmes, que ce soit pour dormir ou manger. Ils ont également moins de moments de détente et de disponibilité dans leur vie sociale.

Passer d’une durée hebdomadaire de travail de 48 à 40 heures

Il y a actuellement dans le pays volonté politique de réduire les heures de travail des Mexicains. Le Parlement devrait discuter dans les prochains jours d’une réduction de la durée hebdomadaire du travail de 48 heures à 40 heures. Cela impliquerait d’imposer un deuxième jour de repos par semaine. Mais pour des raisons d’agenda politique, le débat pourrait être une énième fois reporté et le projet de loi suspendu jusqu’aux prochaines élections. Cependant, des progrès ont déjà été réalisés puisqu’en 2023, le Mexique a doublé le nombre de jours de congé annuel des salariés. Ils sont allés de six à douze jours. Ce chiffre reste faible et inférieur aux recommandations de l’Organisation internationale du travail. Il recommande un minimum de 18 jours de congé par an dans l’intérêt du bien-être des travailleurs et de la productivité des entreprises.